Les révélations du Procureur général près la Cour constitutionnelle sur Matata Ponyo et son épouse autour de Bukanga Lonzo

L’épée de Damoclès reste suspendue sur l’ancien Premier Ministre Matata Ponyo. Principal présumé auteur de la débâcle du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, emportant plus de 300 millions USD, Matata Ponyo est éclaboussé par un rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF) qui le pointe comme « auteur intellectuel » de ce projet. Après le premier réquisitoire qui laissait planer la « confusion » sur la juridiction habilitée à juger Matata Ponyo, un deuxième réquisitoire tendant à obtenir l’autorisation des poursuites des sénateurs Augustin Matata Ponyo et Ida Kalonji Naserwa, sera examiné dès la semaine prochaine par la chambre haute du parlement.

Pour le premier réquisitoire, la chambre haute avait ssollicité d’avoir les plus amples détails auprès du Procureur Général près la Cour constitutionnelle. Pendant le précédent huis clos, aucune décision définitive n’avait été prise. Les sénateurs s’interrogeaient notamment sur le juge naturel de Matata Ponyo. La confusion a été levée à la suite du nouveau réquisitoire adressé le 15 mai par Jean-Paul Mukolo Nkokesha, procureur général près la Cour constitutionnelle.

Quand le Procureur général insiste sur les prescrits de la loi

La justice congolaise ne lâche pas Matata Ponyo. Le Procureur Général près la Cour constitutionnelle Mukolo Nkokesha Jean-Paul a une nouvelle fois saisi le Sénat sur le réquisitoire tendant à obtenir l’autorisation des poursuites des sénateurs Augustin Matata Ponyo et Ida Kalonji Naserwa. Dans sa correspondance du 15 mai, le Procureur évoque les articles 164 et 166 de la constitution qui attribuent la compétence pénale à la Cour constitutionnelle pour les infractions commises par le Président de la République et le Premier ministre dans l’exercice de leurs fonctions. « Après l’exercice de leurs fonctions, leur juge pénal reste la Cour constitutionnelle pour les actes commis pendant l’exercice de leurs fonctions », insiste le Procureur qui soutient que « votre saisine se justifie dans le cas du sénateur Matata Ponyo, non pas parce qu’il était Premier ministre, mais parce qu’il est sénateur ».

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Dans la même correspondance, le Procureur Général près la Cour constitutionnelle précise que les deux sénateurs ne sont pas poursuivis pour des actes commis en leur qualité de sénateurs, mais plutôt pour les actes commis en qualité de Premier Ministre pour l’un et de Directeur Général du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo pour l’autre. Il a martelé sur le fait que méconnaître une telle compétence pénale clairement établie par la constitution « serait une violation flagrante de celle-ci en son article 19, alinéa 1 qui stipule, nul ne peut être soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne ».

L’épouse de Matata et ses proches dans le viseur

Dans un rapport accablant publié exclusivement par POLITICO.CD, l’IGF relève plusieurs griefs à charge du Sénateur et ancien Premier Ministre Augustin Matata Ponyo, dans la débâcle du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Au terme de ce rapport, Augustin Matata est désigné comme « l’auteur intellectuel de la débâcle de ce parc ». Et cela à travers la conception, la planification et les engagements pour paiement de plus de 83% de fonds décaissés directement au profit des comptes du partenaire sud-africain et de ses filiales logés en Afrique du Sud, ainsi qu’au profit de la société MIC Industries.

Ledit rapport pointe le Docteur Matata Ponyo également dans le choix du partenaire sud-africain Africom qui n’avait que trois ans d’existence au moment de la signature du contrat de gestion et de ses filiales. Et ce, en violation des procédures de passation des marchés publics, spécialement les articles 17 de la loi N°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics.

Dans son requisitoire, le Procureur général près la Cour constitutionnelle affirme par ailleurs que « Ce choix d’Africom commodities ne semble pas si innocent puisque le Sénateur MATATA PONYO MAPON a, dans la même période de démarrage du projet et à travers deux membres de sa famille à savoir, Madame KACHOKO MBONDA Hortense dite son épouse et Monsieur MATATA SHWITI-LYA MBEMBA Edouard, constitué la Société dénommée Feed Africa SARL, comportant dans son objet les activités agricoles et cela, dans la concessionmême du Parc Agro-Industriel de Bukanga Lonzo. »
Les autres associés sont M-POWER GROUP (Pty) Limited, société de droit Sud-africain représenté par Monsieur GROBLER Christo, Administrateur du partenaire Sud-africain Africom Commodities et MICHIGAN FARMING représenté par Peter VENTER, l’autre Administrateur d’Africom Commodities.
« Plus tard, cette Société Feed Africa de la famille MATATA se retrouvera avec la même société Africom Commodities SARL aux côtés de Jivento Group SARL et Agri-Kwango SARL encore à identifier, dans une autre société dénommée « LONZO NATURAL RESOURCE (LNR SARL) » ayant essentiellement pour objet la prospection, la recherche, l’exploitation, le traitement et les opérations connexes dont la commercialisation, des substance minérales valorisables », précise le Procureur.

Par ailleurs, les conclusions de l’IGF imputent au Premier Ministre honoraire le détournement constaté de 7.392.162.577 CDF, l’équivalent de 7.989.408,08 USD pour l’achat de Ultimate Building Machine pour le compte du parc, alors que ce paiement n’a pas été reconnu par Africom, qui passait toutes les commandes des équipements, matériels et intrants agricoles. Cet équipement n’a jamais été livré au Parc en considérant le compte-rendu de la réunion de service du 4 mai 2017, présidée par le Directeur Général de Parcagri, Ida Naserwa.

Il est aussi reproché au Sénateur Matata, d’avoir initié et payé à la société Desticlox une somme de 510.883,84 USD au titre des frais de gestion, sans titre ni qualité dans le chef de ce dernier, car le prestataire qui avait signé le contrat de gestion avec l’État congolais est Africom. Un cas de détournement des fonds, conclut le rapport de l’IGF.

Un autre grief, c’est la complicité de détournement à travers les engagements et paiements des sommes au titre de libération du capital social au-delà du montant de la quotité due par l’État congolais dans les sociétés Parcagri SA, Separgri SA et Marikin SA. L’IGF accuse Augustin Matata de négligence coupable pour ne s’être pas rassuré des mécanismes prudentiels de garantie de bonne gestion par le partenaire. Ce qui a entraîné l’opacité dans la gestion par le partenaire sud-africain et la surfacturation des biens et services au point qu’Africom était le seul à déterminer les besoins en investissements, passait les commandes, fixait les prix et achetait les équipements, matériels et intrants, sans être mis en concurrence avec d’autres fournisseurs. Africom devenait ainsi juge et partie durant tout le cycle de vie du projet.

Enfin, le dernier reproche concerne aussi l’abstention coupable. Mais cette fois, c’est pour n’avoir pas mis en place des mécanismes minima pour garantir la surveillance dans l’utilisation des fonds décaissés par le Trésor public. Pour l’IGF, il aurait fallu mettre en place un service d’audit interne ou comité de suivi et de tenir la comptabilité sur place en RDC. Cette négligence a facilité la surfacturation.

Dans sa réponse insérée dans le rapport de l’IGF, le Premier Ministre honoraire insiste sur le fait que la Primature et le Chef du Gouvernement, n’étaient nullement impliqués dans la gestion des fonds du projet. C’est l’entreprise Africom qui, d’après Matata Ponyo, était seul responsable de l’exécution technique et financière du projet sur base du contrat dûment signé entre elle et les quatre membres du Gouvernement. La Primature n’en était pas signataire, insiste-t-il.

Par ailleurs, le rapport de l’IGF n’épingle pas que Matata Ponyo. Plusieurs autres noms sont cités, avec des détails sur la responsabilité de chacun d’eux dans ce document confidentiel auquel Politico.cd a eu accès. L’on y retrouve par exemple l’actuelle Députée Nationale Louise Munga, Ministre du Portefeuille à l’époque des faits; l’actuelle Sénatrice Ida Kamonji, Directrice Générale de Parc Agri à l’époque des faits; Matondo Mbungu, Directeur Général du Bureau Central de Coordination (BCECO); et biens d’autres noms qui seront dévoilés prochainement.

Stéphie MUKINZI

4 comments
  1. Dès confiscations sont elles envisagées afin dans le patrimoine des responsables Personnes physiques et dans le patrimoine des sociétés impliquées. Car la justice serait de récupérer ces fonds détournés.

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