RDC: Qui est le Général Delphin Kahimbi, suspendu par Félix Tshisekedi?

Le général Delphin Kahimbi a été suspendu de ses fonctions, affirment plusieurs sources à Kinshasa. Ce puissant général des Forces Armées de la RDC (FARDC), Chef des renseignements militaires, est un très proche de l’ancien président Joseph Kabila. Il sera entendu par le Conseil national de sécurité (CNS) ce vendredi 28 février 2020. Ça sera pour lui, une troisième journée d’audition sur des actes qui restent inconnus du public, rapporte le porte parole des FARDC.

« Une action administrative et judiciaire a été lancée à l’endroit du général afin de s’expliquer sur ses actes, » annonce le Selon le porte-parole des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Ce dernier souligne que cette affaire ne doit souffrir d’aucune ingérence ou gesticulation extérieure.

Le motif de sa suspension reste encore confus. A Kinshasa, des sources rapportent à POLITICO.CD qu’il aurait effectué d’un voyage non autorisé en Afrique du Sud pour acheter « des moyens d’écoute ». D’autres informations en notre possession font état de son remplacement par le Général Mandiangu, un ancien du renseignement militaire. Sa suspension réjouit rapidement les Etats-Unis, plusieurs officiels américains, dont l’Ambassadeur américain en poste en RDC, ont exprimé la satisfaction de Washington après cette suspension.

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Un pilier du système Kabila

Peu de renseignements sont disponibles au sujet du parcours de cet homme qui est devenu une pièce maîtresse de la DEMIAP, l’agence de Renseignements militaires en RDC. Il fait surface en 2006 dans l’Est du pays, où il est commandant adjoint de la 8ème Région militaire. En 2008, il passe commandant en second de l’armée congolaise dans le Nord-Kivu et à la tête du commandement opérationnel des zones de Kiwanja and Rutshuru, où il dirige les opérations contre le groupe rebelle Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).

Human Rights Watch l’accuse alors de faire preuve d’une hostilité considérable à l’égard des troupes de maintien de la paix de l’ONU. « Il a sciemment exposé les Casques bleus et les civils rassemblés près de leurs camps au risque d’être piégés dans des tirs croisés. Entre autres actions entravant la coopération avec les Casques bleus, Kahimbi semble avoir joué un rôle dans l’incitation de manifestations anti-Casques bleus« , accuse Human Rights Watch dans un rapport.

Le général Kahimbi disparaît des radars pour réapparaître en 2014, dans des nouvelles fonctions de coordinateur du processus de pré-désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants. Mais c’est plus récemment, en tant que chef des renseignements militaires, que Delphin Kahimbi se fait griller par les radars internationaux. Il est accusé d’être a été impliqué dans des arrestations arbitraires, des détentions et des mauvais traitements à Kinshasa, entre autres dans le contexte de la répression des partis d’opposition.

Norbert Luyeye, président du parti d’opposition Union des Républicains (UR), affirme avoir a été arrêté chez lui, avec six autres personnes, le 7 août 2016. Le 4 août, au siège de son parti, Luyeye avait déclaré qu’il se produirait un vide juridique « si la Commission électorale nationale indépendante (CENI) échouait à convoquer des élections en septembre« . Il avait appelé à se rassembler le 4 septembre, dans le quartier Ndjili de Kinshasa, pour préparer les manifestations du 19 septembre.

Cubain Tshimbalanga, un membre du parti d’opposition Solidarité congolaise pour la démocratie (SCODE), affirme de son côté à Human Rights Watch qu’il a été arrêté à Kinshasa le 26 septembre et détenu au quartier général des renseignements militaires de Kinshasa sur ordres du Général Kahimbi. « Il a été passé à tabac avant d’être libéré début octobre. Pendant sa détention, il n’a été ni inculpé, ni autorisé à rencontrer ses proches ou ses avocats« , explique toujours l’organisation Human Rights Watch.

Martin Fayulu, candidat malheureux à la dernière présidence en RDC et président du parti Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECIDE), a également été détenu pendant plusieurs heures au Q.G. des renseignements militaires de Kinshasa le 14 février 2016, et un certain nombre de ses biens ont été saisis.

Des faits d’armes qui lui vaudront finalement des sanctions sur le plan international. Le 12 décembre 2016, l’Union européenne annoncé des sanctions ciblées à l’encontre de neuf hauts responsables congolais qui, selon l’UE, ont joué un rôle clé dans la répression au cours des deux dernières années. Parmi eux, le Général Delphin Kahimbi. Les sanctions de l’UE comportent des interdictions de voyager à l’étranger et un gel des avoirs financiers. L’UE accuse par ailleurs ces personnalités, et donc le Général Kahimbi, de faire « obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en RDC, notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’état de droit »

Le général Kahimbi continuera pourtant à jouer un rôle important en RDC. Il est notamment dans la délégation qui se rend à Kigali après la publication des résultats annonçant la victoire de Félix Tshisekedi à la Présidentielle, mais contestée notamment par Paul Kagame, alors président en exercice de l’Union Afrique. A son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi le conserve à son poste dans une nouvelle mise en place au sein de l’armée.

Les Etats-Unis font pression depuis plusieurs mois sur le président Félix Tshisekedi pour qu’il prenne des sanctions vis-à-vis d’anciens collaborateurs de Joseph Kabila. « Comme nous l’avons déclaré constamment, ceux qui sont corrompus, commettent des violations des droits de l’homme ou qui perturbent le processus démocratique doivent être tenus pour responsables« , a réagi l’Ambassadeur américain à Kinshasa, Mike Hammer, au sujet de la suspension du général congolais. De son côté, Peter Pham, Envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, s’est également félicité de cette décision.

Des cadres de la coalition de Joseph Kabila ont dénoncé cette décision, mais également l’attitude des officiels américains. Mais officiellement, aucune réaction n’est alors enregistrée.

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