Moustiquaires en RDC : sauver des vies ou pas ?

Ce n’est plus un fait surprenant d’apprendre que le paludisme est la maladie responsable du taux de mortalité le plus haut à travers le continent Africain. Plus de 45 pays sont confrontés par cette pandémie, mais le cas de la République Démocratique du Congo (RDC) est particulièrement inquiétant.

Avec une population qui dépasse 85 million et une superficie de 2.345 million km², la lutte contre le paludisme est une affaire gigantesque. Selon les chiffres de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) en 2017, la sous-région de l’Afrique Centrale compte 45 millions de cas d’infection, dont 92 300 décès. La RDC représente environ 55% de cette population, et la pandémie coûte au pays une moyenne annuelle de 1,3% de croissance du PIB.

Alors, toutes diligences et préventions sont vitales à mettre en place. La campagne de distribution en masse des MIILDA (Moustiquaire Imprégnée à longue durée d’action), menée par l’OMS et ses partenaires ça fait trois ans, a atteint une couverture de plus de 70% de la population du pays.

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Pendant que nous saluons ces efforts, nous ne pouvons pas ignorer une problématique qui devient de plus en plus flagrante. Les MIILDA disponibles actuellement dans le marché de la RDC ne sont pas toutes conformes, les dosages sur ces moustiquaires imprégnées ne répondent pas toujours aux normes, et les citoyens continuent à les utiliser au-delà du délai de leur efficacité.

Une petite récapitulation historique des MIILDA nous permet à mieux analyser les défis d’aujourd’hui. En premier lieu, la moustiquaire a été introduite en RDC comme barrière aux piqûres des anophèles. Puis, l’utilisation des insecticides est arrivée avec la méthode de ré-imprégnation, suivie par des moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action, ce que nous appelons les MIILDA.

Mettons les MIILDA à côté un petit moment. Le pays fait déjà face à un énorme challenge qui est la résistance aux insecticides soit par le fait de la mauvaise utilisation par le ménage en passant par le non-respect de cycle de renouvellement de la moustiquaire imprégnée, mais aussi, et surtout, la présence et la distribution des moustiquaires avec des insecticides sous dosées, ou des moustiquaires carrément non imprégnées, qui circulent dans le secteur publique comme privé.

Au-delà de cela, le contrôle par le régulateur est quasi inexistant par manque d’expertise et
d’équipement de contrôle adéquat sur les spécifications de la moustiquaire. C’est ainsi que
beaucoup de fausses moustiquaires se glissent sur le marché.

Il faut signaler aussi que la surveillance entomologique se fait, mais les informations ne sont pas suffisantes vu la superficie et l’état des infrastructures de la RDC car elle cible très peu de sites sentinelles. De même, des études menées par des chercheurs non-étatiques sont multiples mais ne renseignent pas toutes sur les données minimales entomologiques pour permettre au pays de redéfinir des stratégies et les mettre à jour.

Le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) continue à encourager les Congolais à utiliser les moustiquaires à imprégnation durable qui sont conçues pour éliminer efficacement les moustiques porteurs du parasite du paludisme pendant au moins trois ans, protégeant ainsi l’individu, la famille, le ménage et la communauté.

Les mythes urbains doivent être combattus aussi. Dans certains milieux de distribution de MIILDA non-conformes, on avance que les moustiquaires imprégnées à longue durée d’action contiennent des insecticides dangereux pour la santé d’une femme enceinte, ainsi que son bébé, une rumeur et mauvaise piste qui malheureusement induit certains mères et futures-mères Congolaises à acheter et dormir sous des moustiquaires non-conformes. Il est donc recommandé aux femmes enceintes de dormir sous une moustiquaire imprégnée
d’insecticide. Cette précaution a un effet bénéfique sur leurs santés, ainsi que sur celle du fœtus et du nouveau-né.

La sensibilisation, ainsi que le renforcement des capacités de surveillance des moustiquaires en RDC, devraient être au coeur de tout mécanisme de lutte contre la pandémie du paludisme vu la très haute vulnérabilité des femmes enceintes et celle des nouveau-nées.

En bref, les moustiquaires non imprégnées, fausses ou à dosage non-conforme, restent un casse-tête d’ordre suprême pour la santé publique en RDC. Le pays a besoin d’orientations claires pour faire face à cette réalité. Pendant ce temps, les MIILDA conformes et authentifiées restent une barrière essentielle dans la lutte multilatérale, prévention et protection des populations contre le paludisme.

Article par:

Dr Patrick Bahizi est un expert de lutte contre le paludisme en RDC. Il est spécialiste de gestion des situations d’urgence sanitaire, ayant mené des missions de coordination dans plusieurs provinces et zones rurales dans l’intérieure du pays.

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