Tshisekedi et les transfuges du FCC : le deal win-win pour déstabiliser Kabila ?

Ils sont au total une centaine, une ribambelle de personnalités politiques et surtout députés nationaux, à tourner le dos à l’ancien Président Joseph Kabila pour se rallier désormais à Félix Tshisekedi, son sucesseur. Ces adhésions, aux allures d’un deal win-win qui destabilise visiblement Kabila, viennent par contre réconforter la présidence d’un Tshisekedi dont le parti UDPS ne compte en réalité que moins de 50 sur les 500 députés nationaux. Dès le départ, selon plusieurs indiscrétions, ces transfuges du Front Commun pour le Congo de Kabila, plus nombreux que les députés membres d’Ensemble de Moise Katumbi et ceux de la coalition de Jean-Pierre Bemba, exigeaient de Félix Tshisekedi la présidence de l’Assemblée nationale comme part du gâteau. Une révélation rapidement démentie par le député PPRD Jean-Pierre Lihau, alors pressenti probable ticket de l’Union sacrée à la Présidence de la Chambre basse.

Au cours d’un entretien le 19 janvier, le Président a.i du parti présidentiel, Jean-Marc Kabund, rassurait ces tranfuges qu’il ne ménagerait « aucun effort pour défendre leurs intérêts ». À la différence de Katumbi et Bemba, pour Jean-Marc Kabund, ces anciens kabilistes ont « compris » l’Union sacrée « plus que ceux qui sont venus de l’opposition ». Recevant à son tour les mêmes députés, Félix Tshisekedi les rassurait d’avoir rejoint le côté du peuple : « vous n’avez trahi personne, vous vous êtes mis du côté du peuple », disait le Président de la République.

Les jours sont passés. Et le Premier ministre appartient au passé. En attendant la formation du Gouvernement dit de l’Union sacrée, c’est à ces transfuges que Félix Tshisekedi confie la présidence, la deuxième vice-présidence et la questure adjoint du Bureau définitif de l’Assemblée nationale. Simple coïncidence ou calcul politique ? Christophe Mboso est désormais candidat unique à la présidence de la Chambre basse. Les candidatures de ses deux challengers, notamment celle de Jean Kimbunda du FCC, sont jugées non récevables. La candidature de Mboso relève désormais d’une simple formalité, au vu d’une certaine opinion. Jusqu’ici doyen du Bureau d’âge, Christophe Mboso, ancien vice-ministre de la Justice sous Kabila, a joué un rôle non négligeable dans la déchéance du Bureau Mabunda avec pour conséquence directe le basculement de la majorité parlementaire en faveur de Félix Tshisekedi et, tout récemment, la destitution du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Pas du tout étrange qu’il gagne la confiance du Chef de l’Etat au point de se voir confier une fonction si stratégique, naturellement reservée au cercle très restreint du Président de la République.

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Un autre Kabiliste d’hier est devenu lui aussi un des artisans de l’Union sacrée. Ayant été l’un des premiers à embarquer dans la barque Union sacrée, Bahati Lukwebo est rapidement devenu l’homme de confiance du nouveau Raïs. Lui qui a pendant longtemps été très proche de Joseph Kabila qui lui confiait alors divers portefeuilles de l’État, avant de quitter l’homme de Kingakati pour n’avoir pas soutenu sa candidature à la tête du Sénat, Bahati Lukwebo se révélé être l’homme de la situation dont Félix Tshisekedi avait besoin pour concrétiser, mieux, consolider sa vision de l’Union sacrée. Déjà sous Kabila, Lukwebo revendiquait être la plus grande force politique du FCC après le PPRD. Nommé Informateur le 31 décembre 2020, Bahati Lukwebo a mis 4 semaines pour offrir à Félix Tshisekedi « une majorité confortable et écrasante ». Remettant son rapport final, Bahati Lukwebo a réussi à convaincre 391 députés nationaux issus de 24 regroupements politiques et 1 député indépendant, tous réunis au sein de l’Union sacrée.

En retour, bien que pressenti au perchoir du Sénat dans le cadre de cette coalition, Bahati Lukwebo et son AFDC-A vont se contenter du poste du 2ème Vice-Président du Bureau définitif de l’Assemblée nationale. Comme gage d’assurance, le candidat de l’AFDC-A est lui aussi unique à ce poste.

Un troisième Kabiliste d’hier représente aujourd’hui un poids considérable en faveur de Tshisekedi. Forte de ses 17 partis politiques, 23 députés nationaux, 1 sénateur, 24 députés provinciaux, 1 président de l’Assemblée provinciale, 1 Gouverneur et 2 vice-gouverneurs, l’Alliance des Démocrates pour le Renouveau et le Progrès (ADRP) de François Rubota qui a rejoint l’Union sacrée est gratifiée, à son tour, avec le poste de questeur adjoint. Avec assurance : encore une candidature unique à ce poste. En effet, cinq autres candidatures concurrentes sont déclarées non-recevables.

Ces départs en cascade ont porté un coup dur au Front Commun pour le Congo de Joseph Kabila qui a vu sa majorité parlementaire se déconstruire et s’écrouler tel un château des cartes. Avec la déchéance de Jeannine Mabunda à la tête du Bureau de l’Assemblée nationale et le départ de Ilunkamba du gouvernement central, la famille politique de Joseph Kabila est contraint de basculer dans l’opposition. Une évidence que partagent déjà quelques fidèles de l’ancien Président. Retiré dans sa ferme de Kashamata à Lubumbashi, Joseph Kabila ne fait toujours aucun écho.

Stéphie MUKINZI

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