La marche boiteuse de Célestin Tunda sur le chemin de la justice en RDC

« Les détourneurs, les voleurs et les fraudeurs n’ont pas de place à la cité. Leurs places, c’est en prison. Et nous devons les aider à rejoindre le lieu où ils doivent être ». C’est en ces termes que ce cacique du PPRD entre en fonctions le 09 septembre 2019, jour de remises et reprises entre le gouvernement sortant de Tshibala et le tout premier de l’ère Tshisekedi, conduit par Sylvestre Ilunga Ilunkamba.

Célestin Tunda Ya Kasende vient de remplacer à la tête de ce ministère tant disputé entre nouveaux alliés FCC-CACH, un certain Alexis Thambwe Mwamba, qui venait d’utiliser la justice congolaise comme cet instrument pour éliminer « systématiquement et poliment  » les opposants à Joseph Kabila : Moïse Katumbi, Jean-Claude Muyambo, Eugène Diomi Ndongala, Franck Diongo,… en savent quelque chose.

Par ses propos, le nouveau patron du ministère de la justice venait de donner un peu de tonus à l’état de droit prôné par le successeur de son autorité morale Joseph Kabila, Félix Tshisekedi. Après près d’une année d’exercice, entre les propos prononcés et la marche adoptée par Célestin Tunda Ya Kasende, il y a des écarts. Le fossé est visible.

Publicité

100 jours

Les chantiers initiés dans le cadre du programme d’urgence des 100 jours de Félix Tshisekedi piétinent. Les embouteillages causés par les travaux de sauts-de-mouton font gronder la population. Des soupçons de détournement des fonds grandissent. Le gouvernement arrête l’ouverture des enquêtes sur l’utilisation des fonds publics dans ces travaux dont la plupart sont à l’arrêt.

Des ingénieurs aux maçons, en passant par le visage même de ce programme d’urgence Vital Kamerhe, un autre acteur entre en scène dans le programme d’urgence des 100 jours : le Vice-premier ministre, ministre de la justice Célestin Tunda Ya Kasende.

Le 13 février, il descend sur les chantiers des travaux de sauts-de-mouton. Du Rond-point Socimat, en passant par le Rond-point Mandela, Assanef, jusqu’à Debonhomme, Célestin Tunda fait le tour de Kinshasa pour lier les rapports sur son bureau à la réalité sur terrain, afin d’assurer l’efficacité des enquêtes en cours.

Et d’ajouter, « si ces enquêtes judiciaires n’allaient pas aboutir, je n’aurais pas effectué cette visite. Si je suis là, c’est pour voir la réalité des faits afin de suivre le dossier de près afin que tout soit traité et examiné avec objectivité auprès des magistrats« .

L’épreuve

Encore une déclaration pour rassurer les sceptiques qui, peut-être, avaient raison dans une certaine mesure, de rester sceptiques.

Mais le jour où le Vice-premier ministre, ministre de la justice devrait lier sa parole à l’acte, allait finalement arriver. Les enquêtes lancées ont abouti à des interpellations en cascade tant des politiciens que des chefs d’entreprise qui seront détenus à la prison centrale de Makala.

« On ne peut pas accorder la liberté provisoire aux personnes qui sont détenues dans le cadre des enquêtes sur l’exécution des travaux du programme d’urgence de 100 jours du Chef de l’Etat. Je n’interfère pas dans le dossier. Mais, étant donné que la loi prévoit que les magistrats du Parquet soient sous l’autorité du ministre de la Justice, je suis jaloux de ces dispositions. Je voudrais avoir tous les éléments de différents dossiers pour que nous puissions regarder dans la même direction, les magistrats et moi‘ » garantit Me Célestin Tunda ya Kasende.

Un peu plus tard, POLITICO.CD se procure une correspondance du VPM adressée aux procureurs de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe et de la Cour d’appel de Kinshasa/Matete sollicitant la liberté provisoire de Sammil Jammal, le gérant des sociétés SAMIBO et Husmal qui ont gagné le marché des maisons préfabriquées. Pourtant, cette liberté provisoire sollicitée par les avocats du concerné, les juges en charge du dossier l’ont rejetée plus d’une fois.

Ingérence

En pleines instructions des dossiers sur les travaux des 100 jours, le Vice-premier ministre, ministre de la justice initie des visites dans des prisons et établissements judiciaires. Le président du conseil supérieur de la magistrature, Bénoît Lwamba Bindu, y voit un moyen subtil pour Célestin Tunda d’influencer la justice et lui en fait savoir par une correspondance dans laquelle il lui rappelle l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir politique.

Célestin Tunda se défend en ses termes, d’une telle intention que contiendrait sa correspondance. Sa démarche ne serait qu’administrative pour optimiser le travail de la justice congolaise. Mais, la tentation sera grande quand la justice se met derrière un enfant du FCC, la famille politique du ministre, le DG de l’OGEFREM Patient Sayiba, soupçonné d’avoir détourné 20 millions de dollars.

En effet, dans une correspondance adressée au procureur général le 17 avril 2020, le ministre invite le parquet près la Cour de cassation au respect de la loi quant à la qualité des justiciables devant comparaître devant elle.

Justice sélective

Le procureur général Victor Mumba, n’est pas passé à côté du message lui adressé et dénonce l’attitude du Vice-premier ministre qui ne demande ni plus ni moins que l’arrêt des poursuites judiciaires contre son camarade.

« Je note pour ma part que le mandat d’amener peut être décerné par l’officier du ministère public à la demande d’un officier de la police judiciaire menant une enquête préliminaire contre un justiciable qui refuse de répondre à ses invitations, force devant rester à la loi. L’accusé (Patient Sayiba) n’ayant pas répondu à ses convocations, l’officier de police judiciaire a sollicité et obtenu par deux fois les mandats de comparution qui ont été remis à l’intéressé. En dépit de cela, faisant preuve de mauvaise foi manifeste, ce dernier a même demandé à l’officier de police judiciaire enquêteur de se déplacer pour l’auditionner à son bureau ou à défaut lui envoyer un questionnaire« , écrit Victor Mumba au VPM.

Si à l’ère Tshisekedi Célestin Tunda Ya Kasende ne peut instrumentaliser la justice comme Alexis Thambwe Mwamba à l’ère Kabila, il développe une démarche tant contradictoire que sélective depuis son accès à la tête du ministère. Du zigzag pour garantir l’état de droit en RDC. Les contradictions sont doublées des injonctions aux juridictions pour sélectionner les dossiers sur lesquels elles doivent tabler et auxquels elles ne doivent pas toucher.

Recevez l'actualité directement dans votre email

En appuyant sur le bouton S'abonner, vous confirmez que vous avez lu et accepté notre Politique de confidentialité et notre Conditions d'utilisation
Publicité

En savoir plus sur Politico.cd

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading