RDC: quitter le pouvoir et garder le pouvoir, le plan de Kabila

Lois au parlement, création d’une large coalition, nominations dans l’armée, des annonces à venir, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, prépare son avenir.

Le mois de juillet 2018 devrait définitivement éclaircir  l’épais brouillard qui plane sur la scène politique congolaise. Le 24 juillet 2018, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) devrait logiquement annoncer l’ouverture officielle des opérations de dépôts des candidatures pour la prochaine Présidentielle. Une opération censée prendre fin le 8 août 2018.

Entre-temps, tous les état-majors et camps politiques s’activent. Le Mouvement de Libération du Congo (MLC), ragaillardi par le retour-surprise de son leader, Jean-Pierre Bemba, a officiellement désigné ce dernier comme candidat à la prochaine élection présidentielle. C’était la semaine dernière, à l’issue du Congrès du MLC tenu à l’Ouest de Kinshasa. Dans la foulée, le leader incontournable du MLC avait annoncé, par ligne téléphonique, son grand retour dans la capitale congolaise. De l’autre côté, les partisans de Moïse Katumbi, l’autre opposant farouche du Pouvoir de Kinshasa actuellement en exil, annoncent le retour de leur leader au pays pour déposer sa candidature à la présidentielle. L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), l’Union pour la nation congolaise (UNC) et plusieurs autres partis politiques ne sont pas en reste.

Cependant, il se passe également des choses du côté du pouvoir. Alors que des partisans du président Joseph Kabila concoctaient ce dernier temps sa probable candidature à présidentielle du 23 décembre prochain, ces derniers doivent rêver autrement. Selon des informations concordantes, le Président congolais devrait finalement se résoudre à quitter le pouvoir.

C’est du côté du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, que l’information a fuité officiellement. A en croire le Patron de l’ONU, Joseph Kabila va annoncer prochainement des « décisions importantes », expliquant ainsi pourquoi sa visite prévue récemment en République démocratique du Congo avait été repoussée.

« La raison qui nous a été donnée pour le report… était que le Président allait annoncer très bientôt, une série de décisions importantes et qu’il ne voulait pas donner l’impression qu’il les prenait sous la pression internationale », avait affirmé M. Guterres. « Non seulement notre visite, mais également d’autres ont été repoussées », a-t-il ajouté.

En effet, la visite conjointe du numéro 1 de l’Onu et du Président de la Commission de l’Union africaine, Mahamat Moussa Faki, y compris celle de l’Ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, ont été annulées sans justification préalable.

Du côté du pouvoir, on laisse entendre par ailleurs que, le 20 juillet prochain, le président Kabila pourrait annoncer le nom de son successeur au sein de la coalition au pouvoir. Une coalition désormais regroupée au sein du Front Commun pour le Congo (FCC), plateforme créée au début du mois de juillet, avec d’anciens opposants qui ont intégré le gouvernement, en application de l’accord du 31 décembre 2016.

Quitter le pouvoir et rester au pouvoir

Par ailleurs, d’autres signaux laissent croire que Kabila se préparerait à quitter le pouvoir, mais voudrait toutefois, garder la main-mise sur la gestion de la respublica. Ainsi, la nuit dernière, plusieurs nominations ont été annoncées au sein de l’armée nationale où des proches de Joseph Kabila ont été renforcés dans leurs positions.

On note notamment que, le lieutenant-général Célestin Mbala remplace à l’état-major général des Forces armées de la RDC (Fardc) le général Didier Etumba, admis en retraite et nommé conseiller militaire du chef de l’État, d’après des ordonnances d’avancement en grade signées samedi et lues dimanche à la télévision publique.

Le général-major Gabriel Amisi, jusque-là commandant des Forces armées pour la première zone de défense (qui inclut Kinshasa) est promu chef d’état-major adjoint chargé des opérations et du renseignement pour ainsi devenir le numéro 2 de l’armée. Le président Kabila a aussi nommé le général John Numbi, ancien chef de la police nationale, au poste d’inspecteur général des Fardc.

Les généraux Amisi et Numbi avaient été placés sur une liste noire américaine, les deux officiers étant soupçonnés par Washington de s’être « engagés dans des actions qui ont sapé le processus démocratique en RDC et réprimé les libertés et droits politiques du peuple congolais ».

Ancien rebelle pendant la 2e guerre du Congo (1998-2003), le général Amisi avait été suspendu de ses fonctions de chef d’État-major de l’armée de terre en 2012, accusé par des experts de l’ONU d’être à la tête d’un trafic d’armes à destination de groupes rebelles dans l’Est. Il a été blanchi de ces accusations en 2014 par le Conseil supérieur de la défense et nommé peu après, à la tête de la 1ère zone de défense congolaise.

Ex-chef de la police congolaise, John Numbi est considéré par des défenseurs des droits de l’homme comme le suspect numéro un dans l’assassinat,en 2010 de Floribert Chebeya, alors Directeur exécutif de l’Ongdh « La Voix des sans voix pour les droits humains (VSV) », après un rendez-vous au siège de la police. Suspendu de ses fonctions peu après l’assassinat, le général Numbi a nié avoir fixé ce rendez-vous et a été élevé à un titre honorifique par le président Kabila en 2017.

A l’image de l’ex-président José Edouardo Dos Santos en Angola, Kabila devrait s’écarter du pouvoir au profit d’un de ses proches, tout en nommant ses hommes à des postes clés. Néanmoins, les prochaines élections que l’opposition ne cesse de vouloir transparentes et équitables, restent un pari risqué pour le futur ex-président.

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