Affaire Matata: Le revirement jurisprudentiel diversement commenté dans une conférence à Lubumbashi

Dans les milieux de la pratique du droit, l’affaire Matata Ponyo ancien premier ministre contre le procureur général près la cour constitutionnelle, continuera à alimenter les discussions. Dans une conférence organisée à Lubumbashi par le club des jeunes constitutionalistes, le revirement jurisprudentiel dans ce dossier a été diversement commenté.

La conférence inaugurale a été donnée par le Professeur Émérite Auguy Mampuya. Ce dernier s’est appesanti sur le sous-thème : « le pouvoir régulateur de la cour constitutionnelle, une théorie creuse inventée pour installer une jurisprudence contra legem».

Dans son exposé, le Professeur Auguy Mampuya a épinglé le fait que la haute cour dans ses interprétations s’attribue des pouvoirs qui ne sont pas du domaine du droit et qui sont contre la loi.

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Pour sa part, le Professeur Jean-Louis Esambo, ancien juge de la cour constitutionnelle, a exposé sur l’évocation de la règle de droit dans une instance politisée.

Dans le développement de son sujet, le Professeur Esambo a soutenu que la cour constitutionnelle est une émanation politique et qu’elle ne peut se détacher du politique. « La cour constitutionnelle est liée à la politique», a-t-il souligné.

La cour constitutionnelle congolaise entre prostitution politique et l’écran de constitutionnalité : l’affaire Matata ou la fin du mythe du juge, a été abordé par le CT Laurent Onyemba.

Pour le Professeur Segihobe Bigira, l’affaire Matata soulève un problème de sécurité juridique. Il a recommandé une révision constitutionnelle pour définir les instances censées poursuivre les anciens présidents et anciens premiers ministres, étant donné qu’il existe un vide à ce sujet.

De quel côté se trouve le droit dans les deux arrêts sur l’affaire Matata?

Son intervention était très attendue. Le Professeur Gabriel Banza Malale est resté droit dans ses bottes.

« Entre l’arrêt RP 0001 du 15 novembre 2021 et l’arrêt R. CONST 1816 du 18 novembre 2022 de la cour constitutionnelle dans l’affaire opposant le ministère public au sénateur Matata, de quel côté se trouve le droit ?», tel a été le sous-thème développé par cet enseignant de droit constitutionnel à l’Université de Lubumbashi ainsi que spécialiste des questions géopolitiques et géostratégiques dans les crises congolaises.

Dans la présentation du sujet, Gabriel Banza Malale a rappelé que pour une même affaire, la cour constitutionnelle a rendu deux arrêts.

Censée prêcher la pratique absolue du droit dans les milieux judiciaire, le Prof Banza a prévalu que la cour constitutionnelle s’est prononcé incompétente, puis compétente en marge de la procédure législative requise.

Revenant à la charge, le Prof Banza Malale affirme que, parmi les instances de saisine de la Cour Constitutionnelle en matière d’interprétation de constitution, la Cour de Cassation n’est pas prévue en référence article 161, alinéa 1er.

Aussi, motive-t-il que seul le premier arrêt se trouve du côté du droit, du fait que le deuxième a violé l’article 168, dont les termes sont: « les arrêts de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers».

« L’article 168 de la constitution, des principes généraux et de la théorie notamment, nous sommes entrain de croire que la vérité se trouve du côté premier arrêt. Le deuxième arrêt n’a de valeur que sur le plan scientifique, pas sur le plan judiciaire encore moins juridique. Pourquoi ? Parceque ça entre dans le cadre de la doctrine. C’est pour l’avenir. Ce n’est pas pour le présent», a-t-il précisé.

Pour le Prof Banza, dans son deuxième arrêt, la haute cour s’est donnée le pouvoir de compléter la Constitution, ce qui serait, à son avis, «de la témérité, à la limite vexatoire. A tout le moins, ce n’est qu’une question d’école.»

Sur le fond du principe général, explique-t-il, en évoquant la « non rétroactivité de la loi », nous maintenons intégralement le premier ouvrage judiciaire de la Cour Constitutionnelle, celui du 15 novembre 2021 et récusons celui de 2022, sous réserve, pour les effets de ce dernier, de s’appliquer pour l’avenir et jamais, pour le passé.

Plus loin, il a martelé que, «force est de remarquer que, pareils effets juridiques présideraient au devoir de combler l’éventuel vide juridique de la Loi-Organique, portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnel. Une pareille réponse donnée à un étudiant, se conformerait à la logique juridique, dont l’étendue est sous-tendue par le Droit Positif Congolais dans tout son champ d’action.»

« Par rapport au souci de l’auteur du second ouvrage, celui de protéger les droits fondamentaux du prévenu Matata Ponyo, nous estimons, que l’empire du premier ouvrage lui assure le maximum des droits et libertés fondamentaux requis, sauf s’il y a anguille sous roche», a-t-il conclu.

Il sied de noter que, le club des jeunes constitutionalistes est parti du constat selon lequel, les poursuites contre l’ancien premier ministre donnent lieu à une controverse tant sur l’échiquier scientifique que politique, de sorte que les uns qualifient le revirement jurisprudencel de la cour constitutionnelle de monstruosité juridique pendant que d’autres le saluent, ainsi cette organisation a initié cette conférence débat autour du théme: « L’affaire Matata ou une tour de babel juridique en République démocratique du Congo».

Junior Ngandu

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