Déploiement d’une force militaire dans l’Est de la RDC : Quand Museveni insiste sur la participation du Rwanda

Les Chefs d’Etats, membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est ont validé lundi 20 juin à Nairobi, l’activation du déploiement de la force militaire régionale dans l’Est de la RDC pour imposer la paix. D’après les services de la communication à la présidence congolaise, cette force placée sous commandement militaire du Kenya devrait être opérationnelle dans les prochaines semaines et ne devrait pas comprendre en son sein d’éléments de l’armée rwandaise.

En effet, la RDC voit l’ombre du gouvernement rwandais dans l’exhumation du mouvement terroriste du 23 Mars- M23 qui occupe depuis près de deux semaines plusieurs entités de son territoire au Nord-Kivu, particulièrement la cité de Bunagana. Les autorités congolaises affirment que Kigali parraine le M23 pour occuper une partie de son territoire afin d’y exploiter de l’or, le coltan et le cobalt. C’est dans cette perspective que Kinshasa a rompu tous les protocoles d’accords, accords et conventions conclus avec le gouvernement rwandais.

Les échos de cette rixe entre Kinshasa et Kigali dont les relations semblaient pourtant au beau fixe sont parvenus au président ougandais, Yoweri Museveni qui paraît bien partir pour jouer à l’apaisement.

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En effet, à l’issue du troisième conclave du lundi 20 juin, le président ougandais a souligné que « les problèmes affectant la région comme la crise en RD Congo nécessitent une approche collective de tous les membres régionaux de la Communauté de l’Afrique de l’Est ». Pour lui, Il faut insister pour travailler ensemble, allusion faite au Rwanda mis à l’écart par la RDC.

https://twitter.com/kagutamuseveni/status/1538853405602500614?s=21&t=IrOkjHgqIBGm6Zoidkhxzg

Rapprochement entre Kampala et Kigali

Entre Kampala et Kigali, deux anciens alliés dans l’agression de la RDC vers la fin des années ’80, la brouille qui a duré près de trois ans, en raison de l’entêtement de Kigali et de Paul Kagame principalement semble être résorbée. Fermée à l’initiative de Kigali en raison de vagues soupçons de soutien de Kampala aux mouvements armés hostiles au régime de Paul Kagame entre autres le parti d’opposition RNC (Rwanda National Congress), les rebelles hutus rwandais et le régime de Kampala, Il a, de ce fait, en février 2019, brusquement interdit à ses ressortissants de traverser la frontière commune, passage essentiel au commerce de la région. Kigali l’a également fermée aux Ougandais souhaitant exporter au Rwanda. Puis en mars, les autorités rwandaises ont publiquement accusé l’Ouganda d’avoir enlevé des Rwandais et de soutenir des rebelles voulant renverser son gouvernement.

Le poste frontalier de Gatuna-Katuna entre les deux pays a été rouvert le 31 janvier 2022 à minuit, après trois années de fermeture au grand dam de Kampala. Parce que pour la seule année 2018, les exportations ougandaises vers le Rwanda représentaient plus de 211 millions USD alors qu’elles s’établissaient à 13 millions USD de marchandises vers l’Ouganda, selon la Banque Mondiale.

4 jours avant la réouverture du poste frontalier de Gatuna-Katuna le 31 janvier dernier, Muhoozi Kainerugaba, qui appelle Paul Kagame «Tonton» en souvenir du passé militaire commun entre son père et lui, s’était rendu à Kigali. Le fils Museveni avait eu des entretiens jugés «cordiales, productives et tournées vers l’avenir sur les préoccupations du Rwanda et les mesures pratiques nécessaires pour rétablir les relations entre le Rwanda et l’Ouganda » par la partie hôte, rapporte la même source.

Le président ougandais a néanmoins trouvé la parade à cette perte commerciale en se tournant vers son voisin congolais, Félix-Antoine Tshisekedi. Au terme de négociations demeurées discrètes depuis 2019, les deux chefs d’Etat se sont rencontrés le 16 juin 2021 à la frontière entre les deux pays à Kasindi, pour y lancer des travaux de rénovation des routes d’intérêts commerciaux communs. «Au lieu de construire des murs entre nous, il vaut construire des ponts et cette initiative est vraiment un exemple de ce que nous devons multiplier comme échanges entre nos deux pays et nos deux peuples», avait déclaré le chef de l’Etat de la RDC, se réjouissant de l’initiative prise par son collègue de l’Ouganda.

Selon le site Le MAXIMUM, par ces accords, Kampala s’engageait ainsi à rénover les axes routiers Mpondwe (Ouganda) – Beni (RDC), 84 km ; Beni (RDC) – Butembo (RDC), 54 km ; Bunagana (RDC) – Rutshuru (RDC) – Goma (RDC), 94 km. Le financement du projet s’inscrivant dans le cadre d’un partenariat public-privé impliquant l’intervention d’une société indienne basée en Ouganda chargée de financer les travaux à hauteur de 60 %, contre 20 % pour l’Ouganda et 20 autres pour la RDC.

L’autre intérêt du projet de rénovation routière ougando-congolais, et pas des moindres, est sécuritaire, notamment sur l’axe Beni-Kasindi où des embuscades des rebelles ADF contre les véhicules des commerçants sont courants. Fin novembre 2021, Kinshasa et Kampala sont passés à la vitesse supérieure en lançant des opérations militaires conjointes contre ces rebelles ougandais et les milices congolaises qui écument les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri depuis quelques décennies.

Muhoozi Kainerugaba

Fort de la récente réouverture du poste frontalier entre le Rwanda et l’Ouganda, Muhoozi Kainerugaba a annoncé, mardi 8 mars 2022, sa retraite de l’UDPF, l’armée ougandaise dont il commandait notamment les forces terrestres. Une semaine plus tard, le 14 mars 2022, l’aîné des enfants Museveni retournait à Kigali (visite privée) où il a été accueilli à l’aéroport local par deux fonctionnaires du gouvernement rwandais, le général Willy Rwagasana (Garde Républicaine) et le colonel Ronald Rwivanga, porte-parole des RDF. Il s’est entretenu avec Paul Kagame des relations entre leurs deux pays, ont rapporté des médias, sans plus. Mais des observateurs notent que quelques jours après la réouverture du poste frontalier de Gatuna-Katuna, Kampala avait réaménagé ses services de renseignements militaires, limogeant le général de division Abel Kandiho, Chieftaincy of military intelligence (CMI), que Kigali accusait d’avoir torturé des Rwandais.

Les tweets du fils de Museveni qui fâchent en RDC

Depuis la montée en flèche de la crise dans l’Est de la RDC, notamment entre Kigali et Kinshasa, le commandant en chef de l’armée de terre ougandaise, le général Muhoozi Kainerugaba, qui, apprend-t-on, apparaît pourtant rarement en public, n’hésite pas de partager ses opinions sur Twitter, et cela, sur différents sujets sécuritaires saillants qui fâchent les esprits.

Tout d’abord, le 28 mai 2022, le fils aîné du président Yoweri Kaguta Museveni, a annoncé sur son compte Twitter, une opération conjointe avec le Rwanda en RDC dans les jours qui suivent, et ce, contre les Interahamwes qu’eux considèrent comme des miliciens rwandais, installés dans l’Est de la République démocratique du Congo depuis de nombreuses années.

« Tous les interahmwe doivent se rendre et se présenter immédiatement à l’unité UPDF ou RDF la plus proche. Nous allons gagner cette dernière opération. Nous avons décidé de l’appeler « Opération Rudahigwa », a-t-il déclaré, avant d’insister, dans un autre tweet accompagné de deux photos de lui avec le président Rwandais qu’il avait considéré désormais comme son oncle : « Je suis vraiment désolé pour tous ceux qui pensent qu’ils peuvent me vaincre militairement, moi et mon oncle. Ce sera un désastre pour eux. C’est la dernière fois que j’en reparlerai. Laissez-les venir, nous sommes plus que prêts ».

« Au cours des 22 dernières années, j’ai été à l’avant-garde de toutes les guerres dans lesquelles l’UPDF a été impliquée. Et nous avons gagné toutes ces guerres. Maintenant que l’UPDF et le RDF se sont réunis, je plains quiconque se dresse sur notre chemin. C’est la force la plus puissante d’Afrique », avait-il ajouté.

La décision du déploiement d’une force militaire régionale sur le territoire congolais n’a pas été favorablement accueillie par la classe socio-politique congolaise. Le mouvement citoyen LUCHA, a invité le président Tshisekedi à y renoncer sans atermoiements.

Ce mouvement estime qu’au moins trois sur sept Etats membres de l’EAC sont impliqués depuis plus de deux décennies dans l’agression et la déstabilisation de notre pays à travers des interventions directes de leurs armées ou, par procuration, à travers des groupes armés. A l’en croire, le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, et dans une moindre mesure le Soudan du Sud, font face à des rébellions ayant des bases-arrière dans l’est de la RDC, et régulièrement ils s’accusent entre eux de déstabilisation.

Même son de cloche du côté de la sénatrice, Francine Muyumba, membre du Front Commun pour le Congo qui a laissé entendre que le déploiement des troupes régionales (EAC) n’est pas une solution pour la paix mais c’est ouvrir grandement la porte à aux agresseurs déguisés en agents de paix.

« Les dirigeants congolais devraient retenir l’expérience du passé », a-t-elle rappelé avant d’inviter le gouvernement à doter l’armée des moyens nécessaires pour lui permettre d’assurer sa mission.

Carmel NDEO

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