RDC: Le nouveau rapport de The Sentry ciblant Afriland First Bank remis en cause

Décidément, des ONGs internationales en ont toujours après Afriland First Bank. La banque qui opère en RDC, qui monte en puissance, est de nouveau ciblée, dans un rapport à charge. Si le premier, cafouilleux, lui reprochait, dans des affirmations au conditionnel et souvent unilatérales, d’aider Dan Gertler à contourner les sanctions, ce nouveau rapport, rédigé cette fois par The Sentry, un organisme privé financé par l’acteur américain George Clooney, va chercher une histoire toute aussi étrange, liant la banque à des hommes d’affaires de la Corée du Nord.

« En 2018, deux hommes d’affaires nord-coréens ont créé une entreprise de construction en République démocratique du Congo (RDC). Ils ont participé à des opérations qui iraient à l’encontre des sanctions de l’Union européenne, de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et des États-Unis. Malgré de strictes interdictions internationales, ces personnes ont réussi à ouvrir un compte bancaire pour leur société, Congo Aconde, et ont mené des travaux dans le pays », affirme ce rapport. « Parmi ces projets, Congo Aconde a décroché un contrat pour ériger des statues dans une capitale de province isolée, une activité interdite de manière explicite par des sanctions onusiennes adoptées en 2016. Des fonds publics congolais auraient financé les statues, ce qui est également contraire aux sanctions onusiennes », ajoute-t-il, sans être sûr de ses faits.

Comme le fameux rapport l’affirme si bien, l’affaire sensée être un scandale tourne bel et bien autour de la construction de deux petites statues dans la province du Haut-Lomami en 2018. Les deux statues sont construites à Kamina. L’une représente l’ancien président Laurent-Désiré Kabila, et l’autre représente un chef des Luba. Elles seraient construites par la société Congo Aconde. Selon le rapport de The Sentry, cette société congolaise appartiendrait donc à deux hommes d’affaires nord-coréens, respectivement Pak et Hwang.

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« Des membres haut placés du gouvernement ont passé commande auprès de l’entreprise pour effectuer des travaux publics, de toute évidence à l’encontre des sanctions internationales, ce qui souligne la mauvaise gestion de ressources déjà rares. Notamment, la province de Haut-Lomami, où Congo Aconde semble s’être engagé dans des activités interdites, est isolée géographiquement et économiquement, en partie par son infrastructure médiocre des transports. En outre, la population y souffre de malnutrition à un niveau plus élevé que la moyenne, ainsi que de plusieurs maladies transmissibles, tels que la rougeole et le choléra », voilà le grief retenu par l’organisation américaine contre la construction de ces deux statues.

Toutefois, l’organisation d’explique toujours pas quelles sont les sanctions onusiennes qui auraient été violés dans ce cas.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a, en effet, adopté sept résolutions qui imposent ou renforcent des sanctions diverses à l’encontre du régime communiste. Les premières résolutions ont été votées en 2006 et 2009, après les deux premiers tests atomiques. Deux séries de sanctions ont suivi en 2013, puis deux en 2016 à tonalité économique, et enfin une début août 2017 visant à priver le pays d’un milliard de dollars de recettes provenant de ses exportations de fer, charbon et de sa pêche. Les sanctions touchent plusieurs aspects de la vie et de l’économie nord-coréenne, mais vise spécifiquement la prolifération nucléaire.

Le 2 mars 2016, le Conseil de sécurité a alourdi les sanctions économiques et imposé un contrôle systématique de tous les cargos au départ ou à destination des côtes nord-coréennes. La résolution a interdit les exportations de charbon, de fer et de minerai de fer, sauf si les revenus générés sont utilisés pour la « subsistance » de la population nord-coréenne. Pyongyang a aussi interdiction de vendre de l’or, du titane et des minerais rares utilisés dans la haute technologie, et ne pourra plus se procurer de carburant pour l’aviation et pour les fusées.

Dans sa résolution 2027, l’ONU prend des mesures qui touchent aux citoyens nord-coréens. Toutes, elles concernent des exportations ou des importations de matériels. En octobre 2017, les États-Unis ont étendu leurs sanctions contre plusieurs organismes et personnalités politiques nord-coréennes, pour protester contre leurs abus des droits de l’homme et restreindre les rentrées de devises étrangères du régime. Mais à ce stade, les violations auxquelles les autorités congolaises se seraient laissé aller en laissant, semble-t-il, une société créée par deux citoyens nord-coréens, construire deux statues, ne sont pas clairement mentionnées par The Sentry.

L’autre souci avec ce rapport est que l’organisation américaine affirme elle-même que plusieurs autres banques ont fait des affaires avec les deux hommes d’affaires nord-coréens. Mais étrangement, seule la banque Afriland First Bank est citée nommément dans ce rapport, au risque de témoigner un ciblage spécifique de la banque, prise à partie dans une guerre commerciale entre l’israélien Dan Gertler et d’autres intérêts américains, notamment l’homme d’affaire George Soros. Par ailleurs, selon nos informations, et conformément au rapport de The Sentry, les deux hommes d’affaires nord-coréens ont bel et bien ouvert des comptes à Afriland First Bank. Toutefois, ils n’ont jamais effectué des transactions à l’international. « Leurs transactions ont été faites exclusivement en RDC et ne dépasse pas 200.000. USD. Ce qui est étrange, c’est qu’il y a 7 autres banques en RDC qui ont ouvert des comptes pour ces deux hommes d’affaires et ont même fait des affaires à l’étranger, ce qui peut être qualifié de blanchiment d’argent, mais aucune d’elle n’est épinglée », explique un cadre de la banque congolaise, qui a requis l’anonymat.

Dans son propre rapport de The Sentry avoue en effet que plusieurs autres banques sont concernées, affirmant par ailleurs qu’Afriland First Bank n’a fait que des transactions en RDC pour ces deux hommes d’affaires. « Au travers de son enquête, The Sentry soulève des questions importantes concernant l’application des sanctions sur la Corée du Nord, tout en démontrant comment de nombreux niveaux du gouvernement congolais et plusieurs banques ont manqué à leur devoir de vigilance en ce qui concerne Congo Aconde », affirme l’organisation dans son rapport.

Mais l’organisation américaine n’a pas cité d’autres banques qui auraient fait des transactions avec les deux nord-coréens. En outre, toujours d’après ce rapport, le compte ouvert par Afriland Bank aurait permis à l’entreprise présumée de deux nord-coréens de de déplacer ses fonds sur le plan international par le biais de la BMCE Bank International. Là encore, d’autres informations contredisent la version des faits. Alors que selon son propre rapport, les transactions se situeraient en 2019, l’Afriland First Bank n’est entré en correspondance avec la banque BMCE Bank International qu’en 2019.

A Kinshasa, ce nouveau rapport sonne comme autre, publié il y à peine quelques semaines, par le duo Global Witness et le PPLAFF, du sulfureux avocat William Bourdon. Ce document prétendant étaler comment Dan Gertler aurait contourné des sanctions américaines a fini par occasionner des poursuites contre ses auteurs notamment auprès de la justice française. Une plainte qui court toujours, mais qui illustre par ailleurs une campagne visiblement mise en place sur plan internationale contre Afrliand Frist Bank.

De son côté, depuis sa création en 2016, The Sentry a publié une trentaine de rapport sur des présumé scandales en RDC, en Centre Afrique, au Soudan et au Sud Soudan. Cependant, au moins 10 de ses rapports sont consacrés à la RDC. Et dans leur totalité, ils reprennent tous, de manière systématique, le nom de Joseph Kabila et de ses proches.

La liste des rapports est à consulter ici :
https://thesentry.org/reports/

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