RDC et EAC: pour le meilleur et pour le pire

Le tiraillement entre Kinshasa et la force régionale de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) ne devrait pas visiblement aboutir à un retrait de la République démocratique du Congo de cette organisation sous-régionale.

En dépit des rixes autour de la mission de la force de l’EAC déployée dans l’Est de la RDC pour « imposer » la paix dans cette région troublée par la recrudescence des violences armées, le Président congolais Félix Tshisekedi estime que l’adhésion de son pays dans cette organisation constituée notamment du Burundi, Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie, le Kenya et le Soudan du Sud est une décision « mûrement » réfléchie.

Mûrement réfléchie d’autant plus que selon Félix Tshisekedi, la RDC a adhéré de bonne foi à l’EAC pour faciliter le commerce transfrontalier et faire bénéficier aux congolais les avantages de la libre circulation des biens et personnes au sein de l’espace.

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Dans un premier temps, Félix Tshisekedi avait présenté dans son discours à l’occasion de l’admission de son pays à l’EAC, 8 avantages, qui constituaient le leitmotiv de l’adhésion de la RDC dans cette organisation sous régionale. L’enjeu paraissait essentiellement économique. Il s’agit entre autres de :

  • L’intégration de l’Est, du Nord et du Sud de mon pays à l’espace commun de télécommunications permettra la réduction des coûts avec les pays voisins ;
  • Des multiples facilités administratives, la réduction des charges et l’accroissement des activités commerciales et économiques des citoyens ainsi que la facilitation de leur mobilité entre nos pays ;
  • La réduction des tarifs douaniers pour les marchandises réceptionnées dans les ports de Mombasa (Kenya) et de Dar es-Salaam (Tanzanie) ;
  • L’admission du français comme langue officielle de la Communauté, aux côtés de l’anglais et du Swahili ;
  • L’élargissement du marché par l’addition d’une population congolaise estimée à 90 millions d’habitants, donc un marché de 90 millions de consommateurs ;
  • L’augmentation des potentialités économiques et d’opportunités d’investissements en Afrique de l’Est par l’apport des richesses naturelles de la RDC ;
  • La réduction des tensions entre nos pays et la concertation régulière sur des questions d’intérêt commun et africaines.

Au-delà de ces avantages, le Président congolais y voyait l’application du Pacte de sécurité collective de la Communauté et la mutualisation renforcée des forces contre l’activisme des groupes armés locaux et étrangers ainsi que les terroristes à l’Est.

La lutte contre l’activisme des groupes armés aussi bien locaux qu’étrangers, puisque c’est de cela qu’il s’agit, la RDC a autorisé de « bonne foi », le déploiement d’un volet militaire de l’EAC comme réponse à la résurgence des groupes armés et surtout que le M23, un mouvement terroriste avait refait surface en imposant sa loi dans le Nord-Kivu, 11 ans après son désarmement par l’armée congolaise appuyée par une unité de la Monusco.

L’espoir suscité par cette décision de Kinshasa au sein des populations victimes des actes criminels du M23, fane vite quand en lieu et place de combattre les terroristes, les contingents de la force régionale de l’EAC se sont complus à cohabiter avec eux.

La force de l’EAC pourrait quitter définitivement la RDC fin juin

La RDC et l’EAC ne sont plus en odeur de sainteté sur la nature, le mandat et la mission de la force régionale déployée sur son territoire. Kinshasa donne le mandat offensif à la force régionale alors que celle-ci ne reconnaît qu’un mandat de maintien de la paix. En clair, la force africaine affirme ne pas venir en RDC pour combattre le M23 ou un quelconque groupe armé. C’est la pomme de discorde.

Depuis, Kinshasa et la force régionale sont en froid. Kinshasa semble s’être tourné ailleurs pour régler les questions sécuritaires dans l’Est du pays.

En effet, le 8 mai, Président en exercice de la de la communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), Félix Tshisekedi a obtenu de cette organisation régionale, l’annonce du déploiement de sa force militaire dans l’Est de la République démocratique du Congo. Logiquement, la Force de la SADC devrait remplacer celle de l’EAC qui n’a pas répondu aux attentes du gouvernement congolais.

Pour ce faire, Tshisekedi s’est expliqué sur le sort à réserver à la force régionale de la communauté de l’Afrique de l’Est en cas de déploiement de la force militaire de la SADC, dont la date n’a pas d’ailleurs été fixée. Au cours d’une conférence de presse conjointe avec son homologue du Botswana Mokgweetsi Masisi, Félix Tshisekedi a démontré que la force de l’EAC passe ses dernières semaines en RDC.

Néanmoins, le Chef de l’Etat congolais a accordé une deuxième chance à la force régionale [EACRF Ndlr]. Selon le Président Tshisekedi, à l’issue du premier mandat de en mars dernier, le gouvernement de la RDC n’avait pas renouvelé le mandat de 6 mois comme souhaité par le secrétaire général de l’EAC. Cependant, le gouvernement congolais a accordé un mandat de 3 mois à l’issue duquel une évaluation sérieuse devrait orienter le sort de cette force régionale. Il a aussi conditionné la poursuite de sa mission après le mois de juin à l’exécution de son mandat.

Le président Félix Tshisekedi a révélé des problèmes de fonctionnement avec cette force régionale.

« La première raison qui nous pousse à nous poser des questions est la mission assignée à cette force qui n’est pas remplie. Aujourd’hui dans certaines localités il y’a une cohabitation observée entre le contingent de l’EACRF et les terroristes du M23, ce qui n’était pas prévu dans le programme », a asséné Félix Tshisekedi qui a en même temps évoqué des déclarations des officiels militaires de l’EACRF qui , aussitôt arrivés en RDC ont clairement dit qu’ils ne venaient pas combattre le M23.

La démission du commandant de l’EACRF, la goûte d’eau qui fait déborder le vase

La démission insoupçonnée et fracassante du général kényan et commandant de la Force régionale de l’EAC Jeff Nyagah ainsi que son remplacement expéditive n’ont pas laissé Kinshasa indifférent.

« À côté de cela, il y a le commandant de l’EACRF qui a démissionné de manière spectaculaire et à la surprise de tous évoquant des menaces auxquels il ne nous a jamais fait part. Pourquoi ne nous a-t-il pas fait part de ces menaces? », s’est questionné le président Tshisekedi.

Le Président congolais s’est dit en outre surpris de la précipitation avec laquelle le Kenya a désigné le successeur du général démissionnaire sans consultation comme si cette force n’appartenait qu’au Kenya.

« Manifestement, il y a un problème dont nous avons besoin de parler pour clarifier la situation et comme le mandat s’achève au mois de juin, si à cette date nous constatons que le mandat n’est pas rempli nous allons décider de raccompagner ce contingent venu à la rescousse de la RDC avec honneur et les remercier pour avoir essayé d’apporter leur part à la solution de la paix en RDC », a renchéri le Président Félix Tshisekedi qui s’est félicité de la solidarité manifestée par les pays de la SADC à travers la décision unanime de déployer sa force qui a déjà fait ses preuves en terre congolaise.

Ces critiques ne sont pas justifiées, répond l’EAC

A ces critiques sèches du Président Tshisekedi, la Communauté est-africaine estime que la situation dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) n’est pas celle décrite par le président congolais, Félix Tshisekedi.

« Dire que la force régionale ne fait rien, en si peu de temps, ce n’est pas juste », a déclaré Peter Mathuki, secrétaire général de l’EAC qui note des avancées sur terrain depuis le déploiement de la force régionale.

« Les violents affrontements ont cessé, les rebelles sont en train de se retirer », a noté le secrétaire général de la Communauté est-africaine (EAC) qui reconnaît tout de même que le rythme « n’est peut-être pas celui attendu ».

A quelques jours de la fin du mandat de la force régionale, Félix Tshisekedi dit attendre la tenue de la réunion quadripartite de l’UA pour décider de l’avenir de l’EACRF.

Carmel NDEO

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