Sud-Kivu : Un déserteur des FARDC mène de recrutements forcés des civils banyamulenge pour renforcer les Twigwaneho (Rapport)

Le Groupe d’experts de l’ONU sur la République Démocratique du Congo a adressé une lettre au Président du Conseil de Sécurité de l’ONU dans laquelle ils évoquent également le conflit armé dans les Moyens et les Hauts Plateaux des territoires de Mwenga, de Fizi et d’Uvira où les mutineries et les représailles battent leur plein au sein de la communauté Banyamulenge.

Dans leur rapport final parvenu à POLITICO.CD, des coalitions de groupes armés Maï-Maï, d’une part, et de groupes armés Twigwaneho et Gumino, d’autre part, ont continué de se livrer à des séries de représailles et de cibler les communautés adverses, tuant des civils, pillant des bétails et détruisant des biens, ce qui a encore renforcé l’éthnicisation du territoire et la radicalisation des opinions.

En août 2021, les opérations militaires des FARDC contre les Twigwaneho, parfois avec le soutien des Maï-Maï, ont affaibli ce groupe qui a perdu plusieurs positions et s’est retiré principalement aux environs de Bijabo.

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Selon ce rapport final, un certain nombre de déserteurs des FARDC ont rejoint les Twigwaneho en 2021 et 2022, le plus notable étant le colonel Joseph Mitabo. Plusieurs sources ont fait état de séances de propagande et de campagne de recrutement forcé menées, entre autres, par le colonel Charles Sematama, déserteur des FARDC.

« Des chefs de villages Banyamulenge se sont vus demander instamment de fournir des recrues pour renforcer les effectifs des Twigwaneho. Ceux qui s’y opposaient étaient menacés et parfois tués. Au moins trois membres de la communauté Banyamulenge, dont des autorités locales autour de Minembwe, ont été tués depuis septembre 2021. Le chef du camp de déplacés internes banyamulenge à Mikenge a été enlevé en octobre 2021. Ceci témoigne d’un certain climat de tensions au sein de la communauté Banyamulenge, car les Twigwaneho considéraient que les personnes tuées soutenaient les Gumino ou qu’elles ne souscrivaient pas à l’opinion de la majorité, qui considère Minembwe comme une commune autonome », a fait savoir le groupe d’experts sur la RDC.

À la fin de 2021, après avoir été renforcés par les nouvelles recrues, les Twigwaneho ont intensifié leurs attaques contre les FARDC et ont regagné certaines positions. Au cours de ces attaques, apprend-on, le groupe a saisi des armes, notamment fin décembre 2021 à Kamombo, lorsqu’il a décapité et démembré un officier des FARDC, le colonel Yaoundé Kyembe Melchior, qui appartenait au 121ème bataillon.

D’après le Groupe d’experts de l’ONU, ces rebelles ont aussi mené des attaques contre des civils, notamment dans le village de Mikenge les 14 et 15 novembre 2021, tuant au moins six civils, en l’occurrence une femme enceinte et cinq enfants. En représailles, les Maï-Maï ont attaqué le camp de personnes déplacées internes de Banyamulenge, situé à proximité.

Les Banyamulenge, la cible

Le rapport final du groupe d’experts sur la RDC renseigne que dans les Hauts-Plateaux, les groupes Maï-Maï les plus actifs sont restés les Maï-Maï Yakutumba et leur Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC), les Forces armées Biloze Bishambuke (FABB) et les Forces des patriotes pour la défense du Congo (FPDC) -Mouvement de libération, communément appelés Maï-Maï Ebuela, qui se sont regroupés en 2020 pour former une coalition ad hoc.

Cette coalition a continué d’affronter les Twigwaneho et Gumino, attaquant des civils banyamulenge, notamment des éleveurs à l’occasion de vols de bétail. Les attaques Maï-Maï, menées par la CNPSC et les FABB en particulier, se sont intensifiées plus au sud, dans les Moyens Plateaux, près de Baraka.

« En octobre 2021, la coalition Maï-Maï a notamment lancé des attaques contre plusieurs villages autour de Bibokoboko, qui était l’une des dernières zones où les communautés continuaient de coexister, tuant une trentaine de civils banyamulenge, dont des femmes et des enfants, et provoquant des déplacements massifs », a noté le groupe d’experts de l’ONU sur la RDC.

Et d’ajouter : « La coalition Maï-Maï a également tué deux membres des FARDC appartenant à la communauté Banyamulenge, dont le major Kaminzobe, qui a été extrait d’un convoi des FARDC, lynché et brûlé en décembre 2021 près de Lweba, dans le territoire de Fizi ».

À en croire le groupe d’experts, ces attaques ont contribué à déclencher une nouvelle vague de représailles et à étendre la crise puisque peu de temps après, les Twigwaneho se sont également déplacés dans la zone. Depuis mars 2021, les attaques dirigées contre les villages banyamulenge ont également augmenté plus au nord, dans les Moyens et Hauts-Plateaux d’Uvira, notamment autour de Kahololo et Rurambo, des zones qui avaient jusqu’alors été relativement épargnées.

« Les attaques ont été menées principalement par les FABB, les Maï-Maï Ilunga, les Maï-Maï Kashumba et les Maï-Maï Mushombe, opérant parfois conjointement avec la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara). En conséquence, la zone autour de Kahololo s’est presque totalement vidée de sa population, avec moins de 100 Banyamulenge qui sont restés sous protection de la MONUSCO », a déclaré le groupe d’experts.

Christian Okende

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