PPRD : la déliquescence après le règne

C’est un secret de polichinelle. Plus rien ne va au sein du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) de Joseph Kabila. Les violons sont, depuis peu, loin de s’accorder dans les rangs de cette formation politique qui a passé près de 18 ans au pouvoir. Le naufrage, disons les malaises, ont commencé dès l’annonce d’Emmanuel Ramazani Shadary comme dauphin de Joseph Kabila à la présidentielle de 2018. Cette annonce avait poussé Tryphon Kin-Key Mulumba, alors fervent défenseur de Kabila, à quitter le navire Front Commun pour le Congo (FCC) avec le PPRD en tête. Présidentielle tenue, le dauphin coule. La « machine » FCC perd la présidentielle et plonge dans la tourmente.

Comme un malheur ne vient jamais seul, une série de défaites politiques s’enclenche. À l’Assemblée Nationale, Jeannine Mabunda, membre de première heure du PPRD, est déboutée du perchoir de cette Chambre. Son éviction a été portée également par des députés nationaux de sa propre famille politique. Même réalité à la Chambre haute du Parlement. Alexis Thambwe Mwamba, un dernier PPRD à tenir encore à la tête d’une des institutions hautement politiques du pays, est lui aussi renversé.

Le cyclone n’a pas encore fini de tout emporter sur son passage. Il lui reste un gros arbre à déraciner : Sylvestre Ilunga Ilunkamba, Premier Ministre sorti des entrailles du PPRD. Le septuagénaire va assister impuissamment à sa destitution. Ces défaites, sont en grande partie portées par les députés nationaux, toujours du PPRD, mais qui ont basculé dans l’Union sacrée de la Nation, vision de l’actuel Raïs de la RDC.

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Depuis, les frustrations s’accentuent. Les linges sales sont même lavés dehors, dans la rue. Une frange de la ligue des jeunes ne jure désormais que par l’éviction de celui qui gère le parti au quotidien, à savoir Emmanuel Ramazani Shadary. Les jeunes du Parti accusent les vieux de n’avoir pas mieux géré la structure politique et d’être à la base de son effondrement. Cette fronde ne va pas s’éteindre de si tôt, préviennent les jeunes, initiateurs. Mais à la tête du parti, du côté des vieux, on relativise.

Les caciques ont conduit Kabila à la ruine

En exigeant la chute de Shadary, les frondeurs disent vouloir « renouveler » les animateurs du PPRD en raison du bilan « macabre que tout le monde connaît ». Me Jimmy Ngalasi, Coordonateur de ce courant, confie que leur mouvement constitue le déclic pour entamer désormais le rajeunissement des organes gestionnaires du PPRD.

« La force du changement prône l’émergence des nouvelles pensées au sein du PPRD. Renouveller et rajeunir la classe politique en y plaçant des hommes intègres non manipulables. Démocratiser le PPRD, le renouveller conformément aux enjeux de l’heure et au regard du bilan macabre que tout le monde connaît. Mettre de côtés tous les visages qui ne sont plus consommables par l’opinion. Mettre fin au népotisme qui caractérise Emmanuel Shadary, le Secrétaire permanent honoraire », explique-t-il.

Ces jeunes disent également s’opposer « à la manière dont les caciques ont conduit Joseph Kabila à la ruine, voulant faire du PPRD, un MPR bis ». Pour Me Jimmy Ngalasi, leur « combat intervient après plusieurs humiliations institutionnelles que traverse le parti ». Et le départ de Shadary est « l’alternative crédible ». Une guerre qui jouit de la bénédiction de Joseph Kabila, à en croire Me Ngalasi.

« Le PPRD va rester plus fort »

L’actuelle équipe dirigeante rassure que le parti politique de Joseph Kabila se porte plutôt bien. « Rien ne se passe » au PPRD. Ferdinand Kambere, l’un des Secrétaires permanents, rassure que ceux qui réclament l’éviction de Shadary « jouent le jeu de l’ennemi ». Il insiste sur le fait que l’adhésion étant libre, les frondeurs « peuvent partir librement ».

« Au PPRD il ne se passe rien. On ne va pas suivre tous ceux-là qui veulent partir, qui sont en train de jouer la carte de l’ennemi partout où ils vont. Celui qui veut partir, qu’il parte. Les députés sont partis. Ils ne seront pas les premiers à partir. Kamerhe était parti. Moïse Katumbi également. Si quelqu’un croit que ses aspirations ne sont plus au parti, on ne peut l’empêcher. Les gens adhèrent librement et peuvent partir librement. Ils ont choisi un mauvais contexte », déclare Ferdinand Kambere.

Ce dernier se dit serein et croit en la stabilité de son parti : « ils croient qu’ils vont déstabiliser le parti mais le PPRD est très très bien structuré. Je ne sais pas par où il faut commencer pour mettre la pression sur le Président national du parti qui est Joseph Kabila. Ils n’ont qu’à aller se promener ailleurs. On est stable. Imperturbable ».

À ceux qui veulent la chute de leur équipe, Ferdinand Kambere justifie qu’ils ont un mandat de 3 ans qui tend déjà vers son terme. « Il y aura un nouveau SP après Shadary. C’est bien réglementé », insiste-t-il sans donner la date du prochain congrès. Kambere affirme que Joseph Kabila, Président national du PPRD, « suit ce qu’il se passe mais ce n’est pas ça, ce qui l’interresse. Les priorités du parti ce ne sont pas ce qu’ils racontent. Grand parti comme le nôtre, même après les départs de députés nationaux, le PPRD va rester le parti le plus fort et le plus grand alors ».

Ces guéguerres viennent, pour plusieurs observateurs, hypothéquer l’avenir d’un parti politique qui a flirté avec le pouvoir 18 ans durant. Les membres du parti politique de Joseph Kabila s’autodétruisent et s’attaquent désormais sur la place publique, dans le silence assourdissant de Joseph Kabila lui-même. Ce dernier s’est récemment rendu à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, pour des raisons de santé, nous glisse son entourage.

Stéphie MUKINZI

1 comments
  1. Tout parti dictatorial connait tjrs une désintégration a la fin de son règne. C’est le sort qu’avait connu le MPR du maréchal Mobutu et aujourd’hui c’est le tour du PPRD du sénateur à vie Kabila.

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