Assemblée nationale: une « révolution Mabunda »

La rentrée parlementaire du lundi 16 mars 2018 était très attendue en RDC. La précédente session s’est soldée sur une prise du pouvoir d’une femme, Jeanine Mabunda, qui s’est non seulement fait remarquer dans un débat houleux avec le camp du président Félix Tshisekedi, mais a eu également à faire face aux mêlées politiques de son propre camp.

En somme, plusieurs enjeux se jouaient : d’abord le fait d’avoir une dame au Palais du peuple à Kinshasa, inédit depuis le retour de la démocratie en RDC ; mais ensuite, le contexte tendu de la coalition entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Mabunda, du haut du perchoir, devait à la fois « collaborer » étroitement avec le président congolais, mais également incarner les ambitions de son camp politique. Un an après, la présidente de l’Assemblée nationale était attendue au tournant.

Une tournée pour prendre le pouls du Congo profond

Mais Mabunda a préparé sa rentrée. Ou plutôt sa révolution. La présidente de l’Assemblée nationale a profité des vacances parlementaires pour prendre le pouls du pays, dans une vaste tournée qui l’a amenée visite l’Est du pays, notamment la ville meurtrie de Beni, mais également la très pauvre province de la Mongala dont elle est issue.

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Partout où elle est passée, Mabunda prend le temps de renseigner sur l’état du pays, la situation des populations et celui des institutions. De ce périple, une nouvelle vision est née.  « De mes tournées ou rencontre avec le congolais ordinaire, celui-ci attend, des Institutions de la République, un effort incarné et réel en matière de la lutte contre la corruption : ce sera une des priorités de la présente Législature », dira la présidente dans son discours.

Ce lundi au Palais du peuple, on voit des personnalités d’un autre temps, le Cardinal Monsengwo, qui a farouchement combattu le camp de Joseph Kabila durant la période précédent les élections de 2018 ; mais également Vital Kamerhe, ou encore Azarias Ruberwa, Aubin Minaku, Thomas Luhaka, ou encore Evariste Boshab. Chacun est là dans un but précis. La nouvelle Mabunda veut changer le Palais du peuple, rassembler les acteurs politiques, placer l’Assemblée nationale au-dessus des divisions.

« En cette séance solennelle, j’ai voulu honorer, en adressant une invitation spéciale aux anciens Vice-Présidents de la République et à mes prédécesseurs pour leurs efforts louables, de pacification, de réunification et d’adoption de la Constitution du 18 Février 2006. A un moment critique et fragile de notre histoire, en dépit de leurs diversités culturelles ou politiques face à la patrie en danger, ils ont accepté de se dépasser sinon … de se surpasser», dit-elle dans son discours d’ouverture de la session. La présidente de la chambre entend par-là, rendre hommage à la constitution, qui totalise 14 ans d’existence.

Soutenir Tshisekedi dans la lutte contre la corruption

La volonté de réunir accompagne par ailleurs celle du débat. A ce niveau, Jeanine Mabunda place son Assemblée au cœur des enjeux. La situation de la femme, l’action militaire ou encore l’économique congolaise, tout est analysé. Mais Mabunda prend également position, notamment contre la corruption. « La corruption sape la démocratie et l’état de droit, entraîne des violations des droits de l’homme, fausse le jeu des marchés publics, prive le congolais « du bas » de la démocratie économique au profit d’un club de puissants tandis qu’elle handicape profondément le développement de notre pays »

Alors que la première année de la coalition a été laborieuse, où la collaboration entre l’Assemblée nationale et le président Félix Tshisekedi a été souvent dépeinte de « difficile », la nouvelle Mabunda veut aider le président congolais à réussir dans sa mission à la tête du pays ; en inscrivant l’Assemblée nationale dans la lutte contre la corruption dans laquelle est engagée Félix Tshisekedi « A la suite du Président de la République,  l’Assemblée nationale fera de cette lutte, son agir politique en vue d’incarner et promouvoir la bonne gouvernance en République Démocratique du Congo et mieux satisfaire nos populations à ce sujet », dit-elle.

Mais l’interpellation va plus loin autour de ce fléau qui gangrène la RDC : « Chers Collègues,  pensez-vous qu’un congolais est disposé à payer plus de taxes si le fruit de son effort est dilapidé dans des pratiques dommageables pour l’intérêt commun ? » interroge-t-elle aux députés congolais, avant d’ajouter : « L’objectif visé est le renforcement des dispositifs répressifs et la mise en place d’un cadre institutionnel en amont destiné à prévenir et à lutter contre la corruption et les infractions connexes »

Au premier plan face au Coronavirus

Le lendemain, c’est toujours Mabunda qui organise une séance « académique » inédite, durant laquelle l’Assemblée nationale se place au premier plan de la lutte contre le virus Covid19, qui vient d’atteindre la RDC. A l’invitation de la présidente de l’Assemblée, l’éminent docteur Muyembe présente aux députés les enjeux autour de cette nouvelle maladie, mais également les efforts que les autorités comptent mettre en place pour y faire face.

Avant lui, c’est le ministre de la Santé, le Docteur Eteni Longondo, qui a présenté la situation de l’évolution de la maladie en RDC aux députés. Ces derniers poseront directement les questions aux invités, qui répondront, alors que la séance est diffusée en direct sur la télévision nationale. Pendant ce temps, à l’entrée du Palais du peuple, des équipes médicales sont déployées pour dépister toute personne qui accède au bâtiment. Avant d’y entrer, Jeanine Mabunda a elle-même passé le test.

La rentrée parlementaire sera perturbée par les mesures qui vont bientôt être prises pour faire face au Coronavirus. Cependant, la nouvelle donne incarnée par Mabunda promet une nouvelle dynamique dans les jours à venir, alors que l’Assemblée nationale est attendue au tournant. Si elle a toujours des opposants, notamment des étranges « motocyclistes », très affiliés au parti du président Tshisekedi, qui veulent marcher contre elle,  la présidente de l’Assemblée nationale veut néanmoins voler au-dessus de cette mêlées, plaçant le débat et les discussions démocratiques au centre des différends.  

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