Bukanga Lonzo gate : l’épée de Damoclès toujours sur la tête de Matata Ponyo

Matata Ponyo, principale cible du rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF) sur l’échec du projet du parc-agroindustriel de Bukanga Lonzo, est loin de se tirer d’affaire. Contrairement à l’information diffusée par les médias, le Sénat n’a pas encore tranché sur la levée ou non des immunités du sénateur Matata Ponyo, premier ministre pendant la période du lancement du Parc.

La demande de la justice, adressée à la Chambre haute du Parlement Congolais pour que ses immunités soient levées, est toujours en cours de traitement et il n’est pas question d’évoquer le rejet de la demande de la justice. La mise au point est faite ce samedi 15 mai par le Président de cette Chambre, Modeste Bahati Lukwebo. Ce dernier informe même que son bureau va écrire au Procureur Général près la Cour Constitutionnelle pour de plus amples détails.

« Nous étions devant une discussion, un débat juridique. Les uns disant qu’au moment des faits il était premier ministre, donc il est justiciable devant la Cour Constitutionnelle, et si tel est le cas, quelle est la procédure […] D’autres disent pour le moment, il n’est plus premier ministre. Que faire ? En tant que sénateur, il est justiciable devant la Cour de Cassation. Ne serait-il pas mieux que ce soit la Cour de Cassation ou le procureur général près la Cour de Cassation qui nous saisisse ? En plus, on a constaté qu’on nous écrit toutes les deux chambres à la fois, comme si nous étions en congrès », précise le speaker du Sénat.

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Et d’ajouter : « donc, le débat nous a amené à dire qu’on doit écrire au Procureur général près la Cour Constitutionnelle pour qu’il nous éclaire davantage. Mais les récupérateurs ont vite enflé, en disant qu’on a rejeté la demande de levée des immunités. Il n’en est pas le cas. Nous n’en sommes pas encore là. On n’est même pas encore arrivés à constituer la commission. Mais vous voyez la faute c’est les médias surtout quand ils sont manipulés ».

« Auteur intellectuel de la débacle de Bukanga-Lonzo »

Dans un rapport accablant publié exclusivement par POLITICO.CD, l’IGF relève plusieurs griefs à charge du sénateur et ancien Premier Ministre Augustin Matata Ponyo, dans la débâcle du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Au terme de ce rapport, Augustin Matata est désigné comme « l’auteur intellectuel de la débâcle de ce parc ». Et cela à travers la conception, la planification et les engagements pour paiement de plus de 83% de fonds décaissés directement au profit des comptes du partenaire sud-africain et de ses filiales logés en Afrique du Sud, ainsi qu’au profit de la société MIC Industries.
 
Ledit rapport pointe le Docteur Matata Ponyo également dans le choix du partenaire sud-africain Africom qui n’avait que trois ans d’existence au moment de la signature du contrat de gestion et de ses filiales. Et ce, en violation des procédures de passation des marchés publics, spécialement les articles 17 de la loi N°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics.
 
Les conclusions de l’IGF imputent au Premier Ministre honoraire le détournement constaté de 7.392.162.577 CDF, l’équivalent de 7.989.408,08 USD pour l’achat de Ultimate Building Machine pour le compte du parc, alors que ce paiement n’a pas été reconnu par Africom, qui passait toutes les commandes des équipements, matériels et intrants agricoles. Cet équipement n’a jamais été livré au Parc en considérant le compte-rendu de la réunion de service du 4 mai 2017, présidée par le Directeur Général de Parcagri, Ida Naserwa.
 
Il est aussi reproché au sénateur Matata, d’avoir initié et payé à la société Desticlox une somme de 510.883,84 USD au titre des frais de gestion, sans titre ni qualité dans le chef de ce dernier, car le prestataire qui avait signé le contrat de gestion avec l’État congolais est Africom. Un cas de détournement des fonds, conclut le rapport de l’IGF.
 
Un autre grief, c’est la complicité de détournement à travers les engagements et paiements des sommes au titre de libération du capital social au-delà du montant de la quotité due par l’État congolais dans les sociétés Parcagri SA, Separgri SA et Marikin SA. L’IGF accuse Augustin Matata de négligence coupable pour ne s’être pas rassuré des mécanismes prudentiels de garantie de bonne gestion par le partenaire. Ce qui a entraîné l’opacité dans la gestion par le partenaire sud-africain et la surfacturation des biens et services au point qu’Africom était le seul à déterminer les besoins en investissements, passait les commandes, fixait les prix et achetait les équipements, matériels et intrants, sans être mis en concurrence avec d’autres fournisseurs. Africom devenait ainsi juge et partie durant tout le cycle de vie du projet.
 
Enfin, le dernier reproche concerne aussi l’abstention coupable. Mais cette fois, c’est pour n’avoir pas mis en place des mécanismes minima pour garantir la surveillance dans l’utilisation des fonds décaissés par le Trésor public. Pour l’IGF, il aurait fallu mettre en place un service d’audit interne ou comité de suivi et de tenir la comptabilité sur place en RDC. Cette négligence a facilité la surfacturation.
 
Dans sa réponse insérée dans le rapport de l’IGF, le Premier Ministre honoraire insiste sur le fait que la Primature et le Chef du Gouvernement, n’étaient nullement impliqués dans la gestion des fonds du projet. C’est l’entreprise Africom qui, d’après Matata Ponyo, était seul responsable de l’exécution technique et financière du projet sur base du contrat dûment signé entre elle et les quatre membres du Gouvernement. La Primature n’en était pas signataire, insiste-t-il.
 
Par ailleurs, le rapport de l’IGF n’épingle pas que Matata Ponyo. Plusieurs autres noms sont cités, avec des détails sur la responsabilité de chacun d’eux dans ce document confidentiel auquel Politico.cd a eu accès. L’on y retrouve par exemple l’actuelle Députée Nationale Louise Munga, Ministre du Portefeuille à l’époque des faits; l’actuelle Sénatrice Ida Kamonji, Directrice Générale de Parc Agri à l’époque des faits; Matondo Mbungu, Directeur Général du Bureau Central de Coordination (BCECO); et biens d’autres noms qui seront dévoilés prochainement.

« Dénonciation calomnieuse » 

Alors qu’il se trouvait en Guinée-Conakry, Matata Ponyo avait annoncé écourter son séjour et rentrer à Kinshasa « pour répondre à l’invitation de la justice ». De retour au pays, Matata Ponyo réussit non seulement à stopper la procédure engagée contre lui, bien évidemment grâce au soutien de ses anciens sociétaires du FCC, mais aussi, il a en outre traduit en justice, le responsable de l’Inspection Générale des Finances et certains inspecteurs, qui le soupçonnent de détournement.

Pour Matata Ponyo, Jules Alingete a fait une « dénonciation calomnieuse ». A travers ses avocats conseils, l’ancien Premier Ministre a porté plainte ce vendredi 14 mai contre l’Inspecteur Chef de service de l’IGF. Dans sa saisine, il cite aussi Thierry Mutombo, Désiré Wangi et Dieudonné Tutondele, tous rédacteurs dudit rapport.

Maître Safari Mulume, l’un des avocats du sénateur Matata, a saisi le Procureur Général Près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe, au sujet des allégations contenues dans le rapport de l’IGF sur la gestion de Bukanga Lonzo. Il estime qu’il y avait dans l’intention des inspecteurs de l’IGF la volonté de nuire. Il relève par exemple qu’en lieu et place des échanges susceptibles d’offrir à la principale cible de ce rapport l’opportunité de présenter ses moyens de défense et d’en relever ses observations pour mieux rendre son rapport censé se rapprocher de la vérité, Jules Alingete a saisi le Procureur général près la Cour constitutionnelle, « pour que ce dernier obtienne la condamnation à des sanctions pénales du premier ministre honoraire, en le dénonçant de façon calomnieuse sur la base du rapport susmentionné truffé des contrevérités ».

Stéphie MUKINZI

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