Macron à Kinshasa: sa logorrhée, le mépris de l’héritage direct de l’Opération Turquoise en RDC ou l’ignorance de l’histoire?

Le Président Français Emmanuel Macron a terminé sa tournée africaine par une visite éclair à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, le 04 mars 2023. Tête-à-tête avec Félix Tshisekedi, conférence de presse conjointe à l’historique Palais de la Nation, Emmanuel Macron et son homologue congolais se sont livrés à un exercice périlleux devant la presse.

Alors que Kinshasa attendait de la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la condamnation claire et nette du Rwanda, bras séculier du mouvement terroriste du M23 qui occupe de pan de terre dans les territoires de Rutshuru,Nyiragongo et Masisi, au Nord-Kivu, Macron s’est complu à taire la part de responsabilité de la France.

« Depuis 1994, ce n’est pas la faute de la France et pardon de le dire dans des termes aussi crus ; vous n’avez pas été capable de restaurer la souveraineté de votre pays. Ni militaire ni sécuritaire ni administrative de votre pays. C’est aussi une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur », a pesté Macron.

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Il a poursuivi en déclarant que la solution ne viendra pas de la France.

«… Et donc on en est dans cette situation qui a conduit à des drames absolus, à cette deuxième guerre avec des millions de morts qu’on ne doit pas oublier, à la nécessité aussi, ce qui est une responsabilité qui doit se faire ici et pas à la France de le faire, de mettre en place une justice transitionnelle qui est la clé pour que celles et ceux qui parfois, ont tué soient jugés. Et parfois ils évoluent encore, ils sont là et ont même des responsabilités. Comment voulez-vous qu’une paix durable et de la confiance dans un pays quand la justice n’est pas placée ? N’accusez pas la France pour quelque chose qui dépend de vous », a-t-il asséné.

Si le Président Français a dédouané son pays de toute responsabilité, la France n’est pas pour autant « innocente » dans la persistance de l’insécurité dans l’Est de la RDC. La France, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est l’initiatrice de la fameuse Opération dénommée « Turquoise». Une urgence, en principe, justifiée par le génocide contre la minorité Tutsi qui s’y déroule depuis le 7 avril 1994 au Rwanda.

Insécurité dans l’Est, un héritage direct de l’Opération Turquoise

Isolé sur le plan diplomatique par la France, la Belgique et les États-Unis d’Amérique, le Président-maréchal zaïrois, Mobutu a fini par accepter l’inacceptable.

En effet, pour renouer avec ses soutiens occidentaux, Mobutu Sese Seko a mis à la disposition des troupes françaises les aéroports de Goma et de Kisangani en vue de l’intervention organisée par la France et autorisée par la résolution 9291 du 22 juin 1994 du Conseil de sécurité des Nations Unies lors du génocide des Tutsis au Rwanda.

Baptisée « Turquoise », cette opération était à la base présentée comme une initiative humanitaire. En réalité, forte d’un déploiement de plus de 2 500 hommes, elle avait pour mission de mettre fin, éventuellement par la force, aux massacres partout où cela aurait été possible. Mais cette importante intervention militaire n’a pu empêcher l’arrivée massive de millions de réfugiés Hutus, parmi lesquels des génocidaires, dans le territoire zaïrois. Fuyant les massacres au Rwanda, des flots humains, civils et militaires se sont réfugiés vers ce qui était encore le Zaïre.

La Turquoise pour exfiltrer les chefs du génocide vers la RDC

Selon un article de la Libre Afrique citant le chercheur français François Graner qui a trouvé dans les archives de l’Elysée, un document confirmant le rôle de l’Etat français dans l’exfiltration des chefs du génocide vers le Zaïre, devenu RDC, indique que sous les ordres du lieutenant-colonel Jacques Hogard, la Légion étrangère a exfiltré les chefs du génocide vers le Zaïre ( RDC), le 17 juillet 1994. Un document déclassifié de l’état-major de l’armée française indique: « L’option clairement avouée étant de repérer également les restes des FAR (NDLR: Forces armées rwandaises, l’armée du gouvernement génocidaire) avec leur armement au Zaïre, afin de poursuivre la résistance depuis ce pays ».

C’est effectivement ce qui s’est fait. L’armée et les miliciens génocidaires rwandais se sont regroupés, formant ainsi les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, FDLR, ce groupe armé qui sème aujourd’hui encore la terreur au Kivu congolais), ont organisé des camps de réfugiés au Kivu d’où ils partaient pour attaquer le Rwanda. Ces camps seront dispersés par la force, en 1996, par l’armée du Front Patriotique Rwandais (FPR) vainqueur à Kigali. Les armements, la culture de la mort, les viols systématiques, les groupes armés rivaux autant de fléaux qui ensanglantent aujourd’hui l’Est du Congo, sont effectivement un héritage direct de l’Opération Turquoise.

Leur présence sert de prétexte à Paul Kagame pour déstabiliser et piller la région du Kivu. Massacres, invasions, traques sont les conséquences directes depuis plus de 20 ans.

Carmel NDEO

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