Félix Tshisekedi : la fin de l’état de grâce

A peine sept six mois après son arrivée au Palais de la nation, le premier président congolais issu d’une alternance démocratique et pacifique s’embourbe déjà: crise sécuritaire et sanitaire persistante, polémique politique… Félix Tshisekedi, qui avait suscité tant d’espoir, n’est plus en état de grâce.

24 janvier 2019 à Kinshasa. Pour la première fois dans l’histoire de la République démocratique du Congo, un président sortant passe démocratiquement le flambeau à un autre. Joseph Kabila, après 18 ans de règne, laisse ainsi sa place à Félix Tshisekedi. Le palais présidentiel est démystifié, envahi. Car entre-temps, « Félix » n’est que le fils de son père. Le fils du Sphinx, l’un des hommes les plus adulés dans ce pays des Seigneurs.

L’idylle commence alors. Une communion comme jamais vue entre un dirigeant et son peuple. Si, jadis vécu aux débuts de feu Maréchal Mobutu. Sur les réseaux sociaux, le fils de Tshisekedi est adulé. On commente même ses vêtements. Qu’il est beau devant ces militaires du camp Kokolo, lorsqu’il décide, dans un calcul politique matois, de se présenter en Chef des armés. Il enchaîne des promesses : construction d’un hôpital pour les militaires…

Mais l’amour ne dure pas longtemps dans ce pays des affamés. Après la lune de miel, l’heure de l’hallali à sonné.  Déjà au Palais de la nation, le jour même de la prestation de serment, ce peuple scande : « Papa avait dit, le Peuple d’abord ». « Félix » est averti. Il décide rapidement d’agir. Sans toutefois se préparer. On sent les premiers égarements dans la publication d’un cabinet présidentiel éléphantesque ; on y sent également un homme qui doit tant aux autres. La suite est connue : beaucoup ne seront pas à leur place. Fuites de documents. Querelles hiérarchiques. Des « deals » entre proches… le Président supportera longtemps cette cour du roi Pétaud avant de craquer et de taper du point sur la table : « beaucoup sont plus préoccupés à faire du business que leur travail ».

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Mais bien plus, à la fois loin, mais proche de la Présidence, c’est dans les rues du pays que la réalité rattrape « Fatshi ». Beni qui attend toujours le déplacement de son QG présidentiel, à la suite d’une promesse de campagne, est toujours ensanglantée. Ebola s’y mêle et attaque Goma, déjà privée d’eau potable. Des policiers tirent sur les manifestants et en tuent même, comme durant Kabila. Oly Ilunga saute en parachute, mais laisse à Tshisekedi seulement une polémique liée à son remplacement. D’autres villes souffrent alors d’insécurité et de tous les maux dénoncés par le jadis opposant farouche à Kabila.

A Kinshasa, des « Saut-de-mouton », créés à la hâte par un programme de 100 jours – sans doute beaucoup plus enrichissant pour des proches de Tshisekedi que pour la population – créent le chaos. Ce programme justement, ne compte pas grande réalisation. Ah, si. Deux ponts de 30 m inaugurés, par une forte délégation présidentielle, plus coûteuse que l’ouvrage,  près de Kisangani.  Entre-temps, la Présidence consomme la quasi-totalité de son budget annuel en six mois. Le Président voyage plus que toutes les étoiles. « Le Magellan » congolais a même un poème qui le met en garde.

« Un jour,
à ton retour,
tu ne nous trouveras pas ».

Mais Félix Tshisekedi, qui n’a pas fait que des mauvaises choses, s’embourbe également sur le terrain politique. Il tente de temps en temps un bras de fer de bonne foi contre la coalition de Joseph Kabila. En réalité, il est démuni de majorité parlementaire, mais veut conserver des portefeuilles cruciaux au gouvernement. N’ayant cependant pas les moyens de ses ambitions, il capitule finalement dans une coalition qui sent le soufre. Le Président se dédit de nouveau. Le prochain gouvernement aura 66 membres, un nombre qu’il dénonçait jadis opposant. Il met lui-même en garde « ne suivez pas les étiquettes de ceux qui y seront nommés », par peur des réactions. Les visages qui y arrivent seront sans doute connus et choquant. La foule qui chantait « Papa avait dit le Peuple d’abord » risque de déchanter. Le changement pourrait s’éloigner.

Six mois après son arrivée, Félix Tshisekedi a certes réussi à éteindre le jusqu’auboutisme de Martin Fayulu, à suffoquer la coalition LAMUKA dépassée par ses crises de positionnement, mais il n’est plus en état de grâce. Les prochaines étapes, les prochains égarements et fuites seront payés « CACH ». C’est le temps où les dieux ne sont jugés que par leurs capacités à faire des miracles. Plus que 4 ans et 5 mois.

Litsani Choukran,
Le Fondé.

5 comments
  1. Est-Ce que le Président Kabila ne peut pas totalement oublie le pouvoir laissant le Président Felix Tshisekedi de régner librement?

    Meme après 18 ans de pouvoir?

    Svp Mr. president Kabila nous te remercions de ce que vous venez de réaliser et je crois que c’est le temps de laisser …

  2. Votre article pèche parce qu’il expose encore une fois l’état d’esprit dans lequel le Congolais est tombé depuis décennies, celui de toujours souhaiter voir le voisin tomber du haut de son perchoir. Certains se plaise énormément dans leur rôle de considérer Président Tshisekedi comme « l’autre », celui qu’on espère voir échouer et non pas comme « nous », de tous engagé ensemble vers un objectif commun du développement du Congo. Nous, nous voyons dans les faits que vous venez d’énumérer, les faits qui concourent au bien des enfants de Dieu et qui conduiront sans doute à la prospérité du peuple Congolais quel que soit leurs apparences. L’homme parle mais c’est Dieu qui dispose. Nous avons eu des Gouvernement avec plein pouvoir avant, le résultat a été que le Congo est honteusement le pays le plus pauvre du monde. Aujourd’hui Dieu a voulu que le développement du Congo passe par la réconciliation.

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