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Présidentielle 2023: Matata Ponyo, le rêve d’un dauphin manqué

« J’ai un rêve », lance un homme survolté, face à un public autant électrique. Nous sommes le mardi 3 mai 2022 au ShowBuzz, l’une des salles d’événements les plus connues de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. L’homme qui se prend pour Martin Luther King Jr ici, c’est Augustin Matata Ponyo. Sans avoir un charisme égalant celui-ci du leader de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, l’ancien premier ministre congolais livre néanmoins le combat de sa vie. Ce qui le pousse sans doute à crier, au lieu de lire simplement un discours visiblement très travaillé. Il lance officiellement le parti Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD). Mais Matata Ponyo en profite surtout pour se tenir face à Félix Tshisekedi. Et il n’a pas sa langue en poche. « Après avoir été victime des plusieurs montages des faux dossiers (Bukanga Lonzo, Zaïrianisation, …) pour m’emprisonner afin de limiter mes droits électoraux et pour me contraindre d’entrer dans l’union sacrée, Dieu m’a soutenu », dit-il, en faisant allusion au camp du président Félix Tshisekedi. « Je sais que mes ennemis politiques, en colère, sont à l’affût pour monter d’autres faux dossiers contre moi. Mais, je crois en la force de la Justice et en la puissance de la Vérité« , ajoute-t-il.

Sa candidature

Augustin Matata Ponyo en profite dans la foulée pour annoncer sa candidature aux très attendues élections de 2023. « Je vous informe avoir décidé d’accepter votre choix porté sur ma personne comme candidat de notre parti à l’élection présidentielle« , a-t-il déclaré. Mais le Sénateur âgé de 57 ans sait que sa candidature à cette Présidentielle ne sera pas une mince affaire. Il est poursuivi pour détournement et corruption dans l’affaire de Bukanga Lonzo. Et même si, en novembre dernier, la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente à le juger dans cette affaire, Matata Ponyo est étrangement toujours interdit de quitter le pays, alors que ses immunités parlementaires ne lui sont toujours pas rendues. Selon la Constitution congolaise et la loi électorale, toute personne condamnée pour corruption ne peut postuler à la Présidence de la République.

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Augustin Matata le sait. Raison pour laquelle il n’a pas hésité à dénoncer le président Félix Tshisekedi et toute cette procédure enclenchée contre lui. « Il m’a été demandé d’intégrer l’Union sacrée, j’ai refusé. Il m’a été demandé de dire que je ne serai pas candidat Président en 2023, j’ai refusé », a-t-il prétendu dans un tweet hier. Ces dénonciations vont-elles suffire ? Surement pas. D’autant plus que nos sources rapportent que le camp du président Félix Tshisekedi s’active toujours pour trouver un moyen d’exclure l’ancien cadre du PPRD.

Sa position politique

Matata Ponyo a longtemps été le dauphin naturel de Joseph Kabila. Premier ministre qui a pulvérisé le record de longévité sous l’ancien président, il a cependant été coiffé au poteau par Emmanuel Shadary, bien plus politique. Car en effet, pendant longtemps, Augustin Matata a été vu au sein de la famille politique de Kabila comme un « simple technicien qui n’a aucun encrage politique ». Lui-même se présente comme un « technocrate ». Il entretient cependant une très bonne réputation à l’international, nonobstant des accusations de corruption contre lui au pays. Il était d’ailleurs Conseiller économique du président guinéen Alpha Condé l’année dernière.

Mais les qualités techniques de Matata ne sont pas prêtes à suffire elles-seules pour remporter une présidentielle. Outre les poursuites toujours en cours contre lui, et bien sûr des embuches que lui préparerons le camp de Tshisekedi, l’ancien premier ministre n’a pas d’épaisseur nationale. Son parti vient à peine d’être fondé. Originaire du Maniema, dans l’Est du pays, il aura bien du mal à convaincre le reste du pays à l’ouest, où il a rarement mis les pieds.

Mais la candidature de Matata, qui affirme avoir refusé d’adhérer à l’Union sacrée du président Tshisekedi, pourrait se constituer finalement comme un moyen de pression. Il n’est pas exclu de le voir se désister pour un autre candidat opposant au président Tshisekedi. Selon nos informations, Matata est très proche de l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. Beaucoup parlent d’un « deal » entre les deux candidats, dont l’un ou l’autre risque d’être disqualifié. Par ailleurs, Matata peut compter sur Joseph Kabila, à la surprise générale. Durant le lancement de son parti, il n’a pas hésité à saluer l’ancien président, avec qui il conserve des rapports plus ou moins calmes et étroits. Plus d’informations dans le prochain acte

Son portrait

Matata Ponyo Mapon est né le 5 juin 1964 à Kindu (RDC). Il est spécialiste en politiques budgétaire et monétaire, et s’intéresse particulièrement aux questions de développement économique, de bonne gouvernance, du climat des affaires et de mobilisation des ressources publiques. Il a obtenu une licence en économie monétaire et internationale de l’Université de Kinshasa en 1988 et un diplôme d’études approfondies (DEA) en économie de développement de la même université en 2016. Il a obtenu son doctorat en Sciences économiques à l’Université Protestante au Congo en février 2018.

Il a travaillé à la Banque Centrale du Congo de 1988 à 2000. En 2000, il devient conseiller du ministre des Finances. De 2001 à 2003, il participe à la conception et à l’exécution des réformes ayant permis au pays de renouer avec les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, etc.).

Par la suite, de 2003 à 2010, il devient Directeur Général du Bureau Central de Coordination (BCECO) où il coordonne avec succès les financements des bailleurs de fonds destinés à la reconstruction de la République Démocratique du Congo. Le 19 février 2010, il fit son entrée au gouvernement comme Ministre des finances et le 18 avril 2012, il est nommé Premier Ministre jusqu’au 20 décembre 2016.

En février 2012, Augustin Matata Ponyo est dans l’avion qui s’écrase et coûte la vie à l’ambassadeur Katumba Mwanke, l’éminence grise du président Joseph Kabila. Matata s’en sort miraculeusement avec une « commotion cérébrale » qu’il ira soigner en Afrique du Sud. En avril 2012, il est nommé Premier ministre. Il reste à ce poste pendant 4 ans, devenant le deuxième politique qui a le plus longtemps été chef du gouvernement en RDC.

Depuis janvier 2017, il est le Président du Conseil d’Administration d’un think tank dénommé Congo Challenge. Il est aussi le Président de la Fondation Mapon qui finance des œuvres caritatives dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Marié, il est père de 4 enfants. En novembre 2018, il est désigné par le Président de la Commission de l’Union Africaine pour diriger la mission d’observation des élections législatives du 20 décembre 2018 en République Togolaise. Depuis février 2019, il réalise des missions d’accompagnement du Gouvernement de la République du Togo dans la mise en œuvre et le suivi-évaluation de sa vision du développement du pays tel que coulé dans le Plan National de Développement (PND) 2018-2022. Enfin, depuis mars 2019, il est élu Sénateur de la province du Maniema.

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