Non égale Non, une bande-dessinée qui dénonce les violences sexuelles

Parfois les mots ne suffisent pas pour illustrer les maux de notre société. Si le verbe est impuissant, l’image doit prendre le relais. A travers trois histoires différentes et contemporaines, le scénariste Bob Moussa et le dessinateur Dick Esale  nous proposent, en 33 pages et aux éditions Dunya Pixel, un discours sans pudeur sur un fléau de notre société : les violences sexuelles. Et le titre de la bande-dessinée, aussi implacable qu’une équation mathématique, nous rappelle la réponse à apporter à ce fléau : Non=Non.

Une histoire de femmes et de choix

Dorcas l’élève, Nana l’avocate et Sarah l’étudiante sont confrontées à la bestialité des hommes ou plutôt de certains hommes. Des choix doivent être faits, des actes posés et assumés. Et là, résident toutes les interrogations : que faire ?  Que dire ? Que choisir ? Et sans vouloir dévoiler le dénouement de ces histoires, la question du choix est finalement le centre de cette bande-dessinée. La lectrice, ou le lecteur, peut légitimement s’interroger avec le personnage sur la démarche à suivre.

La narration est appuyée par un dessin épuré s’embarrassant peu de détails, ce dernier est même un peu sommaire voire frustre. On est loin du crayonné et de l’obsession du détail d’un Jean-Michel Charlier avec Blueberry ou de celui de Barly Baruti dans La voiture c’est l’aventure. La présence du personnage envahit chaque case comme si la réalité s’effaçait devant la situation tragique de chacun des protagonistes : pourquoi s’attarder sur autre chose que les personnages quand leurs vies sont en jeu ?

Un plaidoyer d’un genre nouveau

Réalisé avec le concours de l’Asbl Mille et Un Espoir, Non=Non propose un format narratif inédit et attrayant : chaque histoire est précédé d’un constat et termine, comme les films « basé sur une histoire vraie », par un résumé. Plusieurs lecteurs, dont moi, se sont d’ailleurs demandé si ces histoires étaient véridiques voire authentiques. Ces récits portent un parfum de déjà vu tant ils ont pour écho des situations passées ou présentes de notre société : qui ne connaît pas les notes sexuellement transmissibles ou la génération Androïd/IOS ?

Et pourtant, Bob Moussa, le scénariste, ne tombe pas dans un jugement moral, social ou simplement légal. Les histoires sont brèves parce que factuelles, courtes parce qu’artistiquement déterminées. Les différents récits s’attachent à montrer l’objectivation de la femme comme instrument de plaisir et de satisfaction masculine. La factualisation du récit et sa brièveté laisse place au silence de notre réflexion : la violence sexuelle est-elle normale ? Que puis-je faire ? Que dois-je faire ? Que devrait-il être fait ? Une conversation naît d’abord avec nous-même et peut être ensuite avec les autres parce qu’ils auront lu la bande-dessinée ou auront entendu des histoires dramatiquement similaires.

Bob Moussa, un écrivain de la sincérité

Il faut comprendre que Bob Moussa : c’est un style ! Une manière d’écrire, abrupte, dérangeante et parfois difficile qui brille par cette envie d’interroger, de titiller et de prendre son lecteur ou sa lectrice par la peau du cou et de le ou la plaquer contre le mur de ses réalités. En effet, il n’y a qu’au pied ou au dos du mur que se réalise la nécessité de se réinventer. Et Bob Moussa est multirécidiviste dans l’art de pousser dans ses derniers retranchements son lecteur ou son téléspectateur. Il a le malaise comme instrument de vérité, là ou Socrate avait la question comme moyen obstétrical de la raison. Dans son court-métrage Pardonner pour donner, il place le spectateur au centre d’un drame familial entre Nana et son grand frère Patou avec pour témoin la mère. Une histoire d’inceste où le grand frère ayant abusé de sa sœur doit avouer son crime pour avoir une greffe de rein sinon il meurt. Le film s’arrête au moment du choix. Quelle sera la suite ? Au spectateur de décider.

Bob Moussa s’inscrit dans la lignée des écrivains de la sincérité au même titre que Yolande Elebe, Ange Kasongo, Richard Ali ou Eric Ntumba. Leur univers est à un pas de porte, loin de la recherche d’une langue parfaite ou d’histoires dans des pays imaginaires pour échapper au pénitencier de Makala. Leurs récits sont d’hier mais pas d’avant-hier, d’aujourd’hui et plus précisément de maintenant, et peut être de demain si nous ne faisons rien.

Cette sincérité appelle au changement et si nous ne rien faire nous rendrait comptable de la déliquescence de notre société. Non égale Non est un outil pédagogique sans pareil pour entamer la conversation sur le fléau que sont les violences faites aux femmes. Il devrait être traduit dans toutes les langues nationales et inscrit au programme d’éducation civique dans l’enseignement secondaire et supérieure. Il est un formidable outil au service du changement de mentalités.

Nous devons apprendre aux jeunes et aux moins jeunes que « toutes les femmes sont des reines » comme l’a chanté Ismaël Lo dans La femme sans haine.

Professeur Madimba KADIMA-NZUJI

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