Spécial Mapping : l’AFDL enrôle des mineurs dans l’armée, les FAZ violent des mineures en Province Orientale

Publié en août 2010, le rapport Mapping des Nations Unies, au contenu lugubre, révèle qu’en guise de riposte contre les dispositifs militaires de Laurent-Désiré Kabila qui prenaient la direction du Haut-Zaïre (devenue plus tard Province Orientale avant son démembrement) après leur fulgurante conquête des Kivu grâce aux « Kadogo, » le maréchal Mobutu a envoyé en 1996 ses troupes d’élite, des « mercenaires » ainsi que d’importants stocks d’armes dans l’Orientale. Ces deux forces se sont contre-attaquées. Sous pression militaires des « Kadogo » alors recrutés par Kabila, ces mercenaires étrangers ainsi que les ex-FAZ (Forces Armées Zaïroises, armée régulière sous Mobutu) en déroute ont été auteurs de nombreux crimes et viols contre les citoyens. Le Gouvernement de Kinshasa a déclaré cette région, anciennement appelée Haut-Zaïre, comme zone « sinistrée » en janvier 1997, en raison des pillages intenses et systématiques par les éléments des ex-FAZ.

Politico.cd poursuit l’exploitation du rapport Mapping. Dans ce numéro, l’on décrit la situation affreuse qui a écumé la province Orientale en 1997, lors de la conquête de la ville de Kisangani par les troupes des Kadogo, appuyés selon le rapport Mapping, par des « Tigres Katangais. »

L’équipe Mapping indique que les mercenaires, ainsi que les ex-FAR, ont été intégrés dans le dispositif militaire zaïrois. La contre-offensive promise par le Gouvernement de Kinshasa dans les provinces des Kivu n’a cependant jamais eu lieu en raison de l’état de déliquescence du régime Mobutiste, de la désorganisation régnant au sein des FAZ et de la bonne préparation par les militaires de l’AFDL/APR/UPDF de leurs attaques sur Kindu et Kisangani. Après leur conquête fulgurante des Kivu et de l’Ituri, les responsables de l’AFDL/APR/UPDF ont pris contact avec des généraux de Mobutu et divers groupes Mayi-Mayi et mené une intense campagne de démoralisation visant les FAZ. Le Président de l’AFDL, Laurent-Désiré Kabila qui n’avait au départ que très peu de troupes, a incorporé de nombreux enfants associés aux forces et groupes armés (EAFGA) recrutés au fil de ses conquêtes (les « Kadogo »), puis reçu le renfort stratégique des « Tigres katangais.»

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Ces adversaires historiques du régime de Mobutu, incorporés pendant des décennies au sein de l’armée gouvernementale angolaise, sont arrivés en province Orientale en février 1997 et ont donné aux militaires de l’AFDL/APR/UPDF assiégeant Kisangani, la capacité en artillerie lourde qui leur manquait.

Le rapport Mapping souligne de par ces faits que l’incident allégué suivant a été documenté :

  • À compter de novembre 1996, les militaires de l’AFDL/UPDF ont recruté des milliers de jeunes à travers le district de l’Ituri, parmi lesquels de nombreux mineurs.

Au cours de leur retraite, les militaires des FAZ ont commis des meurtres et des viols à l’encontre des civils. Ils ont aussi pillé et détruit de nombreux biens leur appartenant. Ils ont souvent forcé les civils à porter sur de longues distances les biens qu’ils avaient pillés. Les pillages ont été à ce point intenses et systématiques que, le 10 janvier 1997, le Gouvernement de Kinshasa a déclaré la province Orientale (anciennement Haut-Zaïre) région sinistrée.

  • Entre décembre 1996 et mars 1997, des éléments des FAZ en déroute se sont livrés à un pillage généralisé des bâtiments consacrés au culte, à l’éducation et à l’action caritative dans toute la province Orientale. Les premiers pillages, affirme l’équipe Mapping, ont commencé en Ituri après leur défaite, en décembre 1996, face aux troupes de l’AFDL/UPDF. Les pillages se sont ensuite poursuivis au cours de leur retraite à travers les territoires de Buta et d’Aketi, dans le district du Bas-Uélé et d’Opala, dans le district de la Tshopo.

Au cours de la même période, les FAZ ont pillé les installations de la société Plantation Lever au Congo (PLC) et de la société Plantations et Huileries au Congo (PHC) à Lokutu, celles de la société Hasson et frère et de la Regideso [Régie de distribution d’eau] à Opala, celles de la Compagnie de développement du Nord (CONEDORD) à Aketi, Dingila, Malingweya et Maleganda et celles de l’Institut national d’études et de recherches agronomiques (INERA) à Yangambi.

  • Entre décembre 1996 et mars 1997, des éléments des FAZ en déroute ont tué et torturé un nombre indéterminé de civils au cours des pillages. Selon le rapport Mapping, la plupart des victimes ont été tuées pour avoir refusé de laisser les militaires piller leurs biens. Des FAZ ont également violé un nombre indéterminé de femmes et de jeunes filles mineures.

En décembre 1996, dans les collectivités de Yayango, Yomaie et
Yalingo du territoire d’Opala et dans les territoires de Buta et Bondo, ils ont violé un nombre indéterminé de femmes ainsi qu’un homme qu’ils avaient enlevés afin de porter les biens pillés. Les FAZ ont également commis de nombreux viols collectifs sur des femmes en Ituri, notamment à Komanda.

Après la prise de Kisangani, le 15 mars 1997, des militaires des FAZ en déroute ont incendié le village de Yaolalia, dans le territoire d’Opala, révèle l’équipe Mapping, en rappelant qu’après aussi la prise de Bunia par l’AFDL, en décembre 1996, l’état-major à Kinshasa a envoyé en province Orientale une unité d’élite de la garde civile, composée d’ex-Tigres katangais ralliés à Mobutu afin d’épauler les FAZ.

L’incident allégué suivant a été documenté :

  • Dans la nuit du 24 au 25 janvier 1997, un commando de militaires des FAZ comprenant de nombreux ex-Tigres katangais de la Garde civile ont tué plusieurs dizaines de civils dans le village de Bafwanduo du territoire de Bafwasende. Les victimes ont été tuées par balle, à coups de baïonnette ou sont mortes brûlées vives après que les militaires eurent jeté des grenades sur leurs cases.

D’après plusieurs sources citées par Mapping, des militaires se seraient aussi livrés à des actes de cannibalisme sur leurs victimes. Avant de prendre la fuite à la suite d’une contre-attaque lancée par des Mayi-Mayi venus de la localité de Nia-Nia, les militaires ont incendié le village. Selon les sources, le nombre total de morts varierait entre une cinquantaine et plus de 300. Les corps des victimes ont été enterrés dans le village par les Mayi-Mayi.

Au cours de leur fuite devant l’AFDL/APR/UPDF, les ex-FAR/Interahamwe ont également attaqué des civils. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :

  • Le 6 mars 1997, dans le village de Bamoneka, à 87 kilomètres de Kisangani, dans le territoire d’Ubundu, des ex-FAR/Interahamwe ont exécuté quatre villageois non armés qu’ils avaient accusés d’avoir fait partie du groupe des FAZ qui les avait trahis lors de l’attaque de l’AFDL/APR sur le camp de Tingi-Tingi.
  • Au cours du premier trimestre de 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont exécuté sommairement un nombre indéterminé d’EAFGA (ces enfants militaires étaient appelés « Kadogo » en swahili) et de Mayi-Mayi intégrés dans les rangs de l’AFDL.

Début 1997, après avoir pris la ville de Dungu, dans le territoire du Haut-Uélé, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de Kadogo accusés de s’être livrés à des exactions à l’encontre de civils, d’avoir commis des viols ou d’avoir manqué de discipline. En février, ils ont tué à l’arme blanche une vingtaine de Kadogo dans la ville de Wamba du district du Haut-Uélé. Le 18 février, dans la ville d’Isiro du territoire de Rungu, ils ont pilonné à l’arme lourde un campement où s’étaient installés des Kadogo et des Mayi-Mayi, tuant au moins 10 d’entre eux. Au cours des jours suivants, des militaires de l’AFDL/APR se sont rendus à l’hôpital où étaient soignés des rescapés de l’attaque et les ont enlevés. Les victimes n’ont jamais été revues, affirme le document Mapping.

La conquête tragique de Kisangani par l’AFDL

Après la prise de Kindu, le 27 février 1997, les troupes de l’AFDL/APR/UPDF ont renforcé la pression militaire sur Kisangani et sa région. Les FAZ et les mercenaires étrangers qui se trouvaient à Kisangani ont multiplié à leur tour des exactions à l’encontre de la population, connue pour son hostilité envers le régime de Mobutu. Selon certaines
sources du rapport Mapping, au cours de la même période, ils auraient ainsi exécuté plus de 120 civils. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :

  • Le 9 mars 1997, à 9 kilomètres de Kisangani, près du pont Tshopo, des mercenaires étrangers ont tué 15 civils dans le village de Benwengema du territoire de Banalia. Les victimes faisaient partie d’un groupe de 16 civils arrêtés un peu plus tôt dans la journée près du pont Tshopo et accusés d’être des Mayi-
    Mayi ralliés à l’AFDL. Les 16 civils ont été enfermés dans une maison et le Commandant des mercenaires a donné l’ordre de tirer dessus à l’aide des lance-roquettes. Après le massacre, des habitants du village de Bayanguna se sont rendus sur les lieux pour inhumer les corps et ont recueilli l’unique rescapé.
    Le 10 mars, des éléments des FAZ et des mercenaires étrangers ont mené une expédition punitive contre le village de Bayanguna, tuant au moins quatre civils, certains à coups de poignard et d’autres par balle.
  • Entre le 1er et le 14 mars 1997, des éléments des FAZ et des mercenaires étrangers ont arrêté arbitrairement plus d’une centaine de civils et en ont exécuté sommairement un nombre indéterminé. La plupart des personnes arrêtées ont été torturées dans des cachots situés près de l’aéroport de Bangoka, à 20 kilomètres à l’Est de Kisangani. Certaines d’entre elles ont été exécutées sur la piste de l’aéroport.

Avant de quitter la ville, le 14 mars 1997, les mercenaires ont enlevé 11 détenus qui n’ont, par la suite, jamais été revus. Au total, entre les 13 et 14 mars, les mercenaires ont tué ou fait disparaître au moins 28 personnes à l’aéroport de Kisangani et le long de la route reliant Kisangani au district de l’Ituri.

Abandonnée par les FAZ, Kisangani est tombée aux mains des militaires de l’AFDL/APR/UPDF le 15 mars 1997, quelques jours avant la libération totale du Congo des mains de Mobutu. L’équipe Mapping informe qu’au cours des mois qui ont suivi, les responsables de l’AFDL ont tenté de former une nouvelle armée en incorporant des Kadogo et de jeunes miliciens Mayi-Mayi recrutés au fil de leurs conquêtes. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :

  • Après la prise de Kisangani le 15 mars 1997, les militaires de l’AFDL/APR/UPDF ont cantonné dans le camp d’entraînement de Kapalata, à 7 kilomètres au nord de Kisangani près d’un millier d’EAFGA (Kadogo) et de Mayi-Mayi dans des conditions propres à entraîner de lourdes pertes en vies humaines.

Au cours de 1997, le taux de mortalité des Kadogo et des Mayi-Mayi a oscillé entre 10 et 20 par jour. Environ 400 Kadogo et Mayi-Mayi sont morts soit dans le camp de Kapalata soit à l’Hôpital général de Kisangani.

Entre janvier et février 1998, sous la pression de la communauté internationale et avec l’appui de l’UNICEF, les FAC ont transféré plusieurs centaines d’enfants présents dans le camp, dans un orphelinat appelé « Mama Mobutu », dans le quartier de Mangobo.

Une nuit, en juin 1998, des militaires des FAC/APR ont enlevé entre
200 et 300 Kadogo qui n’ont jamais été revus.

  • Après la prise du pouvoir à Kinshasa par Laurent-Désiré Kabila, les militaires de l’AFDL/APR/UPDF, puis les FAC/APR, ont mené plusieurs opérations de
    sécurisation dans la province Orientale qui ont donné lieu à de graves violations à l’encontre des civils.

Selon le rapport Mapping, dans plusieurs villes, des cas de torture et d’exécutions sommaires ainsi que des viols ont été rapportés, notamment à Kisangani, dans les territoires d’Isangi et d’Opala du district de la Tshopo et dans le district du Bas-Uélé.

  • Le 22 décembre 1997, des militaires des FAC/APR venant de Buta ont tué deux civils et en ont torturé 17 dans le village de Bondo du district du Bas-Uélé. Les victimes étaient accusées d’avoir fomenté une révolte contre les services de sécurité locaux contrôlés par des bandits Mayi-Mayi qui opprimaient la
    population. Après avoir été détenus à Buta, puis à Kisangani, les survivants ont finalement été relâchés le 16 janvier 1998, soutient le rapport Mapping.

Serge SINDANI
@sergesindani01| POLITICO.CD

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