Agression rwandaise, le cas Kagame, Museveni, M23, ADF… « Nous devons organiser notre armée si nous voulons exister comme un État » (Mbusa Nyamwisi)

Très taiseux comme d’habitude et discret depuis un temps, Mbusa Nyamwisi ne faisait plus écho après le congrès tenu par sa formation politique début 2022. Sur fond d’un contexte sécuritaire de plus en plus préoccupant dans son Kivu natal – également son fief électoral naturel – POLITICO.CD est allé à la rencontre de celui qui est présenté comme « l’un des artisans de l’unification » de la RDC et l’un des « fins stratèges » de l’appareil sécuritaire du Congo et de la sous-région.

En tenue de sport, sourire aux lèvres, « Afande » – entendez « commandant » – comme désigné par ses proches nous accueille dans sa résidence au bord du fleuve Congo le dimanche 12 mars. En mains, ce fils d’un pasteur protestant détenait le livre « visage Nande » – qui retrace l’histoire de l’engagement du peuple Nande dans l’arène politique, administrative et commerciale de la RDC – ainsi les livres « Poutine, la stratégie du désordre » et « Enquêtes sur un attentat : Rwanda, 6 avril 1994 ». Situation sécuritaire dans l’Est du pays, l’activisme du M23, le cas Kagame, la part de l’ougandais Museveni… « Sultani » Nyamwisi a sa recette.

À Kinshasa où il réside actuellement, Mbusa Nyamwisi fait le deuil de près de 60 personnes tuées en trois jours dans une double attaque des ADF aux villages Mukondi et Kirindera, dans la chefferie de Bashu, en territoire de Beni. « C’est la suite d’une tragédie qui a commencé bien longtemps avec les ADF – une rébellion ougandaise – qui finalement se sont incrustés dans la région en commettant les exactions », explique-t-il.

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L’intention de ces terroristes affiliés à l’État islamique, alerte cet originaire du coin, est d’élargir leur contrôle sur tout le territoire de Rutshuru et Masisi. Rappelant d’être le « premier » a sonné, alors qu’il était en exile en 2014, l’alarme dès le début de ces attaques, Mbusa Nyamwisi craint finalement qu’avec l’avancée, de l’autre côté, des terroristes du M23 que la ville de Bukavu soit prise en étau mais, tempère-t-il, « heureusement il y a une grande action régionale et de diplomatie qui constitue un effort pour stopper cela ». Occasion pour lui de saluer l’intérêt accru de l’Angola à contribuer à trouver une solution autant qu’il salue le pont aérien de l’UE et de la France entre Bruxelles et Goma.

« Le M23 n’aurait pas existé sans le Rwanda »

Comme les officiels congolais, Mbusa Nyamwisi joint sa voix à celle de Félix Tshisekedi dans la dénonciation de l’agression rwandaise. Celui que le Président congolais appelle le « Montagnard » – en référence à ses origines au mont Rwenzori – pointe le Rwanda de Kagame d’être le mécène du mouvement terroriste du M23. « Il est clair que le M23 n’aurait pas existé sans le Rwanda et même s’il y a quelques jeunes congolais parmi eux mais entre nous, c’est l’armée du Rwanda », signe et persiste Mbusa.

Tout en plaidant pour renforcer l’armée, il reconnait que « le Président Tshisekedi a l’avantage de pousser le doigt là où ça fait mal. Il a été clair dans ses déclarations et personne ne doute de l’implication du Rwanda mais maintenant il faut des actes ». Dans la même optique, il rappelle que le Chef de l’État est « héritier » de cette situation et par conséquent « il ne faut pas lui demander d’opérer des miracles. S’il y a des miracles, c’est le Congo qui doit le faire, nous devons le faire ensemble ».

Et pour bien mettre en déroute l’activisme des terroristes rwandais estampillés M23, il recommande encore et encore que les FARDC soient dotées davantage des moyens nécessaires de dissuasion. Déjà, soutient-il, « si l’armée n’a pas résisté on aurait déjà perdu Goma ou plus que ça ». La solution pour Félix Tshisekedi au cas Kagame c’est « celle de ramener chacun dans sa dimension réelle », insiste Mbusa.

L’apport Museveni

Contrairement à la thèse de plus en plus répandue selon laquelle le président Museveni ne jouerait pas franc jeu vis-à-vis de la RDC, Mbusa Nyamwisi préfère plutôt souligner le soutien de Kampala dans la traque des ADF. Cela fait une année que les FARDC et les forces de défense du peuple Ougandais mènent conjointement des opérations sur le sol congolais contre les rebelles ADF, considérés comme auteurs des massacres des milliers des civils et d’autres exactions.

Pour le « Montagnard » Nyamwisi, la coalition FARDC-UPDF contre la nébuleuse ADF a déjà glané « quelques résultats positifs ». À titre illustratif, il cite notamment la situation sécuritaire au pied du mont Rwenzori. « La coalition est là, c’est vrai. Nous l’avions demandé aussi. Et on ne dit pas assez mais il y a quand même quelques résultats positifs parce que le pied du mont Rwenzori, la partie occidentale (du côté de la RDC) est plus calme qu’il ne l’était avant cette coalition. C’est une partie du territoire de Beni qui est calme. La coalition a eu quelques résultats positifs qu’il faut saluer », explique-t-il.

Mais toutefois, précise-t-il, « c’est dans la partie ouest, sur la RN4 où cette coalition est absente qu’il y a des exactions dont on parle maintenant. Il faut aussi dire qu’une bonne partie des FARDC qui étaient là a été délocalisée vers le sud de la province pour combattre les M23. C’est donc une sorte de vide que ces bandits prolifèrent maintenant. Il faut donc souhaiter qu’il y ait des soldats qu’on déploie dans cette région pour essayer de les prendre en étau. Il ne faut pas que ceux qui fuient les attaques de la coalition UPDF-FARDC massacrent les gens là où il n’y a pas de soldats ».

In fine, cet ancien candidat à la présidentielle de 2006 et successivement ministre des affaires étrangères du gouvernement Gizenga (2007) et ministre de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire (2008), fait remarque « qu’il y a une problématique qui est générale, il faut renforcer la capacité de notre armée parce qu’en définitive la solution à nos problèmes ne viendra pas de personne d’autres que de nous-même. Il faut avoir une armée sans cela nous serons toujours en train de faire de la diplomatie des larmes. C’est vrai il y a un devoir de solidarité entre les états mais nous devons avoir une armée capable et nous devons l’organiser si nous voulons exister comme un État ». Pour ce faire, il dit être « heureux » de la loi de la programmation militaire, initiative du Président Tshisekedi pour une armée « forte ».

Stéphie MUKINZI M

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