Les dessous de l’Affaire Gérard Mulumba

DÉSINTOX. Politico.cd a enquêté sur l’Affaire Gérard Mulumba, ce député provincial de l’Opposition congolaise du MLC emprisonné officiellement pour « avoir  » tenté de « corrompre » un agent des services d’immigration. Dans cette enquête, des documents exclusifs remettent en cause la version officielle. 

Le 1er août 2016, le député Gérard Mulumba, du Mouvement de la Libération du Congo (MLC, Opposition) pour la ville de Kinshasa, également Secrétaire national chargé la Jeunesse, est empêché de voyager pour Paris à partir de l’aéroport international de Ndjili. Il est interpellé par les services d’immigration.

Dans un communiqué à la même date, la DGM, Direction Générale de Migration, annonce la nouvelle.

« Ce lundi 1er Août 2016, lors des formalités du vol Air France en partance pour Paris, le député provincial, élu de la ville de Kinshasa, Gérard Mulumba, dit Gecoco Mulumba a tenté de faciliter la sortie irrégulière d’une dame, porteuse d’un passeport britannique appartement à autrui, en l’occurrence Mme Zelane Nsimba« .

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Un faux passeport qui était vrai

Les services de l’immigration accusent également le député provincial de l’Opposition d’avoir « essayé de corrompre  » un de ses agent. Gérard Mulumba sera interrogé pendant plusieurs heures par les services de sécurité.

Le 3 août, l’Opposant, avec Mme Nsimba, présumée complice, sont placés en détention provisoire à la prison centrale de Makala. Le parquet général près la Cour d’appel de Matete (Kinshasa) avait émis le même jour un mandat d’arrêt, respectivement pour « tentative de corruption des agents de la Direction générale de migration (DGM)  » et pour « complicité« .

Depuis la prison, Gérard Mulumba proteste contre son arrestation et sa détention, les qualifiant de « manipulations politiques« ; n’étant pas à sa première expérience avec « le Pouvoir« .

En effet, le 27 juillet 2012, des hommes en armes se sont introduits à son domicile au quartier Kingabwa, dans la commune de Limete, à Kinshasa. Selon le député, ces policiers sont arrivés pendant qu’il s’entretenait avec sa base au sujet de la destruction par la police du petit marché de Kingabwa. Ces hommes en uniforme ont dispersé les participants et ont aussi vandalisé son bureau. Gérard Mulumba affirme avoir perdu plusieurs biens matériels à la suite de cette intrusion.

A la première audition de cette affaire de « passeport« , les avocats de Gérard Mulumba ont constaté des irrégularités dans la procédure ayant conduit à l’arrestation du député et l’absence d’indices prouvant la culpabilité de leur client.

«Les avocats de la défense ont démontré que pour qu’il y ait détention, il est important qu’il y ait des indices sérieux de culpabilité. Jusqu’à preuve du contraire, le ministère public n’a pas été à la hauteur de démontrer les indices sérieux de culpabilité. Ce qui donnait la possibilité au tribunal de pouvoir accéder à la demande de solliciter la liberté provisoire», a expliqué l’avocat de la défense, Me Guy-Pascal Ngoma à Radio Okapi.

Des éléments incohérents

Selon le communiqué du « Directeur Général » de la DGM, l’Opposant Gérard Mulumba a quitté le pays le 13 juillet 2016 avec la nommée Zelana Nsimba, détentrice d’un passeport britannique, avant de regagner le pays seul, le 21 juillet 2016, sans Mme Nsimba. Et puis, de tenter « à nouveau de sortir du pays avec une autre dame ».

Une version contredite et par les avocats des accusés, et par les manifestes de Kenya Airways, en plus des cachets dans les passeports de Mme Nsimba dont Politico.cd s’est procuré des copies.

En effet, d’après Guy Pascal Ngoma, l’avocat de Gérard Mulumba, Mme Nsimba a bel et bien été à Dubaï, mais avait regagné Kinshasa.

Une version corroborée par les manifestes de la compagnie Kenya Airways et le passeport de Mme Nsimba ci-dessous.

De son côté, la Direction Général de Migration affirme, avec raison, qu’il n’y a pas de « cachet » du retour de Mme Nsimba sur le sol congolais en date du 21 juillet 2016. Il n’y a en effet aucune trace auprès des services congolais d’immigration d’un tel retour.

Joint au téléphone par Politico.cd, Guy Pascal Ngoma explique que ce sont les services d’immigration qui ont failli à leur mission.

« C’est la DGM qui a failli à mettre un cachet dans le passeport de Mme Nsimba, depuis, c’est quoi le lien entre l’absence du retour de Mme Nsimba et mon client« , interroge-t-il.

Car, en effet, le député Mulumba continue de clamer ne pas connaître cette dernière, l’ayant « croisé seulement à l’aéroport« .

Le 17 août 2016, alors que le député Mulumba et Mme Nsimba sont toujours en détention provisoire, c’est l’Ambassade de la Grande Bretagne à Kinshasa qui apportera un élément qui sèmera un peu plus de confusion. En effet, dans une lettre signée par Sophia Hatley, le Consul britannique à Kinshasa, l’Ambassade confirme que Mme Nsimba, est bel et bien citoyenne Britannique.

« Le passeport appartenant à Zelana Nsimba, est en cours de validité et n’a jamais été déclaré perdu ou volé« , confirme la lettre.

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Autre élément prêtant à confusion, le procès-verbal établi par les services d’immigration quelques heures après l’arrestation des deux suspects .

En effet, d’après ce procès-verbal dont Politico.cd s’est procuré une copie, les services d’immigration affirment que Mme Zelana Nsimba aurait mis en place un « mécanisme consistant à détourner l’attention des officiers sur le contrôle minutieux des documents en leur proposant de l’argent avec comme prétexte la régularisation de séjour« .

« Bloqué par l’Officier d’immigration, Monsieur Gérard Mulumba a tenté de corrompre ce dernier avec une somme de 200 euros (deux cents euro), lui demandant de fermer les yeux et de laisser passer ce cas« , affirme le communiqué de la DGM.

La copie du procès verbal

Ce qui diffère largement de la version officielle de la DGM (ci-dessous), qui affirme que c’est l’Opposant congolais qui serait à la base d’une tentative de corruption.

Tournure politique

En République démocratique du Congo, l’Opposition fait face au président Joseph Kabila qu’elle soupçonne de vouloir briguer un troisième mandat.

Le Dialogue politique initié par le président Joseph Kabila qui a débuté le jeudi 1er septembre à Kinshasa, est boudé par une majeure partie de l’opposition, notamment le MLC de Jean-Pierre Bemba.

Le Secrétaire national du MLC chargé la Jeunesse, Gérard Mulumba s’oppose également à ce forum dénoncé par sa famille politique.

Pour l’avocat de M. Mulumba, son client est victime d’une « tournure politique »

Ecoutez les explications de Mt. Guy Pascal Ngoma.

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De son côté, le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) réclame que la justice « soit faite » dans cette affaire qu’il qualifie « d’instrumentalisation de la justice ».

« Vous avez toutes les preuves, vous avez vérifié (…) on ne comprend pourquoi on le bloque en prison« , s’interroge Héritier Mpiana, l’assistant personnel d’Eve Bazaiba, Secrétaire général du MLC.

Ecoutez Héritier Mpiana

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A Makala, Zelana Nsimba reçoit régulièrement la visite des diplomates britanniques qui réclame sa « rapide libération ». Quant au député Mulumba, une première décision du tribunal de paix de Matete avait décidé de sa mise en liberté, le 6 août mais le procureur General avait fait opposition. Une audience est fixée au 07 septembre prochain.

La Direction Générale de Migration n’a pas souhaité réagir.

 

 

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