La corruption, quand elle vient d’opposants, est la pire en RDC!

« Mobutu Sese Seko’ Kuku Ngbendu wa Za Banga était le mal incarné ». Une chanson que reconnaitront tous ceux qui ont plus de trente ans en République démocratique du Congo. Dictateur aux yeux du monde occidental qui avait pourtant fait de lui maître de son Zaïre, l’ancien président rétorquera : « Après moi c’est le déluge ».  Nous sommes donc dans les années 1990, en pleure, le Maréchal-Président décide, à contre-cœur, de tenter l’expérience du miltipartisme. Non sans avoir mis en garde.  Le 7 août 1991, après bien des atermoiements, plus de 2 600 personnes venues de tout le pays prennent place à l’intérieur de l’imposant et austère Palais du Peuple, à Kinshasa. Sans crier gare, l’enceinte du Parlement devient la caisse de résonance des complaintes et des espoirs de changement des Zaïrois. On en vient même – inimaginable il y a peu ! – à vilipender le Léopard. Il est traité de tous les noms. Et bien loin des critiques politiques seules, la vie même intime du Maréchal est exhibée, à coup d’insultes. 

L’opposition en question

Cependant, cette conférence nationale souveraine, qui consacre toutes les colères accumulées depuis les années 1980 contre Mobutu, ne prend même pas la peine de se poser de question sur la qualité de ceux qui se présentent en alternative. Pour autant, quand ils n’affrontent plus le Maréchal, ces opposants en viennent aux mains, entre eux. Etienne Tshisekedi et Nguza Karl I Bond rivaliseront de noms d’oiseaux. Au Katanga, Gabriel Kyungu entonnera une diatribe meurtrière qui conduira au massacre des populations innocentes à leurs ambitions politiques destructrices. Aucun débat d’idées. Aucune contradiction idéologique. D’abord une haine peu contrôlée contre Mobutu, ensuite, le rallier en trahissant l’intransigeance d’Etienne Tshisekedi, à l’image d’un certain Faustin Birindwa.

Mobutu parti, le déluge arriva. Le Congo s’effondre sous « Kabila-Père ». Son fils le remplace et va restaurer la démocratie redoutée par Mobutu. Là encore, la vielle recette revient. Etienne Tshisekedi, encore lui, incarne l’opposition absolue. Rapidement, Joseph Kabila devient « le mal incarné ». En 2011, durant la Présidentielle, c’est une grande partie du Congo qui entonne des chansons envoyant l’ancien président au Rwanda. Il ne serait pas Congolais, encore moins le fils de son propre père. Quant à l’opposition, personne ne juge ses actes. Ne défend-t-elle pas la bonne cause ? Etienne Tshisekedi appelle pourtant à casser les portes de prison et à toute sorte d’abus. Son parti, l’UDPS, refuse pourtant de s’allier aux autres, alors qu’ils avaient, ensemble, la chance de battre Kabila sans la moindre difficulté.

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Bref, arrive enfin 2015. Là encore, un ancien gouverneur, inexplicablement riche, décide de claquer la porte du parti de Kabila et de rejoindre l’opposition. Le pays exulte. Un renfort de choix. Personne n’ose cependant ni questionner ses qualités d’hommes, son bilan à la tête du Katanga malgré ses affirmations d’avoir fait de Lubumbashi le « Johannesburg du Congo », encore moins ses méthodes. Tenez, déjà quand il était gouverneur, un bon matin Jean-Claude Muyambo, bâtonnier de Lubumbashi, ose le critiquer dans un documentaire de Thierry Michel, en tournage à l’époque. Le lendemain matin, des supporters de Katumbi convergent vers le domicile de Muyambo, où ils raseront tout sur leur passage. C’est donc un tel homme qui arrive à l’opposition. Et il y applique rapidement ses méthodes.

 Moïse Katumbi va projeter l’opposition politique à une dimension de maux  et de corruption qui égalerait celle des pouvoirs au Congo »

Un proche de Joseph Kabila

Poursuivi dans une affaire fallacieuse de « mercenaires américains » à Lubumbashi,  Katumbi donne de la réplique à Kalev Mutond, maître d’œuvre de cette supercherie : la juge Ramazani, en charge de son dossier, est exfiltrée à l’étranger d’où elle dénonce tout à coup le pouvoir de Kabila. La juge est pourtant logée, nourrie et payée pour en arriver à des telles conclusions. « Moïse Katumbi va projeter l’opposition politique à une dimension de maux  et de corruption qui égalerait celle des pouvoirs au Congo », expliquera pourtant un proche de Kabila.  Mais, qui va dénoncer cela ? Qui pourra dire la vérité et ne pas passer pour un diable qui soutient Satan ? La suite est une sérénade : une presse payée et organisée contre Kabila, des lobbyistes payés pour obtenir des sanctions contre son propre pays, des proches de Kabila sanctionnés et acculés. Le Congo acclame. Moïse est un libérateur, censé en finir avec Kabila. Tant pis s’il est arrêté en Belgique avec un faux passeport. Tant pis si Alexis Thambwe publie son passeport italien. On l’aime, ses pêchés deviennent alors bénédictions.

Le Congo aime ses opposants et refusent de les juger. Qui daignera critiquer des libérateurs ? Cependant, Katumbi ne sera pas la pire erreur de jugement au Congo. Non ! Pendant qu’ils passeront trois décennies dans l’opposition, à critiquer tous ceux qui étaient au pouvoir avec des méthodes de violences et d’intolérances, ceux de l’UDPS arrivent finalement au pouvoir, dans une surprise générale totale. Comme s’il voulait à tout prix donner des leçons à ses détracteurs, Joseph Kabila laisse alors Félix Tshisekedi le succéder. Etienne Tshisekedi n’étant plus là, son fils porte néanmoins son nom et sa vision : « le peuple d’abord ». Mais le Congo va déchanter. Je tiens donc à ma liberté. Je ne vous listerai pas tout ici. Retenez simplement que l’UDPS au pouvoir, est allée piller un jour le siège du parti de Joseph Kabila à Kinshasa, accusant l’ancien président d’avoir tenté de tuer leur leader, en faisant écraser un avion transportant… du matériel de la présidence congolais !

L’UDPS au pouvoir, c’est la plus grande désillusion du Congo. Ni « Peuple d’abord », ni État de droit. Au contraire, une certaine continuité de Kabila, mais en pire. Et, malgré une telle leçon,  le Congo ne retient toujours pas ses notes. D’abord, la coalition du Front Commun pour le Congo, Kabiliste, devient tout à coup « Sainte ». Elle retourne son veste, se blanchit et change de nom : « Union Sacrée », la fameuse union autour de laquelle Birindwa, Nguz et autres s’écharpaient. La même amnésie populaire. Tant qu’elle est là pour défenestrer Kabila, elle sera bienvenue. Moïse Katumbi, encore lui, prêche à nouveau au profit de Félix Tshisekedi, alors qu’il a tout fait pour contester son arrivée à la tête du pays, caché derrière Martin Fayulu et sa colère.

Ce que le pays ignore alors, c’est que cette union n’est qu’une aventure de vengeance suavement concoctée. En 2019, depuis son exil, Moïse Katumbi rêve de revenir au pays, récupérer ses entreprises démantelées par les proches de Joseph Kabila et confiées à un certain Pascal Beveraggi, tout en se vengeant d’anciens Kabilistes qui l’avaient poussé à l’exil et qui l’avaient maltraité. Mais aussi, lorgner dans le dos de Tshisekedi, en prélude de la Présidentielle de 2023, où l’homme tient à tout prix à devenir président : de toute façon, Kabila n’est plus là. Mike Hammer, Ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa, sera l’emberlificoteur qui va convaincre Félix Tshisekedi de la nécessité d’une alliance avec Katumbi pour défénestrer Kabila. A ses côtés, un autre commerçant, en la personne de Peter J. Pham, qui démarche alors pour que Katumbi retrouve un passeport congolais.

C’est ainsi que le Congo entier sera embarqué dans un divorce retentissant d’avec Kabila : le déboulonnement ! John Numbi est traqué. Kalev Mutond part en exil. La justice est à nouveau instrumentalisée pour permettre à Katumbi de récupérer ses entreprises. C’est l’idylle entre Tshisekedi et l’ancien gouverneur du Katanga. Kinshasa acclame encore et ferme les yeux sur les méthodes : nominations contestables à la Cour constitutionnelle, reconfiguration de la majorité parlementaire en plein exercice. Tans pis, Kabila, c’est le démon : le persécuter serait est une œuvre divine. Tshisekedi est envoyé dans les bras de Kagame, qui n’en demandait pas plus. Sauf que le fils d’Etienne ignorait bien à quel point il aura été méticuleusement manœuvré. Quand il s’en rendit compte, les rebelles du M23 lui avait déjà pris des territoires et réclamait un dialogue.  A lieu alors le divorce, un autre, d’avec Moïse Katumbi. Le juge-président envoyé à la Cour constitutionnelle est appréhendé avec une enveloppe « très Matata » en mains. Le voilà défenestré. Le fils du Sphinx tente alors de revenir à la raison. Sans être aidé par l’UDPS, qui étonnera jusqu’alors la déception elle-même.

« La corruption de ce qu’il y a de meilleur est la pire » 

corruption otpimi pessima

Acculé à nouveau, Katumbi Moïse réactive ses vieilles méthodes qui ont fait recettes.  Le Congo se retrouve face à un « déjà-vu ».  Un juge démissionne au Tribunal de Commerce de Lubumbashi et accuse le pouvoir. La même note que celle jouée par Ramazani. Sauf que le Congo ne pourra plus se faire avoir autant de fois. Non ! Le Fondé dit non et appelle à ouvrir les yeux ! Non pas qu’il faille défendre le pouvoir de l’UDPS, ou encore Félix Tshisekedi, ni la Première dame, puis que j’en serais corrompu, à en croire les insulteurs professionnels venus de la Ndrangheta. Mais en aimant tant soit peu ce pays, nous conviendrons vous et moi que nous avons été laxistes vis-à-vis des opposants, par notre haine des pouvoirs d’hier, qui n’étaient certes défendables. Aussi, nous payons actuellement le plus grand prix de notre complaisance avec les grandes réalisations de l’UDPS au pouvoir.

« Corruptio optimi pessima », dit une locution latine. « La corruption de ce qu’il y a de meilleur est la pire » ! Le Fondé inventera « Corruption oppositio pessima », espérant me faire traduire par la seule langue que l’homme maitrise. Car si les pouvoirs ont toujours été corrompus, ceux qui s’opposent à eux ne peuvent pas l’être encore plus, au risque d’enfoncer davantage le pays.  C’est facile, quand on combat un mal aussi indescriptible que celui qui gangrène le pouvoir public en RDC, de pouvoir se dire que le recours à des méthodes identiques à ce Pouvoir est nécessaire. Mais le mal corrompt tout ! Aussi, quand on prétend vouloir changer les choses, quand on prétend devenir président en RDC, après tout ce que ce pays a connu, au regard de la situation endémique de la corruption dans nos institutions, il faut incarner l’exemple. Et cet exemple, on ne l’incarne pas au pouvoir. Non ! Cela doit se voir dans toute la vie d’un homme politique. Aussi bien que dans ses affaires privées que dans sa vie publique.

Le Congo n’a pas besoin d’un leader qui va jusqu’à amadouer une Fédération de football pour faire gagner son club. Ce pays n’a pas besoin d’un homme qui n’admet ni contradiction, ni indépendance. Un homme dont les qualités intellectuelles sont toujours en cours de recherche ; un homme qui est capable de pousser tout son parti politique à défendre sa cause dans affaire privées devant un tribunal ; un homme qui transforme un ancien président d’Assemblée nationale en prompteur humain ; un homme dont les partisans ne laissent ni liberté de critique, encore moins, celle de débat. Non ! Le Congo mérite mieux.  Loin d’une affaire personnelle, laissez-moi poser à tous cette question : pourquoi sommes-nous obligés de remplacer l’UDPS par pire qu’elle ?

Litsani Choukran,
Il Fondatore.

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