En RDC, les Kabilistes cernés de toutes parts

La tension politique monte en République démocratique du Congo entre l’ancien président Joseph Kabila et son successeur Félix Tshisekedi. L’actuel Chef de l’État n’a pas caché sa colère dans le discours historique à l’occasion des 60 ans de l’indépendance du pays, le 30 juin 2020. Félix Tshisekedi a haussé le ton autour d’un bras de fer qui l’oppose à ses alliés, notamment au sujet de trois propositions de lois controversées sur les magistrats congolais. « Aucune majorité politique ou parlementaire, d’où qu’elle vienne, ne peut outrepasser les principes fondateurs de la République », a insisté le Chef de l’État, affirmant qu’il n’accepterait, « sous aucun prétexte », la réforme du Statut des magistrats. À son avis, des réformes dans ce secteur « viendraient porter atteinte à des principes fondamentaux régissant la justice ».

Il fait bien allusion aux trois propositions des lois déposées, début juin 2020, par les députés Aubin Minaku et Garry Sakata, et qui visent à renforcer les attributions du ministre de la Justice. Des propositions de loi dénoncées par la quasi-totalité de la classe politique et même la société civile, exceptée, seule, la coalition de Kabila. Déjà validées par la commission politique de l’Assemblée, où le FCC est majoritaire, elles pourraient donner pleins pouvoirs à l’actuel ministre de la Justice, Célestin Tunda Ya Kasende. Sauf qu’en plus d’être un cadre du FCC, le ministre est visé par une enquête de la justice congolaise pour « faux en écriture et usage de faux ». Il a été interrogé pendant plusieurs heures, le samedi 27 juin 2020, par la Cour de cassation à Kinshasa pour avoir envoyé une validation de ces propositions de la part du gouvernement, sans en informer le Premier ministre, ni même le Président de la République.

Non au musellement des juges

Il n’y a pas que le camp du président Tshisekedi qui proteste contre cette loi. Du côté de l’opposition, notamment la coalition de LAMUKA, qui regroupe l’ancien candidat à la Présidentielle Martin Fayulu, ou encore l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, Jean-Pierre et Aldophe Muzito, on dénonce également les manœuvres des Kabilistes pour « museler » les juges congolais.

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« Je mets en garde tous ceux qui orchestrent des manœuvres sordides pour pérenniser le pouvoir honni par le peuple. Je dis non à la caporalisation et à l’assujettissement de la justice et non à la privatisation de la centrale électorale. Je demande au peuple de commencer les manifestations publiques de protestation, dans le respect des gestes barrières, afin de faire entendre sa voix pour barrer la route au projet maléfique de Monsieur Kabila », a déclaré Martin Fayulu.

Moïse Katumbi, très en vue à la tête de l’opposition congolaise au Parlement, est monté également au créneau pour dénoncer les trois lois. L’ancien gouvernement appelle la population à être, « tous prêts », à marcher pour l’indépendance de la Justice. « NON au retour de la dictature ! Si hier nous avons eu le courage de dire NON au changement de Constitution, aujourd’hui nous devons dire NON à la caporalisation de la magistrature ! Soyons tous prêts à marcher pour l’indépendance de la Justice ! Le banditisme du FCC doit cesser ! », a-t-il déclaré sur son compte Twitter.

Toutefois, le président du parti « Ensemble pour la République » et la société civile, notamment les principales églises congolaises, se retrouvent de nouveau face à la coalition de Joseph Kabila. Les Catholiques, en premier plan, dénoncent, outre ces trois lois, une autre initiative du FCC, cette fois autour de la Commission électorale. Selon nos informations, sous la houlette de la coalition de Joseph Kabila, des propositions sont en cours pour désigner de nouveaux acteurs de la CENI, issus de la même équipe qui a organisé les dernières élections en RDC. L’avocat Ronsard Malonda Ngimbi, actuel Secrétaire Exécutif National de la CENI, est cité parmi les favoris du FCC pour succéder à Corneille Nangaa. À titre de rappel, l’actuel président de la CENI était « Secrétaire exécutif », avant de succéder à l’abbé Apollinaire Malumalu à la tête de la Commission.

L’Eglise catholique, l’Eglise protestante et la société civile fustigent cette désignation car M. Malonda était au poste de Secrétaire exécutif de la Commission électorale au moment du processus largement contesté en 2018. Quelques jours après ce processus de désignation étrangement enclanché par la présidente de l’Assemblée nationale Jeanine Mabunda, l’Eglise Kimbaguiste a dénoncé un faux vote qui a été attribué à M. Malonda en son nom. Elle a notamment retiré son représentant des discussions, demandant un processus beaucoup plus transparent.

Le 18 juin 2020, le président du parti « Ensemble pour la République », l’opposant Moïse Katumbi a échangé avec l’ambassadeur des USA en RDC, Mike Hammer, sur la polémique suscitée par cette désignation. Pour Moïse Katumbi, les USA sont un partenaire-clé de la RDC. « Les vrais amis, selon lui, se doivent toujours la vérité ». Sur la CENI, il dit avoir relevé que « pour des élections 2023 crédibles, on ne mélange pas les anciennes tomates pourries avec les nouvelles »

Tentative de passage en force à la CENI

Face à cette fronde, les Kabilistes tentent de réajuster leur tir, notamment au niveau de l’Assemblée nationale. D’autant plus que, du côté du président Félix Tshisekedi, on compte tout mettre en œuvre pour bloquer les deux manœuvres. Selon nos informations, le Chef de l’État congolais envisage de ne pas prolonger l’état d’urgence en place dans le pays, qui expire le 5 juillet 2020, dans le but d’entraîner la fin de la session parlementaire en cours et, donc, de couper court à ces projets de lois et de succession à la tête de la CENI.

Cependant, plusieurs sources, du côté du FCC, nous rapportent que la coalition de Kabila devrait finalement mettre ses lois en berne, tout en essayant un passage en force au niveau de la CENI. « Normalement, la session actuelle, qui pourrait être clôturée au 5 juillet, pourrait finalement se consacrer seulement à la question de la CENI. En septembre, nous verrons ensuite la question des réformes judiciaires », explique un député élu du PPRD.

Mais, la société civile et l’opposition ne l’entendent pas de cette oreille. Des représentants du Comité Laïc de Coordination (CLC) ainsi que ceux des Mouvements citoyens LUCHA, FILIMBI et les CONGOLAIS DEBOUT ont répondu, le mardi 29 juin 2020, à l’invitation que leur a adressée, le 26 juin, la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, dans le but d’échanger sur les vives polémiques, notamment au niveau de la Commission électorale nationale indépendante et sur les trois propositions de lois controversées du Front Commun pour le Congo (FCC).

« Tout en saluant cette initiative qui faisait suite à notre communiqué conjoint du 24 juin relatif à la précipitation et à la politisation excessive du processus de désignation du Président de la Commission Électorale Indépendante, nous n’avons eu aucune assurance que les préalables nécessaires à un processus électoral crédible vont être respectés », ont, cependant, regretté ces mouvements, dans un communiqué publié mardi 30 juin 2020. Ces mouvements citoyens affirment avoir « réitéré » à Mme la présidente de l’Assemblée nationale leur position qui « fixe la réforme du système électoral national comme un préalable non négociable à toute initiative de renouvellement de la CENI ».

« Cette réforme implique la révision de la loi électorale et celle de la loi portant organisation et fonctionnement de la CENI. Pour que cette réforme tienne compte des erreurs et des déficiences du passé, nous estimons qu’il est plus adéquat que le processus de la réforme soit précédé de l’examen du rapport de la gestion des élections de 2018 et que ce rapport soit sanctionné par un audit de l’Inspection Générale des Finances et de la Cour des comptes » , expliquent ces mouvements.

En marge de la commémoration du 60e anniversaire de l’indépendance de la RDC, le Cardinal Fridolin Ambongo est revenu, dans son homélie du 30 juin 2020, sur les principaux points d’actualité. notamment la désignation des animateurs de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et les propositions de lois controversées sur la réforme de la Justice initiées par les députés nationaux Aubin Minaku et Garry Sakata.

Le Cardinal Ambongo appelle les chrétiens des églises catholique et protestante à se mettre en bon ordre de bataille pour barrer la route aux projets iniques de choix des animateurs de la CENI et des trois lois sur la caporalisation du pouvoir judiciaire. Pour le cardinal, « il y a l’acharnement de la majorité parlementaire actuelle à faire main basse sur la CENI et la Magistrature. Ce sont des pratiques qu’on ne peut jamais tolérer ».

Mgr Fridolin Ambongo annonce des jours difficiles à venir et demande au peuple de se tenir prêt en cas de passage en force des propositions de.lois controversées et de la désignation des animateurs de la CENI sans le consentement du peuple. « Les jours à venir seront difficiles. Je tiens ici à demander au peuple de se tenir en ordre de marche. Lorsque le moment viendra, lorsqu’ils s’obstineront à faire passer ces lois et ces personnages à la tête la CENI, il faudra qu’ils nous trouvent sur leur chemin », a déclaré le Prélat catholique.

Outre les catholiques, les Protestants, les mouvements citoyens, la Société civile, l’Opposition et le parti du président Félix Tshisekedi ont promis de descendre dans la rue si la coalition de Joseph Kabila s’entêtait sur les fronts des lois judiciaires et de la CENI.

1 comments
  1. Pendant que les autres refléchissent dans le sens de dépasser le niveau élementaire sur le plan socio-économique en industrialisant leurs pays, nous congolais nous nous attardons sur des choses futiles susceptibles de compromettre la bonne marche du pays au nom d’une famille politique. La RDC est vraiment malheureuse à cause de ses enfants qui ne manifeste aucun amour envers lui, chcun ne coure que derière ses propres interets. Au lieu de songer au bien-etre général de tous les congolais, c’est triste. Qu’en est-il de la revendication de la hausse du salaire des députés à 2000$US? et Quelle est la part des enseignants ou des porteurs des blouses blanches? Oooooohh!

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