Tshisekedi — Katumbi: vraie-fausse réconciliation et batailles silencieuses

Le trajectoire russo-américain n’a pas commencé directement par des conflits. Au contraire, durant la Seconde guerre mondiale, Joseph Staline, le puissance dictateur russe, était affectueusement surnommé par les Américains « Oncle Joe ». Au Congo, Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi vont également prendre une même trajectoire dans leur guerre froide, non sans y ajouter une touche congolaise. Aussi, après s’être affrontés une première fois durant la Présidentielle de 2018, les voilà en train de se rabibocher au nez et à la barbe de Joseph Kabila.  Il faut dire qu’ils sont surtout aidés et poussés par des instigateurs qui nous viennent ici tout droit du pays de l’Oncle  Sam.

Peter J. Pham est d’origine vietnamienne. Ce diplomate-commerçant, aujourd’hui grand vendeur de vent, en sait sans doute beaucoup sur les recettes d’une bonne guerre froide : son pays d’origine étant l’un des grands théâtre des affrontements russo-américains. Et donc, lorsque Félix Tshisekedi arrive au pouvoir, ce dernier, qui commence à perdre petit à petit ses fonctions au sein de la Diplomatie américaine, est le courtier enrôlé par Moïse Katumbi pour l’aider à regagner le pays. Aux côtés de son ami Mike Hammer, alors ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa, ils vont être artisans de la plus grande vraie-fausse réconciliation de l’histoire en RDC. Les deux américains arrivent non seulement à convaincre le président Félix Tshisekedi de remettre son passeport à Moïse Katumbi, mais permettent également à leur client de regagner le pays après trois ans de bannissement.

Cependant, rapidement, la réconciliation s’avère être un second round d’une tentative de revanche ubuesque. En revenant au pays, Moïse Katumbi n’oublie pas son rêve ultime rêve : devenir président et mourir. Et tous ceux qui se mettent sur le chemin des ambitions de Katumbi verront le ciel leur tomber dessus. A l’image d’abord de  Joseph Kabila, ou même à celle de Martin Fayulu. Lui qui s’est allié avec l’ancien gouverneur du Katanga pour la présidentielle de 2018, il est envoyé sous le train de la réconciliation avec Tshisekedi.  Tout à coup, l’alliance LAMUKA, qui jurait pourtant de faire bloc contre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila en continuant à réclamer la « vérité des urnes », s’effrite. Katumbi, comme son ami Bemba, n’y ont plus cœur. De son côté, l’ancien gouverneur délaisse carrément l’alliance en rejoignant Félix Tshisekedi dans une lutte bien instiguée par Washington contre Joseph Kabila. L’alliance au pouvoir finit par exclamer.  

Toutefois, pendant que Félix Tshisekedi croit pouvoir utiliser la nouvelle majorité pour l’aider à affronter les immenses problèmes du pays qui l’attendent, il se rend rapidement compte que du côté de Moïse Katumbi, un autre agenda domine. Revenu au pays, Katumbi commence d’abord par s’offrir un « Safari » en guise de démonstration de force. Ensuite, il pousse Tshisekedi vers un extrémisme vis-à-vis de Joseph Kabila en ciblant ses anciens bourreaux, dont Kalev Mutondo, ancien chef de l’ANR, et même John Numbi, qui partent tous les deux en exil.  Il refuse d’entrer lui-même au gouvernement et préfère envoyer ses bronzes sacrificiels.  

Affrontement silencieux : la bataille de la CENI

Moïse Katumbi est obligé de dévoiler son jeu dans une première manche autour de la Commission électorale. Pendant que Félix Tshisekedi est préoccupé par sa lutte au pouvoir avec son prédécesseur, il voit alors  le camp de Katumbi se ranger derrière les Catholiques et les Protestants et tenter d’imposer « leur » candidat comme président de la Commission électorale, pièce maîtresse des futures élections de 2023. « Félix Tshisekedi est tout sauf naïf », confiait Vital Kamerhe un jour. Il voit ainsi Katumbi venir de très loin. Comme un Super Saiyan, il ne peut encaisser qu’un un dol genevois à la fois. Rapidement, le Sphinx-Junior prend des dispositions pour y faire face. Il met Katumbi chaos dans cette bataille, en intronisant un candidat soutenu par les six autres confessions, malgré le boucan catholique, coalisé avec les médias et voix katumbistes.

Cette victoire est d’autant plus insolente que l’on a vu, au Congo, toute l’impuissance de l’ancien gouverneur du Katanga. Lui qui ira jusqu’à menacer Félix Tshisekedi de « ligne rouge », laçant même des consultations pour quitter l’alliance au pouvoir, finira queue entre les jambes, fulminant, en attendant alors les prochains rounds. A l’issue de cet épisode, il était clair que sa coalition avec Tshisekedi n’en était que de nom. Dès lors, Félix Tshisekedi, dont le parti et des proches commencent à clamer haut et fort la volonté de faire un deuxième mandat, avec une reconfiguration rapide des institutions clés des élections, devient, comme Joseph Kabila, une menace pour Katumbi.

Affrontement silencieux : activation de  Kabund dormant

Par ailleurs, Félix Tshisekedi commence à se raviser des extrémités prises dans le but de « faire de l’espace » à Katumbi. D’abord Vital Kamerhe est libéré et restauré dans l’alliance initiale du « Cap pour le Changement ». Il tente par ailleurs de ménager Joseph Kabila, avec qui les relations n’auront jamais été totalement coupées. Au Parlement, des députés de Katumbi sont débauchés. Au gouvernement de l’Union Sacrée, ses bronzes rejoignent Tshisekedi : Mohindo Nzangi crée son propre parti et ne se voit plus « Ensemble » avec Katumbi.  Christophe Lutundula s’est tue et fait les affaires « étranges » avec Félix Tshisekedi.  Parti assez loin, Christophe Mwando ne reviendra que lorsque Tshisekedi refusera de lui filer la place du Premier ministre. Des « casus belli» se multiplies donc des yeux de Moïse Katumbi. Et la riposte n’allait donc pas trainer.

Pendant Félix Tshisekedi cherche à sortir l’éléphant Katumbi de sa salle remplie de porcelaines, il voit les premières frappes de Kashobwe s’abattre sur lui. Jean-Marc Kabund, souvenez-vous de lui, un secrétaire général nommé à l’époque pour cimenter les relations entre Katumbi et l’UDPS, est réactivé. Si le grand public ne voit rien jusqu’à ce que 1er vice-président de l’Assemblée nationale ne « kidnappe » un élément de la Garde Présidentielle, il faut regarder un peu loin pour voir Kabund venir.

D’abord à travers un discours tempétueux vis-à-vis de son propre régime : il pointe délibérément le train de vie des institutions, alors que c’est grâce au même train qu’il arrive à atteindre le sommet de la chaîne alimentaire congolaise. En deuxième temps, le voilà en train de contredire François Beya, le Conseiller spécial de Félix Tshisekedi en matière de Sécurité, dans un discours clé depuis Kigali.  

Les tirs de sommation de Kabund sont certes bien captés à la Tshisekedie. La Garde Présidentielle décide de lui rendre une visite de courtoisie dans leur banale querelle. Et contre tout attente du public, l’homme s’active, tel un agent dormant, à l’image du Cheval de Troie déposé par les grecs de Kashobwe au cœur du système  Tshisekedi, il se retourne alors contre le béton adulé jadis et commence à la démanteler. Kabund n’étant plus agent dormant, c’est au tour des Lobbies et médias, armes fatales de Kashobwe, qui ont tant fait du mal à Joseph Kabila.

A Washington, un Lobbying corrosif reprend du service contre Félix Tshisekedi et le mot « sanctions » fait à nouveau surface dans la presse internationales. La presse internationale justement, reprend alors, comme durant les années anti-Kabila, la pression sur Kinshasa. Et à l’Unissons, elle cible le pouvoir de Félix Tshisekedi sur ses moindres faits et gestes. Et dans une étrangéité absolue, Denise Nyakeru, première dame de la RDC et épouse de Félix Tshisekedi, est particulièrement ciblée. Les Catholiques, jadis alliés intimes, ayant porté à merveille la candidature de Martin Fayulu au nom de Katumbi, ayant également pris part aux batailles perdues à la CENI, s’activent également dans cette ligne. Dans une querelle incroyable autour d’une parcelle, ils accusent alors le Frère de la Première dame d’être un spoliateur.  Une histoire à lire dans l’acte III de notre série

Lire dans ce dossier:

ACTE I: L’histoire d’une alliance qui a mal tourné

ACTE II: La vraie-fausse réconciliation et batailles silencieuses (en cours de lecture)

ACTE III: Une Première dame cible d’attaques politiques coordonnées

ACTE IV: Moïse Katumbi, devenir Président et mourir

Partager cette publication
LIRE ENCORE