Daech en RDC : par quel bout le prendre ?

L’administration Biden a décidé, jeudi 11 mars dernier, de compter les miliciens des Forces démocratiques alliées (ADF), responsables des massacres perpétrés à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), parmi les « groupes terroristes » affiliés au groupe État Islamique (EI). Une décision qui suscite beaucoup d’interrogations dans l’esprit des congolais. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Fallait-il qu’un diplomate meurt à l’Est, en l’occurrence l’Ambassadeur italien Luca Attanasio, pour que finalement ce que beaucoup dénonçaient depuis belle lurette soit finalement pris en compte ?

Le département d’État américain a désigné l’État islamique d’Irak et de Syrie comme étant ce groupe terroriste qui œuvre notamment en RDC et au Mozambique. En RDC, l’organisation ISIS-RDC (soit l’EI-RDC) œuvrant sous le nom de ADF, est dirigé par Seka Musa Baluku. En raison de ces désignations, le département d’État américain a annoncé le gel des avoirs de personnes désignées et a interdit aux ressortissants américains de « s’engager dans des transactions avec elles ».

Ces ADF, dans un rapport de 2018 du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), ont été désignés comme originaires de l’Inde. Le GEC avait rapporté que ses premiers membres appartenaient à la secte Tabligh, née dans une Inde sous domination britannique. « A sa création, explique le GEC, il s’agissait d’un mouvement conservateur (…) dont l’objectif était de raviver les valeurs et les pratiques de l’islam en mettant l’accent sur les activités missionnaires ».

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Sur le plateau de TV5 MONDE, Trésor Kibangula, journaliste et expert au sein du GEC, expliquait que « le mouvement se revendique comme islamique et s’est radicalisé après l’arrestation de Jamil Mukulu en 2015 en Tanzanie. Makulu était le leader des ADF. Il a été remplacé par Musa Baluku qui a été l’auteur des rapprochements entre ADF et groupe Etat islamique notamment pour essayer de renforcer son pouvoir qui était un peu contesté en interne. Il s’agissait de gagner en notoriété. Récemment, certaines attaques, même minimes des ADF, ont été revendiquées par l’EI. Mais on ne peut pas, pour autant, le comparer avec Boko Haram qui agit dans une zone majoritairement musulmane, contrairement à la zone d’action des ADF où les gens sont essentiellement animistes ou chrétiens ». Qu’à cela ne tienne, il est tout aussi important de relever que les ADF ont un mode opératoire asymétrique. L’on parle d’ailleurs de guerre asymétrique à l’Est. Ils procèdent notamment par des attaques à la machette.

Par quel bout le prendre ?

Face à cette situation, la RDC qui manque presque de tout, a besoin d’aide. “Je suis d’avis que le Gouvernement congolais doit être aidée, à ce stade ici par la communauté internationale parce que le terrorisme est une menace, non seulement pour les populations congolaises, mais aussi une menace pour l’Afrique, et même pour la communauté internationale. Il faudra donc qu’on prenne au sérieux cette menace”, a martelé Juvenal Munubo, député national et membre de la commission Défense et Sécurité à l’Assemblée Nationale.

Pour lui, la RDC peut attendre beaucoup des États-Unis « parce que c’est la plus grande puissance militaire au Monde ». Le Député estime que le Parlement doit se pencher sur une « bonne coopération, un bon accord de coopération dans la lutte contre le terrorisme ». L’appui dont parle Juvenal Munubo « peut-être un appui en renseignements, en technique de géolocalisation pour localiser la cache des ADF. C’est vrai qu’il y a des efforts qui ont déjà été menés par le Gouvernement congolais (les FARDC), mais notre armée nécessite un besoin de renforcement logistique et il faut placer les militaires dans de très bonne condition de vie et de travail ».

Les promesses américaines

L’Ambassadeur américain en poste à Kinshasa, Mike Hammer a annoncé le soutien de l’administration Biden au Gouvernement congolais pour combattre les groupes armés notamment les ADF, qui sont reconnus enfin par les États-Unis comme membres de l’Organisation État islamique. Pour Mike Hammer, l’appui de Joe Biden vise à mettre un terme aux violences “brutales” qui sévissent dans la partie Est de la République Démocratique du Congo.

Les États-Unis disent s’en tenir à “une coopération forte” avec les autorités congolaises, celles de pays frontaliers et de la communauté internationale, question de “mettre fin” aux activités économiques illégales et à l’exploitation des ressources naturelles qui attise le conflit. Mike Hammer souligne également le soutien des États-Unis à la MONUSCO : « une coopération forte est nécessaire au sein des autorités nationales et provinciales ainsi qu’avec les pays frontaliers et la communauté internationale, pour mettre fin aux activités économiques illégales et à l’exploitation des ressources naturelles qui attise les conflits. En outre, les États-Unis continueront d’appuyer les efforts de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation du Congo (MONUSCO) visant à protéger les civils, à renforcer les institutions nationales et à promouvoir la paix », a-t-il renchéri.

L’inquiétude de l’UE

Le parlement européen, de son côté, vient d’exprimer son « inquiétude » au sujet de la situation sécuritaire qui prévaut en RDC. Il recommande entre autre aux investisseurs internationaux, notamment la Chine, à « se conformer pleinement » au droit international sur l’exploitation des ressources naturelles en RDC.

Le Parlement européen « exprime sa profonde inquiétude au sujet de la situation de sécurité et humanitaire, en particulier la récente recrudescence du nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la RDC, qui continue de peser lourdement sur la population civile; rappelle sa vive préoccupation en ce qui concerne les activités militaires en cours de groupes armés étrangers et nationaux et le trafic de ressources naturelles en RDC; demande à tous les investisseurs internationaux, y compris la Chine, de se conformer pleinement au droit international, aux normes et aux bonnes pratiques en matière d’exploitation minière responsable », lit-on dans sa récente déclaration.

Ce qu’a demandé le conseil de sécurité à la MONUSCO

Le conseil de sécurité de l’ONU a demandé à la Mission onusienne pour la stabilité du Congo (MONUSCO) de « continuer à mettre pression » sur les ADF, a indiqué ce mercredi 17 mars sa nouvelle émissaire en RDC, Bintou Keita. Celle-ci soutient qu’il existe une « dichotomie » entre les services de renseignements congolais et ceux de la MONUSCO qui « appuie » la RDC.

« Nous sommes dans une dichotomie entre ce que le pays a aussi comme services des renseignements et ce que nous nous faisons pour appuyer le pays. J’ai déjà dit clairement qu’avec les ADF nous sommes dans une logique de travail de ce que le conseil de sécurité nous a demandé de continuer à mettre la pression sur les ADF », a-t-elle expliqué.

Stéphie MUKINZI (@Stéphie_MKZ)

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