RDC: La Guerre qu’il faut à tout prix gagner

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Journalisme. Métier à la fois noble et ardu. Métier de chevaliers, d’endurants et surtout de combattants. Recueillir, vérifier  et diffuser l’information au public. Les règles étaient plus simples en sortant de l’école. Elles l’étaient moins pour quelqu’un comme moi, qui n’est certes sorti d’une école du journalisme. Dans pareil cas, le « bon  sens » aidait. C’est ainsi qu’on se retrouve au cœur de l’actualité, en tenant une plume tranchante, très suivie. Parfois appréciée, parfois jugée trop vitriolée. Mais le « Fondé » était là. Quand on voulait un peu de justesse, un peu trop de vérité, on pouvait simplement se rapprocher de lui et contempler comment il trempe alors cette plume dans la plaie des faits.  « Tranchante, mais juste », ai-je toujours prétendu.

Mais comment rester juste ? Comment rester lucide, quand on a tant de colère, quand on doit défendre la mère-patrie ? Car oui, ce métier n’est pas venu en nous dans la quête de réussite financière. Nous avions déjà d’autres qualités pour celle-là. Le groupe s’appelle « LEOPARDS ». Le nom n’est pas choisi au hasard. « Éclairer le Congo », tel était le but de cette aventure médiatique. Dès lors, le Congo n’est-il donc pas une raison de vivre ? Et comment rester neutre, professionnel et juste, lorsqu’il s’agit enfin de défendre ce Congo-là ? Le cœur brûle, la main tremble. On sent une impulsion venir du plus profond être. Est-ce une colère ? Est-ce de la haine ? Peu importe ! C’est donc cela le patriotisme. Se ranger. Tel un soldat, sans être appelé, derrière son drapeau. Sous le drapeau. Sans être commandé. La nécessité n’a point besoin d’être prouvée. Car il s’agit de défendre LA Nation ! Mais face à quoi ?

Pour l’Unité du Congo

En 1994, de l’autre côté de la frontière, l’horreur sans nom. Un peuple frère, unique, inique, à peine divisé par le colonisateur belge en mesurant la hauteur d’une oreille, a décidé d’en finir. Huit-cent-mille morts selon certains. Majoritairement de Tutsis, mais aussi des Hutu ! Le Zaïre, hospitalier, ouvre ses frontières. Il accueille ceux qui fuient l’horreur. Mais l’Ouest, d’où le destin de l’Afrique se fabrique, avait d’autres plans. Comme souvent d’ailleurs. Ayant longtemps pressé Mobutu tel une orange, il décide alors de s’en débarrasser. Une fameuse alliance de libération est née. Kinshasa crie aux Libérateurs. Mais ces derniers avaient d’autres vues. Comme en Yougoslavie, ils voulaient, chacun, avoir son morceau du Congo. Inspirés sans doute par Peter Pham : « pour sauver le Congo, il faut le laisser s’effondrer. » Quel démon !

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Qui peut tuer l’immortel ? Fabrication européenne depuis Berlin en 1815 certes, en imposant des frontières à la fois arbitraires et funestes, le Congo est né d’une chimère, mais devient « esprit », en attendant de devenir Nation. Il découpe et délimite certes des ethnies entières de part et d’autre, de manière arbitraire. Mais la nation-gâchette de l’Afrique a fait son chemin et refuse de mourir face à l’AFDL. Empeigné du rêve de Lumumba, de la détermination de Mobutu, le Congo sort de ses manches « Mzee » Laurent-Désiré Kabila. Il dit non ! Se retourne contre ses alliés. Et tient tête à l’Ouest, l’Occident. La Guerre mondiale africaine aura lieu. Deux fois, mais le Congo triomphe. Pas un seul centimètre ne sera cédé. Que des millions d’âmes fauchées. Mais c’était le prix à payer. Croit-on.

2003, Joseph Kabila et ses frères enterrent les grondements de fers pour signer la paix. Ils pacifient et réunifient le Congo, mettant en place un processus démocratique qui réactive le mouvement de création de la Nation congolaise. Peu importent les difficultés et les couacs. Oui, il y en a eu tas ! Le Congo a triomphé de tous les démons et tient débout.  Mais nul n’oublie que dans cette quête de l’Ouest visant à dépecer le Congo, des Nations sœurs ont servi de bras armés. Plus étrange qu’est la fatalité, ces nations n’existent qu’à cause des frontières arbitraires tracées depuis Berlin en 1815, et qui ont réussi à faire croire aux jeunes gens de cette époque que ceux qui vivraient de l’autre côté de la Ruzizi seraient un peuple différent. Ces Nations n’ont certes pas baissé les bras. Victimes de l’horreur le plus absolu, le Rwanda qui sort à peine d’un Génocide des Rwandais contre des Rwandais, un génocide où aucun Congolais n’y a pris part, rêve de créer une Nation forte, mais si et seulement si le Congo voisin était par terre, morcelé, et surtout affaibli. Dès lors, les descendants de Kimpa Vita doivent vivre sans cesse sur leurs gardes.

Naïfs, les Congolais rêve de la paix. Ils tentent parfois d’appeler Kagame Paul « Frère », mais ce dernier ne l’entend pas de cette oreille.  Depuis Kigali, cet homme dont l’âme est aussi sombre et dégarnie de bonté que son physique l’est de toute chaire, a décidé de mimer une nouvelle rébellion. Certes, avec les mêmes intentions, les mêmes revendications : nous maintenir la tête dans l’eau. Faire barrage à tout réveil du grand éléphant qui était pourtant sur le point de se réveiller, au cœur de l’Afrique. Nous voilà donc, une fois de plus, face à une rébellion présumée congolaise, à nouveau dans l’Est du Congo.

Mais c’est la fois de trop. C’était la fois de trop ! Le Congo a livré ses guerres. Il en a payé le prix, le plus fort. Il n’a plus de force. Ni volonté, pour s’offrir de nouvelle guerre. Le Congo n’a pas cherché de guerre. Il ne l’a pas provoqué. Comme depuis deux décennies, elle lui est imposée par le régime de Kigali, qui pense avoir la mission de le démembrer. Nous avons toujours cherché la paix. Mais Kagame n’en veut pas. A l’heure où le monde entier à une compassion sélective et braquée vers l’Ukraine, le Congo se retrouve seul face à des démons qui veulent son extermination. Son démembrement.  Mais le Congo ne peut pas continuer à pleurer. Ainsi disent ses rares soutiens dans le monde. Plus que jamais, il est appelé à se ressaisir !

Le « Han » Congolais

« Han » est un mot d’origine sino-coréenne, qui est d’autant plus difficile à traduire que les langues orientales ont une capacité de rendre les émotions bien plus grande que les langues occidentales imposées par les colonisateurs aux africains. On peut dire en simplifiant qu’il s’agit d’un mélange de regret, de rancœur, d’amertume, et même de nostalgie, que l’on ressent après des sacrifices et des efforts non récompensés, des attentes déçues, ou encore des rêves évanouis. Le han est donc un sentiment d’amertume qui n’est pas violent et pas nécessairement l’expression du désespoir, mais plutôt une douce révolte contre la fatalité et l’impuissance.   

La Corée comme la République démocratique du Congo, ont une histoire lourde des tragédies. Depuis sa fondation lointaine, la Corée a subi 934 invasions, mais les plus éprouvantes ont été celles du Japon dans l’histoire récente du pays. L’assassinat de la reine Ming par les services secrets japonais en 1895 est vécu par les Coréens comme le plus terrible des drames nationaux, car cette femme était adorée par son peuple. Cet assassinat est le prélude de la terrible annexion de la Corée par le Japon entre 1905 et 1945.

Pendant ces 40 ans d’occupation japonaise le peuple coréen subi des sévices physiques et des humiliations morales horribles. Le Japon oblige la Corée à adopter la langue japonaise, à se convertir au shintoïsme et à adorer l’Empereur. Mais le pire réside certainement dans la prostitution forcée de nombreuses femmes coréennes au « service » des soldats japonais. Quand on connaît le sens de l’honneur et la pudeur des femmes d’Asie, on imagine la profondeur du traumatisme engendré par une telle exaction. Mais c’est grâce au « Han » que les Corréen vont se sortir des jougs des agressions. En se révoltant, parfois face à eux-mêmes, il réussiront à surmonter les humiliation du passé et surtout à faire en sorte que les ennemis ne puissent plus les agresser en tant que peuple.

Le temps est passé par là. Le Japon n’est plus aujourd’hui une nation oppressante. Mais ce mot, le « HAN », c’est ce qui me vient à l’esprit quand je pense à ce qui se passe à l’Est de la RDC. Cette douce révolte est en nous. Nous la sentons de plus en plus. Loin de nous l’idée de la lier à une guerre quelconque. Il ne s’agit pas de livrer la guerre au Rwanda. Ni à un quelconque peuple frère. Ceux qui nous agressent sont condamnés.  Lao-Tseu disait que « ce qui est dur et rigide tend vers la mort ».

Depuis des années Kagame Paul et son régime tendent vers une mort certaine. L’agression de trop du Congo ne fera que précipiter cette fin naturelle. Mais le FPR n’a pas choisi d’attaquer le Congo de manière anodine. Regardons-nous dans un miroir, nous y verrons plus clair. Nous y verrons un peuple en décadence et qui se doit de se ressaisir. Nos routes nous l’enseignent chaque jour. Aucun peuple ne peut réussir à développer sa Nation avec la mentalité qui est la nôtre. Feu Sindika Dokolo, paix à son âme noble, et Joseph Kabila étaient d’accord sur ce point. Il convient qu’après tout ce temps, c’est l’homme congolais qu’il faille changer. Non pour la Guerre. Mais pour la paix. Pour le développement.

La République démocratique du Congo est à ce jour la seule démocratie viable au cœur de l’Afrique. Elle se doit, de par sa position et ses ressources, de se constituer en leader pour les autres Nations. La démocratisation du Rwanda incombe à notre responsabilité. Tout comme celle des autres nations sœurs. Nous ne pouvons pleinement jouer ce rôle que si nous mettons de l’ordre chez nous. Et cela, agression ou pas, doit se faire maintenant ! Kagame Paul et son M23 nous en ont donné le leitmotiv. Cette agression de trop est un catalyseur pour nous réveiller : bonne gouvernance, discipline, démocratie. La recette est connue. Puissions-nous juste l’appliquer. Pour des milliers des Tutsi et Hutu assassinés délibérément durant le génocide rwandais. Pour des millions des Congolais fauchés durant les tentatives pour dépecer ce pays, et qui ont toutes échouer, nous sommes obligés de nous ressaisir. Sinon, mourir ensemble.

Cependant, au risque de vous décevoir, la guerre à livrer n’est pas contre le Rwanda. Kagame n’est pas notre ennemi le plus redoutable : détournement, corruption, indiscipline. Ils sont là, notre vrais ennemis. Ils déciment notre Nation depuis des décennies. Ils ont de cousins et frères, certaines les appellent Tribalisme, népotisme, ainsi de suite. Ce sont eux qu’il faut à présent combattre. De notre victoire face à ces fléaux dépend la victoire face aux agressions dans l’Est de notre pays.

Le « Han » est un sentiment de révolte où même la résignation n’est plus naturellement une option. Je vous suis chaque jour, sur les réseaux sociaux. Je suis au cœur des conversations des Congolais. Mais jamais, durant les dix dernières années, ce peuple n’avait un « han » aussi profond qu’en ce moment. Vous avez été fabuleux. Vous vous-êtes levés comme un seul pour dire non à la fois de trop de Kagame Paul.  Pour la première fois, aucune génération sur les majestueuses terres du Congo n’être prête à accepter la fatalité. Alors, chers compatriotes, n’abandonnez pas la lutte! N’abandonnons pas le Congo! l faut se concentrer sur ce qu’il nous reste et non sur ce qu’on a perdu. Car c’est dans les moments les plus sombres qu’on voit le mieux les étoiles. Souvenez-vous, les avions décollent toujours face au vent.

Litsani Choukran,
Le Fondé.

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