Les jours avancent et le processus électoral en République démocratique du Congo continue de livrer ses secrets remettant progressivement en cause la crédibilité du scrutin attendu au 30 décembre. Ce matin, après des fortes rumeurs, la Commission électorale a fini par annoncer sa décision: Beni, Butembo et Yumbi, soit pas moins de 1,2 millions d’électeurs (3% du suffrage) ne voteront qu’en mars 2019.
En sommes, Corneille Nangaa y met un peu de malice. Car en réalité, le président de la CENI a pris le soin de programmer la prestation de serment du futur président autour du 18 janvier 2019. En d’autres termes, Beni, Butembo et Yumbi, heureuse victime, ne voteront pas le prochain Président congolais.
Deux villes en colères
La Commission électorale évoque bel et bien le risque sanitaire. Une violente épidémie du virus ebola touche les deux villes de l’Est du pays. Une raison solide, d’autant plus que le monde a vu le Maroc annuler toute une coupe d’Afrique de football, craignant le même virus. Mais au Congo, les deux villes victimes ont étrangement quelque chose en commun: elles sont très en colère contre Kinshasa.
Une veritable ambiance d'attente de l'hon Fayulu a butembo pic.twitter.com/8nfYkh1qAQ
— Ir patrick nongo (@IrNongo) December 6, 2018
Butembo, située à peine 52 kilomètres au nord de Beni, partage avec sa grande soeur la particularité de se retrouver dans la même région meurtrie par des violences depuis 2014. Pas plus tard qu’en octobre dernier, les populations de Butembo étaient descendues dans les rues pour protester contre les tueries des civils par des présumés combattants ADF. En septembre, c’est un mouvement très populaire, le Véranda Mutsanga, qui a appelé la population à rester à domicile et à sécher toutes les activités, afin de manifester sa colère face aux massacres à répétition des civils à Beni.
Séchées par Shadary, elles adulent Fayulu
#RDC 18h à #BENI. @MartinFayulu arrivent bientôt sur lieu du meeting où il va lancer sa campagne électorale. Suivez tous les évènements à travers ce live de nos équipes sur place. pic.twitter.com/Yu7POnYwEh
— POLITICO.CD (@politicocd) December 5, 2018
Le 5 et le 6 décembre dernier, les deux villes avaient déclaré leur flamme à un nouvel héros, Martin Fayulu, candidat de la coalition LAMUKA, composée notamment de Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, deux farouches opposants à Joseph Kabila. Comme un symbole, le candidat du pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary n’y mettra même pas le pied durant la campagne électorale.
Et si la Commission électorale continue de clamer une décision logique que politique, il y a le ministre congolais de la Santé, Orly Ilunga qui contredit un peu Corneille Nangaa. “La maladie à virus Ebola ne va pas interférer dans le déroulement des élections”, rassurait le ministre Ilunga le 5 décembre à Goma. Une position qui a bien évolué aujourd’hui, mais qui met en lumière le caractère très discutable de la décision de la CENI.
#RDC A Beni, @MartinFayulu est systématiquement pris en sandwich par ses partisans au pied de l'avion. pic.twitter.com/1Bp1WXbzWi
— POLITICO.CD (@politicocd) December 5, 2018
Trop rebelles, trop hostiles, et surtout trop malades, Beni et Butembo ne voteront donc pas le nouveau président, dans un processus qui est de plus en plus contesté. L’issue de ces élections, alors que beaucoup à Butembo, à Beni ou même encore à Goma et à Kinshasa comptent bien protester contre cette décision, paraît de moins à moins certaine.