RDC: La RVA « vache à lait » des responsables politiques au pouvoir » (GEC)

Dans son rapport rendu public ce mercredi 05 mai 2021, intitulé : “Leyisa punda, punda a leyisa yo”, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) basé à l’Université de New-York (NYU) aux États-Unis, note que, malgré l’avènement d’un nouveau Président en République démocratique du Congo début 2019, la Regie des Voies Aériennes (RVA), ne s’est pas affranchie pour autant du joug politique.

En outre, le Rapport de GEC révèle que le Go-Pass autrement appelé “Infrastructure Development Fund” (IDEF), a généré au moins 225 millions de dollars américains sur la période allant de mars 2009 à décembre 2019. Sur ce, il s’interroge à quoi ces millions de dollars de Go-pass ont-ils servi?

Selon plusieurs sources contactées par GEC, le contrôle de cette entreprise publique permet à l’élite politique non seulement de gagner de l’argent mais aussi d’offrir des opportunités d’embauche à des proches, nourrissant ainsi la relation “patron-client”.

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A en croire GEC, en 2019, les tractations politiques entre la coalition: le Front commun pour le Congo (FCC), plateforme de l’ancien président Joseph Kabila et le Cap pour le changement (Cach) du Président Felix Tshisekedi, ont dû se partager des responsabilités au sein de la société. Ici, chaque camp propulsant des administrateurs qui lui sont proches, comme les autres entreprises publiques congolaises.

Par ailleurs, GEC souligne que, c’est dans ce contexte de la coalition FCC-CACH que, Abdallah Bilenge, pourtant décrié pour sa gestion, notamment par des syndicalistes de la RVA, mais fort de ses soutiens au sein du FCC, a été confirmé au mois de juin 2020 par Félix Tshisekedi, mettant ainsi fin à son long statut d’administrateur intérimaire.

De son côté, l’ancien Mnistre et député Bienvenu Liyota Ndjoli, cadre du FCC, a été propulsé Président du conseil d’administration de la RVA, consacrant la main mise de la famille politique de Joseph Kabila sur l’entreprise.

Et pourtant, vers la fin de l’année 2020, Abdallah Bilenge s’est à nouveau retrouvé dans le collimateur de la justice. Soupçonné d’avoir détourné 15 millions de dollars de dette sociale, l’ADG de la RVA a été arrêté à la mi-novembre 2020 et placé en détention. Sans surprise, la dissolution de la coalition FCC-Cach a fragilisé le soutien dont il jouissait  auprès des proches de Joseph Kabila. Désormais “sans protection”, il a été condamné le 9 janvier 2021 à 20 ans de prison pour détournement des droits dus à la Caisse nationale de sécurité sociale, à la Direction générale des impôts, à l’Institut national de préparation professionnelle et à l’Office national de l’emploi. Le procès le plus attendu reste bien évidemment celui de l’IDEF.
 
Ce contrôle politique persistant n’est pas sans conséquences sur la gestion de l’entreprise. De l’avis de plusieurs syndicalistes, des cadres et des agents de la RVA interrogés par le GEC, la société est considérée comme une “vache à lait” par des responsables politiques au pouvoir : “Si tu veux rester longtemps comme ADG, il faut appliquer la règle ‘leyisa punda, punda a leyisa yo’”, Traduction littérale de ce dicton en lingala : “Nourris le cheval pour que le cheval te nourrisse à son tour”. Autrement dit, le sort d’un mandataire public repose entre les mains d’un intermédiaire puissant, souvent acteur politique, qui défend ses intérêts moyennant rétribution.

À titre illustratif, Célestin Tunda Ya Kasende, alors vice-Premier ministre et ministre de la Justice (FCC), était soupçonné “de retarder la procédure judiciaire contre les dirigeants de la RVA”.

Bien avant, en 2012, un rapport parlementaire sur la gestion de la RVA, initié par le député Clément Kanku (opposition), n’avait pu être soumis au débat de la plénière à l’Assemblée nationale, selon le député Claudel André Lubaya (non inscrit) qui voudrait remettre ce dossier sur la table. “Ce rapport sur la RVA était top secret, des députés avaient été corrompus par les dirigeants de la RVA” pour que le document reste dans les tiroirs, soutient un député membre, à l’époque, de la commission économique et financière de l’Assemblée nationale.

De cette manière, des mandataires publics qui servent des politiques, puisque protégés en retour, semblent ainsi bénéficier d’une garantie d’impunité. Entre 2015 et 2017 par exemple, Luzolo Bambi, alors conseiller spécial du président Joseph Kabila chargé de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, avait tenté en vain de déclencher des poursuites contre Abdallah Bilenge et Emmanuel Mwamba Sabiti, respectivement ADG à l’intérim et administrateur directeur financier de la RVA au moment des faits.

Ces derniers étaient soupçonnés d’avoir détourné 48,2 millions de dollars et d’avoir “hypothéqué toutes les recettes de la RVA à la Rawbank, en signant un contrat de gré à gré qui leur permet[ait], sous couvert d’une gestion opaque de l’Idef (Go-pass), de retirer des sommes colossales auprès de la Rawbank sans justification”. Saisi, le procureur général de la République avait classé l’affaire sans suite.

Adrien AMBANENGO

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