Loi Tshiani : que disent les autres pays sur leurs candidats présidents?

La loi « Tshiani », du nom de son auteur, a refait son retour au centre du débat politique en République démocratique du Congo. Si elle passe, cette loi va verrouiller l’accès à la présidence aux seules personnes nées de deux parents congolais d’origine. Si l’initiative est fustigée, à juste titre, comme une tentative d’écarter certains opposants du Président Félix Tshisekedi des prochaines élections, les dénonciations systématiques sont loin d’être sans défaut, la plupart orchestrées par l’opposant Moïse Katumbi, principal concerné.

Le sort est décidément ironique. C’est un Congolais détenant la nationalité américaine, lui-même ancien candidat à la Présidentielle, qui porte une des lois les plus controversées en République démocratique du Congo. D’apparence, ce texte vise surtout à régler le problème de la double nationalité. Car, selon la loi, la nationalité congolaise « la nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre nationalité ». Cependant, plusieurs personnalités du pays détiennent d’autres nationalités. Et donc, une loi qui légalise la détention d’autre autre nationalité serait salutaire.

Toutefois, Noël Tshiani ne se limite pas à régler le problème de double nationalité. Dans son viseur, cet économiste veut également verrouiller l’accès à la présidence aux seuls congolais nés des deux parents tous congolais d’origine. Très rapidement, un homme s’est senti visé. L’opposant Moïse Katumbi, d’ancien allié puis farouche adversaire de l’ex-président Joseph Kabila, avant d’être à nouveau allié puis, aujourd’hui, adversaire farouche du président Félix Tshisekedi, l’ancien gouverneur du Katanga nourrit des ambitions vigoureuses pour succéder à l’actuel président à la tête du pays. Il a déjà tenté de succéder à Kabila, avant d’être écarté de la course en 2016. A l’époque, il lui a été reproché de détenir la nationalité italienne, en violation donc de la loi congolaise.

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Moïse Katumbi est né d’un père juif et d’une mère congolaise, originaire de la région du Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo. Alors qu’il avait renoncé à la nationalité italienne en 2017, il espérait donc participer à cette présidentielle tellement redoutée pour lui. Pour autant, avec la « loi Tshiani », il se retrouverait ainsi privé de ce rendez-vous ultime. L’année dernière déjà, les partisans du président Félix Tshisekedi, qui étaient alors en coalition avec Katumbi, après avoir rompu d’avec Kabila, avaient décidé de sursoir la programmation de cette loi à l’Assemblée nationale.

Que disent les autres pays ?

A Kinshasa, une guerre se prépare entre Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi autour de cette loi. Pour autant, qui a raison et qui a tort ? A POLITICO.CD, nous avons essayé d’interroger les lois de plusieurs pays en la matière. Et il ressort que chaque pays au monde fixe ses règles sur ses candidats présidents. En Algérie par exemple, l’article 73 de la Constitution qui stipule qu’un candidat doit justifier de sa participation à la révolution du 1er novembre 1954 pour les personnes nées avant juillet 1942, afin d’être candidat. S’il est né après cette date, il doit prouver que ses parents n’ont pas commis “d’actes hostiles à cette révolution.”

En Afghanistan, l’article 62 de la Constitution de 2004 stipule qu’un candidat à la fonction de président doit être « un citoyen musulman d’Afghanistan, né de parents afghans ». Il devra « ne pas être citoyen d’un autre pays », et surtout, il ne doit pas « avoir déjà servi plus de deux mandats en tant que président ».

De son côté, l’article 60, section (3) de la Constitution autrichienne de 1983 stipule que: « Seule une personne qui a le droit de vote à la Chambre des représentants et qui a trente-cinq ans avant le premier janvier de l’année au cours de laquelle l’élection a lieu peut être élue président fédéral. »

En France, il faut obtenir 500 parrainages d’élus. Aux USA, en plus d’avoir « résidé au moins 14 ans sur le territoire américain », le candidat doit être «né citoyen américain». Et là encore, des millions d’américains ne peuvent réunir ces conditions, sans avoir choisi cela, seulement du fait de leur naissance.

Au Burundi, le candidat doit être signataire de la Charte de l’Unité, selon l’article 97. Au Sénégal, l’article 28 de la Constitution précise que le candidat « doit être éduqué : savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle. » Au Zimbabwe et en Zambie : le candidat doit “être capable de lire l’anglais et le swahili”.

La Finlande est encore plus stricte. « Le président doit être un citoyen finlandais de souche », affirme la Loi constitutionnelle de 1919. En Indénosie, la Constitution de 1945 exige que le candidat à la présidence et le candidat à la vice-présidence soient citoyens indonésiens de naissance et « n’aient jamais accepté une autre citoyenneté de leur plein gré, n’aient jamais trahi l’État et soient physiquement et mentalement capables d’accomplir ses devoirs et obligations en tant que président et vice-président. D’autres conditions sont réglementées par la loi. »

Jusqu’en 2016, en Côte d’Ivoire, il était impossible d’être candidat si on n’était pas « exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ». Et là encore, personne, surtout pas la France, ne parlait de discrimination. Les Ivoiriens eux-mêmes finiront par changer cette donne.

Litsani Choukran

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