En RDC, Pascal Mukuna entre scandale patriotique et éveil sexuel

« Kabila a souffert. Ce jeune homme a souffert, acclamez-le ». Cette phrase est bel et bien celle du pasteur Pascal Mukuna, qui harangue ses fidèles à Assemblée Chrétienne de Kinshasa (ACK). Nous sommes en 2018. Joseph Kabila affronte les opposants autour de la fameuse machine à voter, accusée alors d’être un outil lui permettant de truquer les élections à venir. Pascal Mukuna est l’un des rares pasteurs à soutenir le camp de Kabila. Il n’hésite même pas à s’attaquer à l’église catholique, meneuse de la lutte pour le départ de Kabila.

« Je suis parmi les fondateurs des églises de réveil. Je parle en cette qualité pour dire à [l’abbé Donatien] Nshole de fermer sa bouche. En plus, nous avons des protestants, des musulmans, des kimbanguistes… La CENCO ne peut pas s’approprier seule l’église. Nous n’en avons pas besoin. L’Église ne peut pas envoyer les gens mourir. S’ils ont besoin d’argent alors qu’ils demandent comme ils ont l’habitude de le faire. Il ne faut pas chercher de trouble« , dit-il dans une autre vidéo.

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Le fait est que des calcites de Kabila sont passés par là. Pascal Mukuna est populaire à Kinshasa. Il dirige également la très populaire équipe de football de Renaissance Football Club. Acculés, les kabilistes s’allient à cet « homme de Dieu » pour contre-balancer la pression des catholiques et de l’opposition. « Il est vrai que le pasteur a reçu de l’argent du pouvoir à cette époque et même durant la campagne électorale », affirme un défenseur des droits de l’homme à Kinshasa.

https://twitter.com/DesPopulo/status/1257182787951443968

Mukuna a, en effet, fait partie de l’équipe d’Emmanuel Ramazani Shadary, candidat du Front Commun pour le Congo (FCC), qui a perdu à la présidentielle de décembre 2018.

Éveil patriotique

Mais, la roue tourne vite au Congo. Félix Tshisekedi arrive au pouvoir à l’issue d’une élection tendue. Mukuna change de camp. Car, le pasteur est originaire de la même région que le nouveau président. Pascal Mukuna appelle désormais à faire partir Joseph Kabila. Évitant toutefois de fustiger Félix Tshisekedi, qui s’est allié à l’ancien président dans une coalition pour diriger le pays. « Joseph Kabila a détruit ce pays. Il faut le faire partir », appelle-t-il dans des diatribes diffusées à longueur de journées et, notamment, sur les réseaux sociaux.

Mukuna crée « l’Eveil Patriotique », chargé de la mission de chasser les Kabila. Son discours trouve échos auprès de ceux qui s’opposent à l’ancien président. Car, du point de vue de l’opposition congolaise, et même de la communauté internationale, Joseph Kabila continue de diriger le pays, caché derrière Félix Tshisekedi.

Mais, Mukuna n’a pas que la lutte patriotique comme objectif. « Son problème avec Kabila est financier. Il recevait des fonds qui n’arrivent plus depuis l’élection de Tshisekedi. En outre, il tient aussi à se rapprocher de Tshisekedi pour avoir des avantages », explique un proche de la coalition de Kabila.

Se protéger d’une spoliation

Mais, Mukuna veut aussi échapper à un dossier de spoliation qui pèse sur lui. En effet, dans une Interview accordée en septembre 2019, le ministre de la Jeunesse, Billy Kambale, a révélé que plusieurs sites réservés à la formation sont spoliés par des tiers. C’est le cas de la parcelle de l’église ACK du pasteur Mukuna.

« Nous avons des centres de réinsertion et de formation des jeunes. Je suis au regret d’annoncer que ces centres sont spoliés. À Bandalungwa, par exemple, le pasteur Mukuna a mis son église dans un centre de réinsertion professionnelle des jeunes. Nous lui demandons d’enlever son église et de trouver un autre endroit pour que l’État… », affirme-t-il.

Le ministre a fait savoir, en outre, que dans les prochains jours, il sera lancé un vaste programme de réhabilitation de ces centres pour permettre à plus de jeunes d’apprendre les métiers, annonçant par ailleurs des poursuites en justice, notamment contre le pasteur.

« Le rapprochement de Mukuna vers Tshisekedi s’est aussi fait dans le calcul d’échapper à des poursuites en conservant ainsi cette parcelle qu’il a acquise illégalement », ajoute notre source.

Entre deux cuisses, dans une « Jeep »

Mais, alors que le pasteur semblait bien parti pour se faire oublier, sa lutte endurcie contre Kabila a atteint le paroxysme ces dernières semaines. Mais, pas dans un aspect attendu. Le 07 mai 2020, à midi, Pascal Mukuna s’affiche aux côtés d’autres avocats anti-Kabilistes pour annoncer une plainte auprès… de la Cour Constitutionnelle ( !).

Dans sa plainte, Mukuna cite, entre autres, la tuerie des adeptes de la secte Bundu dia Kongo en 2008 au Kongo Central, la répression d’une marche pour réclamer les élections en 2018, l’assassinat des défenseurs de droits d’Armand Tungulu et Floribert Chebeya et la disparition de Fidèle Bazana.

« Je dénonce tous ces crimes auprès de votre office pour qu’une enquête soit ouverte et que M. Kabila réponde de ces crimes survenus sous son règne« , écrit M. Mukuna dans sa requête.

Problème, le soudain sursaut patriotique de Mukuna se heurte à un scandale. Quelques jours auparavant, il est filmé entre deux cuisses, dans un véhicule, sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux en plein acte sexuel. D’autres audios sont diffusés par la suite. Ceux de la présumée femme avait qui le pasteur s’adonnait dans son véhicule. Cette dernière charge Pascal Mukuna de l’avoir prise par force, après l’avoir fait chanter, dans un sombre dossier de biens immobiliers ; mais également une aventure à faire douter la foi.

Au lendemain de la plainte de Mukuna, la dame. répondant au nom de Mamie Tshibola, porte plainte également contre le pasteur. Dans un document. dont une copie est parvenue à POLITICO.CD, elle raconte son calvaire. « Il m’a menacée de mort, arme à la main, en m’obligeant de me dédire par vidéo surtout sur ce que je connais sur lui », explique la dame, demandant protection « car ses hommes de mains » seraient à sa trousse.

https://twitter.com/jacksonmukunda/status/1258310596468117504

Par ailleurs, une jeune sœur de Mme Tshibola est également intervenue dans des émissions vidéos diffusées sur internet, accusant le pasteur Mukuna d’avoir eu des rapports sexuels forcés avec elle.

La justice congolaise est doublement saisie. Toutefois, si elle peut se pencher librement de la plainte contre le pasteur, celle contre Joseph Kabila risque de tomber caduque. En effet, il y a la loi Mutinga. Promulguée en 2018, elle accorde une immunité qualifiée aux anciens Chefs d’État comme Joseph Kabila, ainsi qu’aux leaders des corps constitués, notamment les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Retrouvez bientôt l’intégralité du témoignage de Mme Tshibola sur POLITICO.CD.

5 comments
  1. Pasteur Mukuna n’a jusqu’à présent pas encore parlé de parodie d’élections qu’ils organisées sous régime Kabila dont les publications étaient faites avant les dépouillements des résultats.

  2. Restons focus, chers compatriotes! Comment peut-on mettre au même niveau les faits que le pasteur Mukuna présente contre l’ancien président de la République et les affaires privées du pasteur? Soyons efficaces, ne nous laissons pas distraire par des faits qui ne sont pas d’intérêt national. « Toboma nzinzi, kasi na marteau te, mpamba te tokobebisa mesa oyo eza ya motuya koleka! »

  3. Mais comment peut-on ne pas nous pencher sur un dossier où sont évoqués des cas de spoliation des deniers publics!? Nous, Congolais, devons nous remettre en question. Tenez, ques des entreprises publiques soient des canards boîteux (chômage, impaiement des salariés, etc.) mais que des entreprises « privées » du même secteur puissent prospérer en parallèle (évasion fiscale, exploitation abusive de la main-d’oeuvre congolaise, etc.), avec la bénédiction évidente des officiels (vérifions l’actionariat de ces entreprises) ! Et comment les Congolais peuvent-ils fermer les yeux sur cela pendant qu’eux-mêmes souffrent et ne savent même pas de quoi sera fait leur avenir? Pourtant on parle d’un pays qui est un scandal géologique! Soyons sérieux chers compatriotes. La vie privée du pasteur Mukuna ne nous intéresse pas. Mais les biens publics qui nous appartiennent à tous, oui ils nous intéressent. Rachetons le temps et clarifions ces affaires d’Etat!

  4. Chers compatriotes, soyons sérieux et évitons des penchants, les deux jeunes filles qui témoignent de la violation sexuelle étaient oú avant la plainte du pasteur?

    Posons-nous la question de savoir pourquoi ces deux jeunes filles ont gardé si longtemps le secret de l´acte sexuel? soyons sérieux avec cette attitude, le Congo n´avancera jamais. Oui certainement elles ont droit de saisir la justice pour la violation sexuelle mais pas à ce moment.

    En gardant ce mistère elles avaient peur de qui? tandisque les tribunaux etaient ouvert
    .

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