A quand la justice dans le Kasaï?

La région du Kasaï, au centre de la République démocratique du Congo, est le théatre d’incroyables attrocités contre les populations civiles, dans lesquelles l’armée a ouvertement été pointée du doigt, mais aussi les miliciens du Chef coutumier Kamuina Nsapu.
Fosses communes découvertes près de Tshimbulu. © RFI/Sonia Rolley

La vidéo de l’assassinat des enquêteurs de l’ONU, massacrés par ceux qui semblent être des miliens de ce Chef coutumier tué en août 2016, a créé l’émoit au sein de la Communauté internationale qui a reproché Kinshasa de cette diffusion jugée irrespectueuse. Néanmoins, Kinshasa affirme poursuivre les enquêtes afin d’identifier les responsables de ces actes, alors même que son armée est épinglée.

En effet, des enquêteurs du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ont annoncé la découverte de 17 nouvelles fosses communes dans cette région fin avril, accusant ouvertement les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) d’en être responsables. Pour Lambert Mende, le Porte-parole du gouvernement congolais, cette « publicité » des officiels onusiens est une tentative d’interférer dans l’action de la Justice militaire, qui ne nie pas l’existence de ces fosses communes.

« Plusieurs fosses communes ont été découvertes. Et la Justice militaire a ouvert des actions à ce sujet. A ma connaissance, cette dernière a lancé un appel à tout le monde de pourvoir lui apporter tout élément susceptible d’aider à l’aboutissement de ses enquêtes » explique le porte-parole du gouvernement congolais. Au total 40 fosses communes ont été découvertes dans la région.

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Dans un reportage de la BBC, des habitants ont toutefois chargé les troupes gouvernementales à ce sujet. « Des soldats du gouvernement ont attaqué son village et l’ont fait creuser une fosse commune où 60 personnes, y compris des membres de sa famille et des voisins, ont été enterrées », témoigne un certain Paul, dont l’identité a été changée pour de raisons de sécurité.

« Ils ont tué des gens et violé des femmes. Ensuite, le lendemain, nous avons vu un général. Il a dit : sortez de chez vous, nous ne tuerons plus (….) Il nous a demandé d’enterrer les gens même les membres de ma famille, même les gens que je connaissais« , ajoute cette victime présumée, cité par nos confrères de la BBC.

La CPI à l’affût

Alors que les autorités ont refusé de réagir aux accusations des habitants dans le reportage de la BBC, des voix s’élèvent toujours pour réclamer que justice soit faite. Les enquêtes sont toujours en cours pour élucider les assassinats des agents onusiens et leurs interprètes congolais et surtout au sujet de ces fosses communes.

De son côté, la Cour Pénale internationale a ouvertement menacé d’intervenir, rappelant qu’elle poursuivait toujours des enquêtes en République démocratique du Congo depuis 2004. « Les récentes violences dans la région du Kasaï en République démocratique du Congo pour constituer des crimes qui relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI)« , a souligné un communiqué publié par la procureure Fatou Bensouda.

La CPI enjoint Kinshasa, en vertu du “principe de complémentarité qui est au cœur du Traité de Rome”, de faire la lumière sur ces crimes. Au cas contraire, elle se verrait dans l’obligation d’agir et de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin de rendre justice.

Pour autant, le gouvernement congolais fait valoir sa compétence sur cette crise, rappelant que l’armée a ouvert une information judiciaire en mars dernier depuis la diffusion d’une vidéo montrant ses éléments tirant à bout portant sur des adeptes du chef coutumier Kamwina Nsapu armés de bâtons. La justice militaire a annoncé avoir arrêté et inculpé sept militaires soupçonnés d’être à l’origine du massacre de Mwanza Lomba, promettant de poursuivre les enquêtes pour les fosses communes.

Les FARDC ont annoncé avoir demandé l’assistance du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme pour mener à bien leurs enquêtes dans cette région théâtre des affrontements contre cette milice. Ce dernier a dit examiner comment les assister sur le terrain. Ce qui semble visiblement irriter le ministre Mende. « J’espère vraiment que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a mis à disposition de la justice militaire les informations qui le pousse à accuser les FARDC, autrement, je ne comprends toujours pas pourquoi faire une telle campagne« , s’indigne le Porte-parole du gouvernement.

Toutefois, la Communauté internationale doute de la sincerité des autorités congolaises à faire lumière sur ces atrocités. Le 22 mars, les Nations unies, dont les enquêtes sont volontairement entravées par l’armée congolaise, ont appelé à la mise en place d’une commission internationale d’enquête.

Le ministre de l’intérieur Emmanuel Shadary a de son côté proclamé la fin des hostilités, après l’intronisation d’un nouveau Chef coutumier à la succession au trône Kamuina Nsapu, et la restitution des restes de son prédécesseur à sa famille. Néanmoins, les autorités n’ont aucunement fait mention des poursuites contre les responbles directs de cette tragédie, qui ne seront peut-être jamais épinglés, ni identifiés.

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