Viols, sorcellerie, crime contre l’humanité: l’incoryable histoire du procès Kamuvu

«Les ravisseurs s’introduisaient dans nos maisons de nuit pour enlever nos filles. Ils les violaient par pure superstition, et beaucoup souffriront de lésions toute leur vie.» Le témoignage d’une mère de victime en dit long sur l’horreur qu’ont vécu, de mars 2013 à juin 2016, une quarantaine d’enfants de Kamuvu, village particulièrement pauvre situé dans la province du Sud-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Ce qui a particulièrement horrifié et conduit à la mobilisation, c’est l’âge des victimes, de douze ans à… 8 mois. Le mode opératoire était toujours le même: des hommes enlèvent les fillettes à leur domicile en pleine nuit, les violent, prélèvent leur sang et les abandonnent dans des champs voisins.

Qui sont-ils? Une milice locale, dirigée par le député provincial Frederic Batumike, aujourd’hui sur le banc des accusés avec 17 de ses hommes. Leurs motivations? Selon l’enquête, «la commission de ces viols était considérée par les miliciens comme le moyen d’acquérir une protection surnaturelle».

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Un long combat judiciaire

Une étrange histoire de sorcellerie donc. Et un long combat pour les familles, accompagnées d’ONG, afin que justice soit faite. Car malgré le caractère systématique des viols et leurs horreurs, «ces attaques étaient considérées comme des évènements isolés, explique l’ONG Trial. Les familles ont confié l’enquête au procureur local, mais aucune action n’a été entreprise.»

L’ONG, au sein d’une task force – réseau informel d’acteurs locaux et internationaux soutenant les efforts du système judiciaire congolais – va donc adopter une nouvelle stratégie: «Juridiquement, la complexité consistait à prouver le caractère collectif des attaques.

Pour constituer un crime contre l’humanité, celles-ci doivent émaner d’une organisation systématique, difficile à mettre en évidence dans un climat aussi instable qu’en RDC.» Mais la répétition des viols, la mobilisation internationale et l’insistance des familles finissent par convaincre le procureur d’ouvrir une enquête en mars 2016.

Des moments très douloureux pour les victimes, toutes enfants au moment des faits. «Les fillettes revivent leur agression à chaque fois qu’elles racontent leur histoire. Les audiences étaient éprouvantes et nécessitent un accompagnement psychologique profond», explique-t-on à l’hôpital de Panzi. Mais leur combat finit par payer: en septembre dernier, les premières inculpations pour des faits de viols constitutifs de crime contre l’humanité tombent.

Un procès pour l’avenir

Et le procès débute mercredi. «Les victimes attendent que justice soit faite et qu’elle contribue à mettre fin à l’impunité dans le pays», confie-t-on l’hôpital de Panzi. C’est ici que les jeunes filles sont soignées, par l’intermédiaire du Dr. Mukwege, qui effectue des chirurgies réparatrices.Ce gynécologue, surnommé «l’homme qui répare les femmes», se bat depuis vingt ans pour la réhabilitation et la dignité des victimes des viols. Primé internationalement pour son combat, il espère que les peines «seront suffisamment significatives pour contribuer à la reconstruction des victimes et à la dissuasion des potentiels actes de viol dans le futur».

Par ailleurs, depuis juin 2016 et l’arrestation de Frederic Batumike et de ses hommes, aucun viol n’a été enregistré dans le village de Kamuvu. Pour les parties civiles, le procès va bien au-delà des victimes: «Il ébranle toute l’omerta et l’inertie judiciaire qui entourent les violences sexuelles dans le Sud-Kivu, se réjouit l’ONG Trial. Nous espérons que le procès se déroule dans de bonnes conditions sécuritaires. La répression de ces atrocités enverra un message à tout acteur qui continue à commettre des exactions en RDC: nul n’est au-dessus de la loi et toute personne sera sanctionnée si elle se rend responsable de crimes graves

Même son de cloche du côté de l’hôpital du Dr. Mukwege: «Nous sommes persuadés que le procès contribuera un tant soit peu au rétablissement de la paix communautaire; et en cela il peut déjà être considéré comme une partie de la réparation psychologique, sociale et morale.»

Avec Agences.

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