RDC : Les vérités de l’affaire Salomon idi Kalonda Della

Le jeudi 30 mai 2023, Kinshasa se réveillait dans une accalmie, après plusieurs jours de tension entre politiques, notamment autour de la marche des opposants brutalement réprimée par les forces de police le 20 mai et celle qui suivi une semaine après, faisant plutôt flop. Nul n’aurait alors pu s’imaginer d’un tel rebondissement. Pas même Moïse Katumbi et Salomon Idi Kalonda Della. Généralement très bien informés, le duo avait pris soin de lever le camp de Kinshasa qu’ils avaient investi, auréolés de leur « succès » autour de cette marche qui a fragilisé l’image du président Félix Tshisekedi et de sa vision « du peuple d’abord ».

A l’aéroport international de N’djili, Moïse Katumbi est sur le point de monter dans son avion privé lors qu’un Pickup  fait surface, tel dans un film américain. Derrière, des hommes armés, certains en tenue militaire. Il s’engouffre au milieu de la troupe qui accompagne le leader du parti Ensemble pour la République. « Dans un premier moment, nous avons cru qu’ils étaient venus pour le Président (Katumbi). Mais les choses se sont passées tellement vite que personne n’a su comment réagir », explique un proche de l’ancien gouverneur du Katanga à POLITICO.CD. Le raid est dirigé vers Salmon Idi Kalonda, bras droit de Moïse Katumbi, il est « pris », placé brutalement dans la cabine du pickup, et, de manière aussi ahurissante, encagoulé. Pas plus de 3 minutes. L’affaire est réglée.

Le web explose. Un des membres de la suite de Katumbi avait filmé la scène. Aussitôt, la vidéo est envoyée au réseau de communication des opposants. Un boucan s’ensuit. « C’était très choquant.  Mais c’était du pain béni. On a assuré la circulation de la vie », commente un journaliste travaillant pour Moïse Katumbi. « C’est choquant, même nous, nous n’avions jamais arrêté Salomon Della », dit un proche de Joseph Kabila, qui commentait alors l’actualité.

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La surprise est totale. Pourtant, à l’issue des manifestations du 20 mai à Kinshasa, le même Salomon Della était au courant d’un probable projet d’arrestation à son encontre. Il s’était alors empressé de faire diffuser la nouvelle via son réseau de communication, très bien structuré et composé de plusieurs journalistes de renom notamment internationaux et de patrons de presse locale. « Des mandats d’arrêt ont été préparés à l’encontre d’hommes-clés dans l’entourage des principaux candidats d’opposition à la présidentielle en RDC » affirmait un article publié le 25 mai sur le site du média « Congo Libéré ». « Pour autant, personne ne s’imaginait que Tshisekedi ne passe à l’acte », commente un proche de Katumbi.

Surpris, mais pas du tout pris à contre-pied. Rapidement, le réseau de communication de Katumbi monte au créneau. Quelques minutes à peine après cette arrestation, le média français Jeune Afrique publie notamment un article qui affirme alors que Della serait interpellé pour des raisons de port d’arme illégale. Leaders d’opinion, opposant, politiques, activistes et même journaliste montent instinctivement au créneau pour alors dénoncer cette arrestation. « L’arrestation arbitraire et illégale de mon conseiller spécial Salomon Kalonda à l’aéroport de Ndjili est un enlèvement crapuleux. Aucune base juridique. Fin de l’Etat de droit. Que lui reproche-t-on ? Où a-t-il été emmené ? Les autorités doivent s’expliquer et le libérer ! », a tweeté Moïse Katumbi, qui a fini par découler en direction de Lubumbashi, promettant certes de revenir vers Kinshasa.

L’homme qui murmure à l’oreille de Katumbi

Il a la fonction officielle du « Directeur financier » du club de Football de Tout-puissant Mazembe, qui appartient à Moïse Katumbi. Néanmoins, autour de l’ancien gouverneur, il joue le rôle de l’ombre. Il est celui « qui murmure à l’oreille du Chef ». L’homme dont la biographie n’est écrite nulle part est un self-made-man qui côtoie alors Katumbi depuis des décennies. Discret mais efficace, voire secrètes, il a été de toutes les tractations politiques ou diplomatiques dans lesquelles a été impliqué Moïse Katumbi. Néanmoins, ces dernières années, son rôle est devenu de plus en plus pondérant. Il n’est plus que celui qui « porte le sac » du président d’Ensemble, surtout avec Olivier Kamitatu à côté.

L’homme a surtout pris le temps de prendre discrètement l’épaisseur. Alors que les projecteurs étaient braqués sur Moïse Katumbi depuis son divorce d’avec Joseph Kabila en 2014, Salomon Kalonda créé, en 2016 , le Parti National pour la Démocratie et le Développement (PND), qui deviendra deuxième force politique dans l’opposition en RDC durant les législatives de 2018, comptant 12 députés à l’Assemblée nationale et 12 élus au sein des assemblées provinciales — soit autant de députés que le MLC de Jean-Pierre Bemba. A la création d’Ensemble pour la République, il est officiellement confirmé au poste  de Conseiller spécial politique de Moïse Katumbi.  De retour en RDC en 2020 à l’issue d’un grand de fer autour de son passeport, il est alors positionné comme le maitre à jouer politique de Katumbi, capable d’entretenir l’impressionnant réseau de presse à sa commande que d’exécuter les stratégies politiques bien souvent ficelées autour des liasses de dollars.

En 2021, après s’être malignement allié à Félix Tshisekedi, faisant éclater l’alliance du Chef de l’Etat avec Joseph Kabila, Moïse Katumbi a clairement déclaré ses ambitions et savait pertinemment que l’actuel pouvoir allait alors le prendre en chasse. L’ancien gouverneur pouvait alors compté sur son Parti, mal également et surtout sur Salomon Della. Pourtant habitué à rester derrière l’écran, l’homme a pris les devants ce derniers temps, se faisant filmer tantôt au milieu de foules, tantôt en train de faire un don dans son Maniema natal, ou encore en train d’inaugurer, par-ci et là, un ouvrage réalisé par ses soins.  Il doit s’appuyer sur son parcours et ses qualités naturelles de contact. « En tant que personne, c’est quelqu’un de très chaleureux. Il est d’ailleurs le canal par lequel même des adversaires de Katumbi passent », explique Litsani Choukran, Fondateur de POLITICO.CD. «  A titre personnel,  j’entretiens une relation fraternelle avec Salomon Della. J’ai très peu d’amis et il fait partie de ma famille. C’est quelqu’un de très bien et je le porte toujours dans mon cœur », témoigne Litsani Choukran, l’éditorialiste.

Néanmoins, Salomon Della n’est pas seulement un « gentil » bienfaiteur. Il est également celui qui entretient les réseaux médiatiques de Katumbi. « Tous les journalistes, hommes politiques, activistes ou je ne sais qui qui soutiennent Katumbi sont entretenus pas lui. C’est lui qui mobilise, orchestre, paie et diffuse« , explique une source proche de Joseph Kabila qui a requis l’anonymat. « Il orchestre même des campagne de dénigrement et tout ce qui va avec. C’est donc normal que tous ses employés haussent le ton« , enfonce-t-on du côté de l’UDPS au pouvoir.

Peu de temps après son arrestation, les spéculations sont allées dans tous les sens mais personne à Kinshasa ne pouvait en dire avec certitude les raisons. Dans la soirée, son frère Moni Della, ancien prisonnier politique du régime de Joseph Kabila, annonce que Salomon est détenu à l’ex « DEMIAP », le Service congolais de renseignements militaires. Dans une interview sur France24, le porte-parole du gouvernement, le ministre Patrick Muyaya confirme l’arrestation, disant toutefois ne pas en savoir plus.  

Contacté par POLITICO.CD, un haut-responsable des « Services Spécialisés des Forces armées » confirme « Salomon Idi Kalonda Della, cadre et Haut représentant Chargé de la Région Grand Kivu du parti politique Ensemble pour la République et Conseiller Politique de Monsieur Moïse Katumbi, a été interpellé, le mardi 30 mai 2023, à l’aéroport international de N’djili, pour des raisons d’enquêtes sur des faits touchant à la sécurité nationale », sans toutefois en dire plus.  Et alors que l’opposition, notamment des proches de Moïse Katumbi accusaient Félix Tshisekedi d’être «  le donneur d’ordre » de cette arrestation, ce haut responsable, qui a requis l’anonymat, dément cette hypothèse.

« Une question de sécurité nationale »

 « Contrairement à ce qui se propage sur les réseaux sociaux et autres médias affirmant l’implication de la Présidence de la République dans ce dossier, les Services Spécialisés des Forces armées démentent formellement cette rumeur et rassure de la poursuite, en toute indépendance, des enquêtes », dit-il.  Notre source dément par ailleurs les accusation de traitement inhumain dont avait fait échos le frère de Salomon Della. « Conformément aux principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, les Services Spécialisés des Forces armées rassurent que Monsieur Salomon Idi Kalonda Della bénéficie d’un traitement correct et digne. Il n’est soumis ni à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels ou encore inhumains », dit-il.

En février dernier, une personne a trouvé la mort et plus de 20 autres grièvement blessées à la suite des troubles survenus, dans un centre d’enrôlement des électeurs à Kindu (Maniema). Ces troubles avaient lieu durant l’enrôlement de Salomom Della dans centre  de l’EP. Mamboleo. A cette époque, les députés proches du bras droit de Moïse Katumbi avaient accusé des  membres de l’UDPS, d’être fautifs. La thèse qu’avait réfuté le gouverneur intérimaire du Maniema, Afani Idriss Mangala qui reconnait tout de même qu’il y a eu mort d’homme et des blessés.

A l’époque, Salomon Della avait pris en charge les blessés, promettant de porter plainte. On ignore cependant si ces incidents sont la cause de son arrestation, d’autant plus qu’il s’agisse ici d’une affaire civile.  Néanmoins, interrogé sur les raisons de cette arrestation, notre source au sein des Services de Sécurité a refusé de « commenter une affaire dont les enquêtes sont toujours en cours».  Une autre source haut placée au sein des services de Sécurité précisément cependant à ce sujet : «Il faut savoir que toute personne physique ou morale  n’a pas le droit d’utiliser des militaires sans qualité et inciter de ces derniers à commettre des actes contraires au règlement militaire ».  

Durant son intervention à la télévision France24, le ministre Patrick Muyaya, qui avait certes affirmé ne pas connaître les raisons de l’arrestation de M. Della, a cependant dénoncé le fait que l’opposition soit inscrite dans un schéma qui chercher « à créer le chaos ». Il dénonçait en autres les manifestations du 20 mai dernier où, outre les dénonciations de répression, au-moins 27 policiers ont été blessés par des manifestants. Plusieurs images diffusés sur les réseaux sociaux ont montré des gardes du corps de Moïse Katumbi armés au cœurs des manifestation.

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