Félix Tshisekedi, la Cour constitutionnelle et le glissement : les dessous d’un coup de force

Dix-huit mois après son arrivée au pouvoir, alors que la situation socio-économique et sécuritaire s’enlise, le président congolais Félix Tshisekedi tente une manœuvre à la Cour Constitutionnelle, entre calculs politiques et préparation de terrain pour les échéances électorales de 2023, qui arrivent à grand pas.
epa07316246 (RESEND) - DR Congo's new President Felix Tshisekedi prepares to take oath of office during the inauguration ceremony at the Palais de Nation in Kinshasa, the Democratic Republic of the Congo, 24 January 2019. Tshisekedi, the son of the country's veteran opposition leader, was sworn-in as the country's new President after disputed elections. EPA/HUGH KINSELLA CUNNINGHAM (RESEND) QUALITY REPEAT (MaxPPP TagID: epalivethree837777.jpg) [Photo via MaxPPP]

Cravate bleu ciel, costume sombre, en bleu de nuit, c’est un Félix Tshisekedi en « Commandant en Chef » qui débarque au Palais du peuple ce 13 décembre 2019.  Le Chef de l’État est déterminé. Il veut impulser une nouvelle dynamique, alors que l’euphorie de l’alternance vient de passer.  Sous les acclamations d’un public incité, le voilà annonçant la grande nouvelle : « 2020 sera l’année de l’action ! ». La salle est étourdie. Félix Tshisekedi veut changer le Congo, il veut créer « l’Allemagne de l’Afrique », en partant en guerre contre la corruption, mobilisant également les recettes.  Le président est si confiant qu’il annonce, devant une salle conquise, que le nouveau budget annuel allait connaître une augmentation spectaculaire. Car, quelques mois avant, Félix Tshisekedi a obligé le gouvernement congolais à revoir sa proposition budgétaire de 7 à 10.9 milliards de dollars américains. Le « Béton, » est gonflé à bloc, l’année qui commence serait alors celle du renouveau.

Au pied du mur

Mais, le Congo-Kinshasa a connu bien de promesses. Et le début de l’année 2020 ne donne pas raison au Chef de l’État. Tenez. Dans l’ouest de Kinshasa, le chantier des Sauts-de-mouton, que Félix Tshisekedi attendait depuis 2019, refuse de se terminer. Son directeur de cabinet est désavoué, après avoir fait une grosse promesse en direct d’une radio privée : aucun saut-de-mouton n’est inauguré au 31 janvier 2020.  La suite est un enfoncement. Son programme d’urgence de 100 jours se transforme en un bourbier. Des détournements fusent, les procès qui s’ensuivent resteront expéditifs et punitifs, mais sans résoudre le problème.  Le « stratège » Vital Karmerhe tombe devant la clameur publique, alors que les fameuses actions promises par Félix Tshisekedi ne sont toujours pas au rendez-vous.

Car, entre-temps, la Covid-19 débarque. Le budget annuel rêvé par Tshisekedi était finalement dénué de réalité. Il est réduit, de facto, de moitié. José Sele Yalaghuli, ministre des Finances, est obligé de ramener son Chef de l’État à la réalité. Un plan de Trésorerie est publié. Il tourne autour de 5 milliards USD.  De l’autre côté, dans l’Est de la RDC, au nord, et même au sud, au moins 6 armées étrangères élisent domicile sur le sol congolais. Y compris le Sud-Soudan !  La traque des ADF à Beni (Nord-Kivu) s’essouffle, des assaillants martyrisent les populations à Lubumbashi et à Kasumbalesa (Haut-Katanga). Même situation dans l’Ituri, où les groupes armés rivalisent en tueries. Des centaines de Congolais sont massacrés.

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À Kinshasa, c’est le dollar américain qui traumatise la capitale congolaise. Il fait le yo-yo avec le Franc congolais. Les mesures de rafistolage pour contrôler l’inflation s’avèrent insuffisantes. Les prix grimpent, les Kinois suffoquent, le « Béton » fond. Il ne sait plus à querelles se vouer.  En juin 2020, Tshisekedi célèbre les 60 ans d’indépendance de la RDC au pied du mur, consolé par un coup de téléphone du Roi des Belges.

« Démissionner »  Lwamba et prendre le contrôle de la Haute Cour

Le 04 juillet 2020, Benoit Lwamba, président de la Cour constitutionnelle, entre au bureau de Félix Tshisekedi à la Cité de l’Union Africaine. Le juge avait demandé à être reçu par le Chef de l’État. Il a une requête à lui adresser.  En plein confinement, il veut se rendre à Bruxelles, pour des soins sanitaires.  Mais, la conversation, qui vient de commencer, prend une autre tournure. Car, si Félix Tshisekedi accepte facilement de recevoir le juge-président, il a bel et bien une idée derrière la tête.  Selon un proche de Lwamba, c’est alors que le président va lui lancer une étrange proposition. « Il a été clairement fait savoir au juge-président que s’il voulait se rendre à Bruxelles, et même recevoir ses indemnités qui ont été bloquées, il devait d’abord démissionner », rapporte ce proche qui a requis l’anonymat.

D’autres expliquent qu’une lettre sera aussitôt tendue à Benoit Lwamba, portant sa démission. «Devant des hésitations, il a été clairement menacé », révèle un proche du juge congolais. Les menaces seront dissuasives, y compris la promesse de paiement d’indemnités. Car le juge finit par se rendre à Bruxelles. Une fuite est aussitôt organisée sur les réseaux sociaux. Une lettre, rapidement authentifiée par des proches du président Tshisekedi, annonce publiquement la démission du juge. Elle porte bel et bien la signature de Benoit Lwamba.

 Le vendredi 10 juillet 2020, sept juges siègent à Cour constitutionnelle pour « constater » la démission du président, selon un étrange procès-verbal qui a également fuité sur les réseaux sociaux. Cependant, le jour même, un nouveau courrier arrive, contredisant la lettre antérieure et dont l’objet est « démenti ». Il explique que la démission du juge-président est fausse, la qualifiant de « rumeur ». Cette nouvelle lettre est signée par le même Benoit Lwamba, depuis Bruxelles.

La Présidence décide alors de contre-attaquer. Le dimanche 12 juillet, des agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR) font irruption à la Cour constitutionnelle, cassant la porte principale pour s’introduire dans les locaux de la Haute Cour. Ils auraient spécifiquement ciblé le bureau du juge-président Benoit Lwamba, confirme à POLITICO.CD, un proche du juge congolais. Une version corroborée par l’avocat Théodore Ngoy, dans un communiqué parvenu à POLITICO.CD le même jour.

« En ma qualité de Conseil habituel de Monsieur Benoit LWAMBA BINTU, Président de la Cour Constitutionnelle et Président du Conseil Supérieur de la Magistrature de la République Démocratique du Congo, je me fais le devoir d’informer l’opinion nationale et internationale que ce dimanche 12 juillet 2020, il est fait état de la présence des agents de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR, en sigle), venus à bord de deux jeeps, au siège et dans les locaux, inviolables, de la Cour constitutionnelle, comme le sont les documents et les archives de ladite Cour », révèle-t-il dans ce communiqué.

« Ils ont invité le Président intérimaire de la Cour constitutionnelle et le Directeur de Cabinet du Président de la Cour constitutionnelle, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Monsieur Benoit LWAMBA BINTU, à se présenter aux bureaux de ce dernier, sans raisons claires et valables »,   ajoute-t-il.

Lwamba n’était qu’un début

L’opération est assumée dans le cercle du Chef de l’État congolais. Selon nos informations, les services congolais soupçonnent le Directeur du cabinet du juge Lwamba d’avoir produit un faux document. Mais, il n’en sera pas question, d’autant plus que, depuis Bruxelles, Benoit Lwamba assume le démenti et se considère, à ce jour, toujours comme le juge-président de la Cour constitutionnelle.   Étrangement, à Kinshasa, le « président de la Cour constitutionnelle ET président du Conseil supérieur de la magistrature ad intérim »,  Funga Molima Mwata Evariste Prince, annonce avoir transmis au président de la République le procès-verbal de prise d’acte de la démission d’un membre de la Cour constitutionnelle, en l’occurrence Benoît Lwamba Bindu, de ses fonctions de président de la Cour constitutionnelle. Selon cette correspondance du 13 juillet 2020, le procès-verbal a été établi à la suite de la plénière du 10 juillet 2020 par les membres de cette Haute Cour.

À la Présidence congolaise, on affirme alors que la démission de Lwamba est actée. Mais, l’épisode ici est loin d’illustrer une simple querelle entre alliés politiques, même si, depuis plusieurs mois, le Front Commun pour le Congo (FCC) et le Chef de l’État congolais ont du mal à accorder leurs violons. Toutefois, d’autres révélations viennent mettre en lumière la présence d’un agissement structuré et voulu, du moins, du côté de Félix Tshisekedi. Car pendant que la démission de Benoit Lwamba est contestée, le Chef de l’État avance ses pions, en procédant rapidement à des nominations qui vont finalement prolonger le pouvoir dans une crise.

En effet, le 17 juillet 2020, Tina Salama, porte-parole adjointe du Chef de l’État, est envoyée à la Télévision nationale avec tout une plie de documents. Six heures seront nécessaires pour que l’ancienne journaliste de Radio Okapi en vienne à bout. Il s’agit d’un lot inédit d’ordonnances signées par le président Tshisekedi. L’armée est principalement concernée. La grande nouvelle restera la mise sur la touche du célèbre général John Numbi. La clameur publique atteint les États-Unis. Des diplomates américains n’hésitent pas à féliciter le départ de leur bête noire par une autre, le général Gabriel Amisi. Mais, derrière l’euphorie, c’est la gueule de bois. Car entre les 120 ordonnances des nominations au sein de l’armée et quelques institutions judiciaires, Félix Tshisekedi en a profité pour y glisser une qui finira par faire sourciller le pays entier.

À la Cour constitutionnelle, en plein bras de fer autour de la démission du juge-président Lwamba, le Chef de l’État congolais change unilatéralement trois juges. Par ailleurs, les faits deviennent flagrants lorsqu’il est établi que ces ordonnances n’ont pas été contre-signées par le Premier ministre Sylvestre Ilunkamba, comme l’exige la loi. Pendant que ce dernier se trouvait en mission dans le Haut-Katanga, c’est étrangement le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Gilbert Kakonde, issu du parti du président, qui s’est octroyé ce pouvoir, citant un intérim, certes contesté.

Pièces contre pièces judiciaires

Problème. La Constitution congolaise, dans son article 158, fixe les conditions de nomination au sein de la plus haute institution judiciaire du pays. Et Félix Tshisekedi semble n’y avoir pas jeté un œil.  Pour la petite histoire. Créée le 18 février 2006, la Cour constitutionnelle était une première, issue de la Constitution et dont les compétences étaient, entre autres, celle de juger le président de la République et le Premier ministre. Institution de contre-pouvoir, la Cour devait donc assurer l’État de droit, tout en permettant de vérifier la conformité des lois par un contrôle.

Il faudra attendre juillet 2014 pour voir le président Joseph Kabila nommer les neuf juges de cette Cour, qui prêteront serment le 4 avril 2015 devant le président, les deux chambres du parlement réunies en Congrès et le Conseil supérieur de la magistrature.  Les juges Vunduawe Te Pemako, Jean-Pierre Mavungu, Banyaku Luape, Jean-Louis Esambo, Luamba Bindu, Corneille Wasenda,  Funga Molima,  Kalonda Kele et Kilomba Ngozi Mala jurent et prennent ainsi l’engagement de respecter la Constitution, d’agir avec honneur et dignité.

Selon la Constitution congolaise promulguée en 2006, la Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le Président de la République, dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. « Les deux tiers des membres de la Cour constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire. Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans non renouvelables », dit la Loi fondamentale.  Toujours selon la Constitution, la Cour constitutionnelle est renouvelée par tiers tous les trois ans.

Ainsi, trois ans après avoir mis en place la Haute Cour, Joseph Kabila signe l’ordonnance N° 18/ 038 du 14 mai 2018, nommant les nouveaux juges dont Norbert Nkulu, Jean Ubulu et François Bokona. Norbert Nkulu a été désigné par la Présidence de la République et Jean Ubulu par le Conseil supérieur de la magistrature. François Bokona a, quant à lui, été désigné par le parlement réuni en Congrès.

Or, Joseph Kabila, ayant nommé trois juges le 14 mai 2018, il n’était pas possible que Félix Tshisekedi puisse en nommer trois autres avant les trois ans requis par la loi. Le nouveau Chef de l’État aurait dû attendre mai 2021 pour opérer des nominations. « Ces nominations ne sont pas de nature à apporter la paix au sein de notre coalition. Elles sont faites de manière cavalière, en plus d’être illégales. La constitution stipule que la Cour constitutionnelle ne peut connaître de nomination venant du Président de la République qu’après 3 ans à l’issue d’un tirage au sort. Or, le président Joseph Kabila Kabange avait déjà nommé 3 juges en 2018. Et donc, il n’y avait ni opportunité, ni vacance pour nommer des nouveaux juges. De plus, les trois juges devaient venir des trois composantes, ce qui n’a pas été le cas. Ils sont nommés unilatéralement et sont tous issus d’une seule composante. C’est totalement illégal », explique Adam Chalwe Munkutu, Secrétaire national du PPRD, parti de Joseph Kabila.  

Par ailleurs, le président Félix  Tshisekedi a procédé aux trois nominations de matière unilatérale, alors que, selon la Constitution, dans son article 158 alinéa 3, il est clairement stipulé : « La Cour constitutionnelle est renouvelée par tiers tous les trois ans. Toutefois, lors de chaque renouvellement, il sera procédé au tirage au sort d’un membre par groupe. »

Deux juges s’opposent au forcing

Coup de tonnerre à Kinshasa. Les trois nominations, qui devraient passer comme une lettre à la poste, coincent à la gorge de deux juges. Le mardi 04 août 2020 jusqu’à midi, le décor était planté à la Cour de cassation dans la capitale congolaise, où les juges Jean Ubulu Mpungu et Noël Kilomba Ngozimala, nommés présidents à la Cour de cassation par une ordonnance du Chef de l’État Félix Tshisekedi le 17 juillet 2020, étaient attendus. « Les deux juges ne sont pas joignables. On va devoir reporter l’événement », explique un des organisateurs à un journaliste de POLITICO.CD sur place.Ni le Premier ministre, encore moins le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale. Eux aussi sèchent la cérémonie.  Quelques heures après, la copie d’une lettre écrite par les deux juges et adressée au président Félix Tshisekedi est parvenue à POLITICO.CD.

 « Excellence Monsieur le Président de la République, c’est par la voix des ondes et sans consultation préalable, que nous avons appris, le 17 juillet 2020, nos nominations en qualité de Présidents à la Cour de cassation, par Ordonnance n°20/108 du 17 juillet 2020, lesquelles ont été suivies de nos remplacements immédiats, alors que c’est depuis juillet 2014 pour le Juge KILOMBA, et avril 2018 pour le juge UBULU, que par nos lettres respectives (…) nous avions levé l’option de ne plus travailler à la Cour Suprême de Justice, jusqu’à l’expiration de nos mandats de neuf ans à la Cour constitutionnelle, et ce, conformément à la Constitution, en son article 158, alinéa 3, ainsi qu’à la Loi-organique n°13/026 du 15 octobre 2013 »,  expliquent-ils dans cette correspondance datée du 27 juillet 2020.

En clair, les deux juges estiment que leurs mandats respectifs à la Cour constitutionnelle sont de neuf (9) ans pour chacun, et sont encore en cours. « En outre, l’Ordonnance n°20/108, du 17 juillet 2020 leur notifiée, ne fait pas allusion, dans ses visas, à la Loi-organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle mais, elle s’est plutôt basée sur les articles 69, 79, 82, 152 et 153 de la Constitution, qui mettent en exergue votre pouvoir sur les juridictions de l’Ordre judicaire et le Conseil Supérieur de la Magistrature, alors que la Cour constitutionnelle ne fait pas partie de cet Ordre de juridictions, dont seul son Président est en même temps Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, et non les membres de la Cour »,  font-ils remarquer au président Félix Tshisekedi.

La polémique éclate. À la Présidence congolaise, on répond :« Lorsque les deux jugent affirment ne pas avoir été préalablement consultés avant leur nomination, on peut leur rétorquer qu’ils seront bien en peine de citer un texte légal qui prévoit une quelconque consultation des intéressés, par le Président de la République, avant leur nomination. Il n’y a donc pas d’obligation de consultation envers les deux nominés », affirme un communiqué du cabinet du président Félix Tshisekedi, publié le 8 août 2020.

Le même communiqué répond également au sujet des mandats des juges. « Les intéressés évoquent leur mandat de neuf ans en cours. Or, ils n’ignorent pas les prescrits de l’article 31 point 3 de la loi organique qui prévoient l’incompatibilité de la fonction de membre de la Cour constitutionnelle avec l’exercice de tout autre emploi public. Ainsi, le Juge constitutionnel ne peut cumuler deux fonctions publiques au même moment. On peut rappeler le cas du juge constitutionnel VUNDUAWE Te Pemako, appelé à d’autres fonctions, alors que son mandat à la Cour constitutionnelle courrait encore ».

Toutefois, selon les informations de POLITICO.CD, VUNDUAWE Te Pemako, alors juge de la Cour constitutionnelle, avait sollicité personnellement et par écrit, auprès de Joseph Kabila, pour être nommé à la tête du Conseil d’État, qui venait d’être créé en 2018, après éclatement de la Cour suprême. Cette demande ayant donc entrainé une vacance au niveau de la Cour constitutionnelle. Deux autres juges, dont Essambo et Baniaku, avaient respectivement démissionné, créant une vacance de 3 postes, ayant permis à Joseph Kabila de les remplacer sans tirage au sort.

Par ailleurs, l’article 90 de la loi portant statuts des magistrats, consulté par la rédaction de POLITICO.CD, affirme que les dispositions de cette loi ne s’appliquent pas aux juges de la Cour constitutionnelle. « Les dispositions de la présente loi ne s’appliquent pas aux membres de la Cour constitutionnelle », dit-elle. Ainsi, quoique magistrats de carrière, en devenant membre de la Cour constitutionnelle, il apparaît que l’application du statut de magistrat à l’égard de ces deux juges reste suspendue. « Ils sont régis dès lors par l’ordonnance portant dispositions relatives au Statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle », explique, notamment, l’avocat Jean-Paul Koso Yoha, consulté par POLITICO.CD. « Par conséquent, aussi longtemps qu’ils exécutent les fonctions de juge à la Cour constitutionnelle, on ne peut pas prétendre leur appliquer le statut des magistrats pour leur opposer une nomination comme magistrat de carrière », ajoute-t-il.

Tshisekedi prépare-t-il un glissement ?

La guerre judiciaire battra son plein au Congo-Kinshasa. Félix Tshisekedi voit, notamment, l’opposition, et même le camp de Joseph Kabila, contester vigoureusement ses nominations à la Cour constitutionnelle. Néanmoins, si la polémique est vive, c’est surtout parce que de telles nominations à la plus haute institution judiciaire de la RDC, visent des objectifs qui font craindre une tentative de contrôler complètement le processus électoral à venir. 

En effet, selon la Constitution de la RDC, la Cour constitutionnelle est, notamment, arbitre des contentieux électoraux. C’est elle qui valide tout le processus, du calendrier à la publication des résultats définitifs, en passant par la validation des candidatures, ainsi que leurs rejets. À Limete, la commune du centre de Kinshasa où se situe le siège de l’Union pour la Démocratique et le Progrès social (UDPS), des partisans du Chef de l’État ne cachent pas leur volonté, qui guide sans doute les manœuvres autour de la Cour constitutionnelle. Dans une série des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des militants du « Parlement débout », qui tiennent des sessions de discussions à la gloire de Félix Tshisekedi, ont ouvertement fait savoir qu’il n’y aura pas d’élections en 2023 comme le prévoit la loi, même si le mandat actuel du Chef de l’État expirant à cette échéance.

Ils prônent ouvertement un « glissement ». Un message qui viendrait directement de l’entourage de Félix Tshisekedi. Mais, la RDC n’est pas prête à accepter une telle idée.  « Monsieur [Félix Tshisekedi], nous vous voyons venir. Tel Kabila, vous êtes à la manœuvre pour inféoder la Justice. L’État de droit commence par le respect des textes », dénonce l’avocat Firmin Yangambi, bâtonnier de Kisangani, via son compte Twitter. « Donc remplacer la « Cour constitutionnelle » de Kabila par la « Cour  constitutionnelle » de Tshisekedi ? Ce n’est pas l’État de droit ni la saine justice pour lesquels nous nous battons. Il faut une Cour constitutionnelle indépendante de qui que ce soit », ajoute cet avocat proche de Moïse Katumbi.

Félix Tshisekedi se prépare à un glissement, à l’image du report des élections de 2016, qui avait occasionné de  violentes contestations dans les rues du pays. C’est en tout cas ce que craignent beaucoup en RDC, en regardant les querelles autour de la Cour constitutionnelle. « Qu’y a-t-il derrière le tour de passe-passe constitutionnel mal ficelé que le magicien #FatshiBéton veut nous faire gober en triturant la composition de la Cour Constitutionnelle ? La deuxième année du quinquennat de tous les changements est largement entamée, sans résultats tangibles au compteur, avec en ligne de mire 2023. Comment faire pour durer au-delà du terme constitutionnel, de crainte de n’être congédié par le souverain primaire ? Glisser ! », s’exclame un internaute.

Autour du Chef de l’État congolais, on dément, sans pourtant expliquer tous ces passages en force autour de la Cour constitutionnelle. Mais, c’est l’image que prend le pouvoir de Félix Tshisekedi. Récemment, Human Rights Watch et l’Onu ont noté une hausse sensible des cas de violations des droits de l’homme, dont des menaces et harcèlement envers des journalistes. Si les responsables politiques autour du président congolais n’ont pas ouvertement évoqué un éventuel report des élections de 2023, les actions posées et la réalité semblent aller dans ce sens. À moins de trois ans de l’échéance, aucune préparation n’est visible du côté de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui doit commencer par la désignation polémique des nouveaux acteurs, ainsi qu’un appel à des reformes et dialogue, initié par des proches de Tshisekedi, qui risquent, en réalité, de prendre du temps.

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