RDC : Toute la vérité sur l’affaire Patient Sayiba de l’OGEFREM

« Patient Sayiba est en fuite à Tanzanie », la rumeur faisait rage au mois de juin dernier. Vital Kamerhe faisait face aux juges dans son désormais célèbre procès, alors que d’autres affaires judiciaires devraient suivre, le président Félix Tshisekedi ayant lancé une vive campagne contre des faits présumés de corruption.  Mais le Directeur général de l’Ogefrem n’était pas en fuite. Internet a voulu exagérer, avec même un mandat d’arrêt publié sur les réseaux sociaux.

L’affaire était pourtant réelle. Le parquet de Kinshasa – Gombe avait convoqué Patient Sayiba pour l’entendre autour de sa gestion de deux projets, le Port sec de Kasumbalesa et la mise en place d’un nouveau système de fiche électronique de renseignements à l’importation (FERI).  Le choix du prestataire de ce dernier projet n’aurait pas été légal, alors que des fonds auraient disparu dans le projet du Port sec.

Une affaire que le parquait avait classé sans suite

Fin juin, le Directeur général de l’OGEFREM est finalement auditionné par son « juge naturel », après avoir vu la Cour de cassation tenter, en vain, de récupérer son dossier, dans une polémique entre les instances. Patient Sayiba sera entendu pendant quatre heures, le vendredi 26 juin 2020, avant de regagner librement son domicile.   « Il a été entendu pendant 4 heures. Le Parquet a voulu se renseigner sur certains dossiers au sein de l’OGEFREM et tout s’est passé dans le calme », explique une source judiciaire.

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Mais la justice ne trouve pas ce qu’elle cherchait. Le Directeur général de l’OGEFREM rentre libre chez lui. Dans un document datant du 21 juillet 2020, et dont la copie est parvenue à POLITICO.CD, le parquet classe même l’affaire. « J’ai l’honneur de vous informer que le dossier judiciaire repris en marge, ouvert à notre office, a été classé sans suite pour faits non établis à charge de votre client Sayiba Patient, Directeur général de l’OGEFREM », dit l’avocat général dans cette lettre adressée aux avocats du Directeur général de l’OGEFREM.

Début septembre, le Directeur général entreprend une série de nouvelle mise en place au sein de l’OGEFREM. Cependant, à l’issue du Conseils des ministres du vendredi 11 septembre, il est affirmé que le Président Félix Tshisekedi a ordonné à certains ministres qui ont établi des mises en place au sein de certains établissements et services publics, notamment l’OGEFREM de rapporter ces décisions. Mais aucune autre entreprise n’est nommée, l’OGEFREM étant finalement la seule épinglée.

« Ces mises en place sont faites en violation des instructions encore en vigueur à ce sujet », rapporte le compte rendu. Selon le Conseil des ministres, « lesdites mises en place qui sont intervenues sans une dérogation expressément accordée à la suite d’une demande motivée et justifiée par les besoins de fonctionnement de service surtout en cette période de lutte contre la Covid-19, créent des tensions sociales dans la mesure où elles portent en elles les germes de dissension et de subversion car, dans la plupart des cas, elles sont mal pensées ». 

Entre politique et règlement de comptes

Toutefois, selon des hauts cadres de cette société publique,  c’est plus tôt un groupe d’une dizaine de personnes écartées qui contestent leur éviction, au point d’instiguer l’affaire au niveau du Conseil des ministres, qui a vu le Chef de l’État, Félix Tshisekedi, décider de suspendre, la semaine dernière, les mesures prises par Patient Sayiba.  « Ces personnes ne cessent jour et nuit, de non seulement combattre l’équipe en place à l’OGEFREM, mais aussi, elles cherchent à déstabiliser le bon fonctionnement de notre Office. Le DG Sayiba paye régulièrement les cadres et agents, il a amélioré leurs conditions de travail, il a multiplié les recettes de l’entreprise et il rembourse les millions de dollars de dette que le DG Kikwa a laissé à l’entreprise », explique un cadre de l’OGEFREM.

Le lundi 14 septembre, Patient Sayiba reçoit tout à coup une nouvelle invitation du Parquet. Aucun motif n’est communiqué. Il s’y présente le même lundi et fini donc par être détenu. Officiellement, le parquet continue toujours de l’interroger. A l’issue de la première journée, où deux « inspecteurs » l’ont longuement interrogé sur les mêmes faits que durant sa première audition ayant entrainé le classement de l’affaire, Dominique Ilunga, Directeur financier de la société publique, débarque au parquet. Il n’est pas auditionné, mais placé déjà en détention.

Laurent Onyemba, un des avocats de Patient Sayiba, estime de son côté que cette affaire est purement politique. « Dans l’affaire Ogefrem,  je reste formel, la détention de Patient Sayiba est illégale. Sans de faits nouveaux, la révocation de sa propre décision de classement sans suite est injustifiée par le PG/Gombe n’est pas motivée », fait-il remarquer.  

En outre, selon nos informations, un prestataire recalé le projet de FERI aurait proféré de menaces contre la direction de l’OGEFREM. « Nous savons que cette affaire émane des gens qui s’acharnent sur notre DG. Nous savons qui ils sont. Ils ont déjà ouvertement menacé d’en finir avec lui, en faisant savoir qu’ils ont des contacts hauts placés à la présidence », révèle un proche du Directeur général de l’OGEFREM.

Une grève qui paralyse la douane congolaise

Ce matin, le Directeur financier de l’OGEFREM a été auditionné.  Son directeur général attend toujours une suite sur sa situation. Mais le Parquet n’explique toujours pas pourquoi avoir classé l’affaire et la rouvrir aujourd’hui. Nos tentatives pour obtenir de réponses sont restées vaines. « Le parquet ne peut pas communiquer sur une affaire en cours », a répondu à représentant du parquet, contacté ce matin par POLITICO.CD.

Les agents et hauts cadres, y compris l’Intersyndical, ont apporté leur soutien au Directeur général. Depuis hier, les bureaux de l’OGEFREM restent fermés. Cette société publique, qui s’occupe notamment de fiches de Renseignements Électronique à l’ importation, pénalise les services douaniers congolais où aucune déclaration ne peut plus être faite. Remerciant ses employés, Patient Sayiba les avait pourtant appelés, hier, à reprendre le travail. « Le Directeur Général de l’Ogefrem PATIENT SAYIBA appel les agents et cadres d’observer le calme et la discipline, d’être chacun à son poste de travail et de faire confiance à la justice de notre pays » a tweeté son assistant.

A Beni, dans le Nord-Kivu, des agents de l’OGEFREM ont fait diffuser des vidéos les montrant en train de sceller leurs bureaux, tout en affichant un message de soutien au Directeur général. «Le personnel de l’OGEFREM sous-direction de Beni demande la libération sans condition de son Directeur général Monsieur Patient Sayiba Thambwe qui accompagne sans relâche la vision du Chef de l’Etat son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi. », ont-ils affiché. A Lubumbashi, les bureaux de l’OGEFREM sont également restés fermés toute la journée. Du côté de l’Intersyndical, on estime donc que les poursuites contre le Directeur général sont politiques. « C’est un acharnement politique. Il n’y a rien de juridique dans cette affaire. Nous restons mobilisés derrière le Directeur général Patient Sayiba et appelons les autorités à intervenir pour que cesse cet acharnement », explique le responsable de l’intersyndicale.

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