Du confinement total, Kinshasa échappe aux émeutes et pillages

Les mesures de confinement total, annoncées jeudi 26 mars 2020 par le gouverneur de la ville-province de Kinshasa, étaient aux conséquences incalculables. Des scènes de pillages ont été concoctées par des jeunes « délinquants » appelés « Kuluna » et les déclarations de certains agents de l’ordre dans la journée du vendredi 27 mars 2020 promettant d’administrer des gestes punitifs à l’endroit de la population, en disent long. Heureusement que le report est intervenu avant le pire.

« Nous décrétons des mesures de confinement total pendant trois semaines avec intermittence. Pendant quatre jours, à dater du samedi 28 mars, cette mesure entrera en vigueur « , annonçait Geantiny Ngobila, gouverneur de Kinshasa. Ces dispositions étaient interprétées diversement au sein de la population. Quelques personnalités ont salué cette décision, estimant qu’il en va de l’intérêt de tout le monde. Elles ont appelé au respect strict de cette dernière, endéans quatre jours.

Mais, pour d’autres, le contexte n’est pas favorable à l’application de telles mesures.
« Plus de 90% des Kinois vivent au taux du jour. Leur demander de rester chez eux quatre jours durant, c’est les précipiter à la mort avant même le Coronavirus « , indiquait Martin Mbwebwe, membre de la société civile. Mais, l’engouement observé vendredi toute la journée, aux endroits où sont vendus les vivres de première nécessité, a donné raison à ceux qui étaient contre le confinement total. Les denrées ont doublé de prix, d’autres ont triplé. Cependant, il n’y a que ceux qui ont des moyens qui se sont approvisionnés.

Les fonctionnaires de l’État et la majorité de la population, qui vivent de la débrouillardise, n’étaient pas en mesure de faire face à cette disposition improvisée. « Imaginez-vous ce qui peut se produire les deux jours programmés pour l’approvisionnement« , regrette Claudia Moyo, fonctionnaire de l’État au ministère du Travail et Prévoyance sociale. « Les deux jours programmés pour l’approvisionnement étaient une occasion favorable de propager vertigineusement le Covid-19 « , a-t-elle poursuivi.

Protestations

A la Tshangu, une bonne partie de la population s’est improvisée. vendredi 27 mars de 18h à 20h, longeant le boulevard Lumumba jusqu’à Kingasani, scandant des cris « Lobi biso tokobima (demain nous nous sortirons), réagissant à la décision de l’autorité urbaine appelant à un confinement total de quatre jours dans la capitale.
Des jeunes « délinquants » se sont invités à cette marche improvisée et alertaient sur des actes de sabotage et des pillages durant le confinement total. Un des leurs, qui a refusé de parler au micro de politico.cd, ruminait sur un complot mijoté pour lancer des opérations dans des boutiques et alimentations bien ciblées à travers certaines communes.

Déjà à 21h dans la commune de Barumbu, sur l’avenue Songololo, des Kuluna se sont livrés à l’extorsion, protestant contre le report du confinement total. Au passage dans le quartier, ils ont ravi des biens des passants, invectivant les autorités du pays. Oui, le regret de ces jeunes prouve à suffisance leur volonté manifeste de piller dans les coins ciblés.

Les mêmes scènes étaient enregistrées sur les avenues Luapula et Croix-Rouge dans la commune de Kinshasa vers 20h. Des paisibles citoyens ont regretté la perte de leurs biens, d’autres se tordaient de douleurs suite aux coups des machettes.
Les mêmes spectacles ont eu lieu sur l’avenue Basoko, dans les communes de Gombe et Barumbu. Deux sentiments se dégageaient à l’annonce du report de confinement total.

La population jubilait et procédait à des scènes de liesse, poussant ainsi un ouf de soulagement à ce qui paraissait comme une pilule amère à boire.
À l’opposé, ce sont des jeunes en rupture sociale qui tenaient à ce que les mesures de Geantiny soient appliquées à la lettre. Et pour cause?

Contre Félix

Commentant cette décision de l’Hôtel de ville, un analyste conclut que le gouverneur n’avait pas informé les autorités du pays avant de décréter cette disposition.
Le même analyste pense que le numéro 01 de la ville confond la province-capitale avec les provinces de l’intérieur. Mais, pour Rock Ngeloni, Congolais vivant en France, cette décision de Ngobila est sortie du laboratoire FCC pour mettre Félix Tshisekedi en difficulté avec les Kinois. « C’est une position bien mûrie au FCC pour stopper la popularité du Chef de l’État qui monte crescendo après l’isolement de Kinshasa et l’état d’urgence, des dispositions saluées même pas les opposants« , a-t-il ajouté.

Le report de la mesure de confinement est salutaire pour la population qui s’apprêtait à vivre le pire, incapable de tenir durant quatre jours. Ceux qui travaillent ne sont pas encore payés et la majorité vit de l’informel. « Il faut que cette femme vendeuse des pains, des braises, de farine expose ses articles évolués à 20 ou 30 mille francs pour trouver quotidiennement de quoi nourrir sa famille« , rappelle Maria Ngondo, couturière sur l’avenue Itaga, dans la commune de Lingwala.

L’histoire antique renseigne que, durant la grande famine en Israël au temps du roi Salomon, les gens commençaient à manger progressivement leurs enfants.
Ceci appelle à une concertation au plus haut niveau avant de prendre toute mesure, si non on serait accusé de manque de stratégies de gestion de crise. Kinshasa vient ainsi d’échapper de justesse au soulèvement populaire et aux pillages. Que ceci soit une leçon.

Édouard Bajika

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