RDC: Ceux qui devraient être libérés provisoirement

La pandémie du Covid-19 commence à prendre des allures inquiétantes en République démocratique du Congo. Hier, le mardi 05 mai 2020, le pays a enregistré un nouveau record de 92 nouvelles personnes atteintes du virus en 24 heures. Le cumul des cas passe donc à 797 cas confirmés désormais. Derrière cette hausse sensible, il y a les contaminations dans la prison militaire de Ndolo. Au total, « 56 personnes ont été confirmées Covid-19 en date du (samedi) 02 mai 2020 à la prison militaire de Ndolo située dans la zone de santé de Kokolo », affirme le dernier bulletin épidémiologique des autorités sanitaires. Jeudi et vendredi, 43 cas de Covid-19 avaient déjà été diagnostiqués dans cette prison située dans le nord de Kinshasa.

Construite pendant la période coloniale belge avec une capacité de 500 personnes, la prison militaire de Ndolo compte 1.900 à 2.000 prisonniers. « Les prisons surpeuplées et insalubres de la RDC présentent un grave risque de propagation de l’épidémie de Covid-19« , avait prévenu dès le 17 avril l’organisation de défense des droits de l’homme Human Right Watch (HRW).

Actuellement, sept provinces sur 26 sont touchées par l’épidémie. Kinshasa (environ 12 millions d’habitants) concentre la grande majorité des cas (652) et la totalité de décès.  Dans la capitale, la principale prison reste celle de Makala, dans la commune de Selembao. Selon les autorités, il n’y a encore aucun cas de Covid-19 à Makala, la grande prison de Kinshasa qui héberge au moins 9000 détenus, selon le ministre de la justice, Célestin Tunda ya Kasende.

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Pour éviter l’arrivée de l’épidémie dans la plus grande prison de Kinshasa, le gouvernement a décidé un désengorgement. Dans un conseil des ministres tenu le lundi 04 mai, les autorités évoquent donc l’idée de libérer des prisonniers qui sont détenus provisoirement, ou qui seraient condamnés à des peine légères.

« Il s’ensuivit un débat à propos des possibilités de désengorgement des prisons. Parmi les pistes explorées, il y a la voie de libération conditionnelle, de liberté provisoire à accorder aux personnes privées de liberté mais ne présentant aucun risque à l’instar du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat, ainsi que les personnes condamnées à des peines mineures. La possibilité pour le Président de la République d’user de son droit de grâce a été également évoquée le tout sous les observations exigeantes du Ministre des Droits Humains rappelant les recommandations des instances internationales à ce sujet », explique le compte rendu de cette réunion organisée par vidéo conférence.

Le Conseil des Ministres a instruit le ministre de la Justice de prendre immédiatement, en concertation avec le Ministre des Droits Humains, les mesures de désengorgement urgent des prisons avec le concours des services judiciaires compétents.  Déjà, dans une lettre envoyée au Procureur de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe et à celui de la Cour d’appel de Kinshasa/Matete, le vice-premier ministre Célestin Tunda Ya Kasende avait demandé une libération provisoire pour l’homme d’affaires libanais Jammal Samih, désormais poursuivi par la justice congolaise dans le procès concernant le directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe.

Dans cette lettre datant du 1er avril 2020, Célestin Tunda a d’abord demandé un « désengorgement » de la prison centrale de Kinshasa, en surpeuplement et dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19. « En effet, la promiscuité l’instar de surpeuplement de la Prison Centrale de Makala, qui compte près de 9000 détenus, est de nature à favoriser la propagation de cette terrible redoutable pandémie. Il est dès lors impérieux de prendre toutes les dispositions utiles et sanitaires, en vue du désengorgement de la Prison centrale de Makala », dit le ministre congolais.

Le cas le plus emblématique qui pourrait être concerné par ces libérations est celui du Directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi. Vital Kamerhe a été arrêté le 8 avril à Kinshasa, puis placé en détention provisoire. Le 11 avril, la Chambre de conseil du Tribunal de Kinshasa/Matete a prolongé sa détention de 15 jours. Cependant, à l’expiration de ce délai de détention, et alors que les avocats de Kamerhe s’apprêtaient à faire une nouvelle demande de libération provisoire de leur client, le procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa/Matete, Kisula Betika Yeye Adler, a décidé d’inculper Kamerhe, transférant son dossier auprès du Tribunal de Kinshasa/Gombe, où le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi attend son procès.  

Toutefois, alors que le procès s’ouvre le 11 mai, la détention de Vital Kamerhe reste toujours provisoire. Un de ses proches parle même d’une détention sans soubassement légal. « Sa détention était de 15 jours. Aujourd’hui, Vital Kamerhe est détenu sur base de rien. Sa libération est plus que légale. Il peut comparaître librement », explique ce proche.

Bamaros, Wenga, Makabuza et les autres

Si les noms de Vital Kamerhe et Jammal Samih sont les seuls à être évoqués jusque-là, les autorités devront libérer plusieurs autres prisonniers qui sont dans la même situation ou qui pourraient être concernés par le critérium en cours d’élaboration. Ainsi, il y a le cas de Fulgence Bamaros, le Directeur général du Fonds national d’entretien routier (FONER). Il a été placé le jeudi 9 avril sous mandat d’arrêt provisoire par la justice congolaise.  Il est soupçonné de détournement dans une affaire concernant le programme de 100 jours du président Félix Tshisekedi.

A l’image du Directeur de cabinet du Chef de l’Etat, Fulgence Bamaros a vu la justice lui refuser une demande de libération deux fois. Mais il est placé en détention pour 15 jours, à dater du 25 avril. Par ailleurs, pour maintenir en détention le directeur général du FONER, le tribunal de paix de Gombe se justifie : « sa détention a été publiée dans les réseaux sociaux ainsi que dans les médias internationaux et nationaux, lui accorder la liberté rendrait la justice inefficace ». Il est alors placé sous mandat d’arrêt provisoire à la prison centrale de Makala, à Kinshasa, par le procureur général de Kinshasa/Gombe.

Deux autres détenus sont dans cette situation. Il y a le Directeur général de SOCOC, Modeste Makabuza, qui a été interpellé le lundi 13 avril 2020 à Goma et transféré à Kinshasa et Benjamin WENGA, Directeur Général de l’Office des Voiries et Drainage (OVD), placé sous Mandat d’Arrêt Provisoire à la prison de Makala par le Procureur Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe le samedi 11 avril.  Les deux sont concernés dans l’affaire Bamaros.

A ce sujet, le ministre Thomas Luhaka a été auditionné autour de cette affaire. Selon des sources judiciaires, les trois détenus restent en prison pour « des raisons d’enquêtes ». Une situation qui pourrait faciliter leur libération en cas de désengorgement de prison.

Comme eux, il y a le Directeur général de l’Office des Routes (OR), Mutima Sakrini, qui a été interpelé ce jeudi 27 février, toujours dans le cadre des enquêtes sur l’utilisation des fonds alloués aux travaux de 100 jours d’urgence du président Felix Tshisekedi. L’Office des Routes est l’une des entreprises chargées de l’exécution des travaux construction des infrastructures, dont les sauts de mouton, retenues dans le cadre de ce programme. L’interpellation de son directeur général intervient quelques jours après celles des directeurs généraux de Safricas, l’américain David Blattner, Samibo Congo et Husmal, le libanais Samih Jammal, dont les entreprises ont été chargées de la construction des logements sociaux.

Cependant, à ce jour, Mutima Sakrini, n’est pas poursuivi. « Les enquêtes continuent », affirme une source judiciaire. La durée de sa détention n’a également pas été spécifiée.  Par ailleurs, si Jammal Samih a été traduit en justice, il a été transféré à l’hôpital la semaine dernière pour des soins. David Blattner et même Thierry Taeymans, deux autres entrepreneurs arrêtés jadis, ont été libérés.

En dehors de ces cas « emblématiques », il y a aussi des personnes lambdas qui pourraient bénéficier de cette mesure. Les autorités affirment travailler sur la mise en place d’une procédure qui permettra d’identifier ceux qui seront éligibles.  « Il ne s’agit pas de libérer des gens sans fondement. Et même ceux qui sont concernés dans l’affaire de 100 jours, leur libération sera provisoire et cela n’affectera pas la procédure judiciaire en cours. S’ils sont finalement condamnés, ils rentreront en prison », explique une source au cabinet du ministre de la justice.

3 comments
  1. J’avais passé trois semaines dans cette prison de Makala. Il s’y trouve des personnes qui sont là pour une paire de babouches, pour avoir acheté un téléphone volé… Et le conseil de ministres parle de libérer ceux qui ont volé des millions pour désengorger les prisons ! Ils ont la peur dans les tripes. Les loups ne se mangent pas entre eux.

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