RDC : « la RDC n’est pas prête pour aller aux élections cette année» ( Babah Mutuza, analyste politique)

A 24 heures du lancement de la campagne électorale en République Démocratique du Congo, les opinions divergent sur l’urgence ou non d’organiser les élections alors qu’une partie du pays est secouée par les violences armées perpétrées d’une part par la coalition armée M23-RDF à Rutshuru, Masisi, Nyiragongo et d’autre part, par les terroristes de forces démocratiques et alliés (ADF) dans la région de Beni, au Nord-Kivu et Irumu, Mambasa en Ituri.

Dans un entretien avec POLITICO.CD, l’analyste politique Dr. Babah Mutuza estime que la RDC n’est pas « prête » à organiser les élections en décembre prochain. A l’en croire, les indices démontrent que le pays à d’autres urgences notamment la sécurité et le développement.

« On ne peut pas dire qu’un Kinois est plus Congolais que ce citoyen qui est à Rutshuru pendant ce temps. On ne dira pas autant que ces Congolais qui sont dans les bureaux climatisés sont plus Congolais que ceux qui sont dans des camps des déplacés. On ne peut pas faire les choses pour se faire plaisir en jouant avec le peuple. Le président Kabila l’avait compris en décalant les élections à 2018 » a-t-il fait savoir.

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Pour lui, cette « précipitation » résulte du « système politique congolais cloisonné, où les acteurs se battent pour le pouvoir, mais sans pouvoir ». Il estime que le pays traverse une phase de « turbulence terrible » qui ne lui permet pas d’organiser les élections.

« Les élections ne valent pas la vie des Congolais. Les opposants assoiffés du pouvoir répéteront les mêmes erreurs une fois au pouvoir et pendant ce temps, les vies se déciment à l’Est. On doit éviter de jouer avec le peuple. », a-t-il déclaré.

Le plan B: référendum pour définir les urgences

Dans ce même registre, cet analyste est d’avis que l’urgence d’organiser un référendum, est une nécessité pour permettre au peuple de définir les questions urgentes à traiter, si les politiques tiennent à la décision d’organiser les élections.

« Dans un pays civilisé on devrait associer le peuple pour savoir si l’on peut organiser les élections, ou arrêter la guerre. Ce sont des questions qui concernent toute la nation et donc elle devrait être soumise au peuple pour que le souverain primaire décide de ce qui vient après », indique-t-il en fustigeant le fait que « les opposants veulent à tout prix que le Président parte et oublient les autres paramètres ».

« C’est comme en 2018, ils voulaient que Kabila parte et les autres on verra après et justement on voit le reste aujourd’hui », a-t-il déploré.

Il appelle le gouvernement au sens d’écoute, car selon lui, le régime actuel reste enfermé sur lui-même. « Il doit être ouvert, il n’écoute plus ce qui se passe à côté et c’était la même erreur avec le régime de Kabila et il s’est retrouvé à côté », a-t-il rappelé.

Une autre option soulevée par Babah Mutuza, consiste à faire asseoir la classe politique autour d’une même table à défaut du référendum.

« Ici je ne dis pas majorité et opposition. Je parle avant tout de la société civile de toute République, des églises et un certain nombre d’opposants et les membres du gouvernement qu’ils se mettent et qu’ils tirent les véritables options ».

Quels risques en cas de forcing?

Lors de ce même entretien, cet analyste a étalé un certain nombre de risques en cas de forcing sur l’organisation des élections. D’après lui, les opposants risquent de tomber dans le piège tendu par le Rwanda par ses stratagèmes.

« Ceux qui sont au pouvoir veulent à tout prix rester au pouvoir et les opposants aussi veulent prendre le pouvoir et par tous les moyens y compris les contestations. Et donc durant cette période là, l’ennemi peut facilement profiter pour essayer d’attiser ce sentiment afin de nous diviser davantage. L’Est brûle déjà. Le Rwanda veut attaquer la RDC, pas seulement à l’Est. Le Rwanda a acheté plusieurs hectares à Brazzaville et les gens doivent comprendre ce plan. Ils disent qu’ils n’ont pas assez d’espace pour cultiver, mais regardez quand-même la distance qu’il y a entre le Rwanda et le Congo Brazzaville et Kinshasa. Ils sont en Centrafrique au même moment. Ne voyez-vous pas que c’est plus facile qu’ils peuvent profiter d’infiltrer le pays comme ce fût à l’époque du RCD? Les gens peuvent créer des troubles, des contestations et créer une guerre civile terrible afin qu’il s’embarrasse du pouvoir terriblement », a-t-il fait savoir.

Un autre risque soulevé est notamment de légitimer l’administration rwandaise dans les parties occupées par le M23, une fois le pays organiserait les élections sans ces entités.

« Ces congolais ont, à mon sens, besoin de voter pour leur Président. Vous connaissez le problème de légitimité auquel le président Tshisekedi fait face à Beni et Butembo par le fait que ces entités étaient privées de se choisir le Président de la République. Le risque ici aussi aujourd’hui, est de nous voir en train de légitimer le pouvoir installé par Kigali à Rutshuru, Bunagana, Masisi etc.. », a-t-il ajouté.

La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a confirmé la tenue des élections en décembre 2023. Le lancement de la campagne électorale est prévu ce dimanche 19 novembre.

Azarias Mokonzi

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