RDC: Retour sur un Conseil des ministres électrique autour de Célestin Tunda et les lois Minaku-Sakata

« De toute ma carrière de ministre, je n’ai jamais connu ça. » C’est en ces termes que le Premier ministre Sylvestre Ilunkamba a clôturé les débats en queue de poisson au Conseil des ministres de vendredi 26 juin 2020. Il venait à peine de prendre le relais sur le Chef de l’Etat, le président Félix Tshisekedi, qui avait également jeté l’éponge quelques minutes auparavant.

En effet, dans cette longue réunion traditionnelle dirigée par le président Félix Tshisekedi, un sujet a opposé des ministres du gouvernement. Il s’agit des lois controversées des députés FCC Minaku et Sakata. Selon nos informations, le Vice-Premier ministre et ministre en charge de la Justice Célestin Tunda ya Kasende venait de lancer les débats autour de ces lois avant qu’un de ses collègues ne le conteste. « Monsieur le Président [de la République], le Ministre de la justice se moque de vous« , a entonné le vice-Premier ministre et ministre du Budget, Jean-Baudoin Mayo, dont les propos sont rapportés à POLITICO.CD par deux ministres qui prenaient part au Conseil des ministres.

Comme plusieurs ministres issus de la coalition CACH, Jean-Baudoin Mayo fait alors remarquer au Chef de l’Etat que les lois en discussions sont déjà traitées par le ministre Tunda, qui a déjà envoyé les avis du gouvernement à l’Assemblée nationale. « A son tour, le président Félix Tshisekedi, choqué, se retourne vers le ministre de la Justice pour confirmer les faits. Ce dernier ne l’ayant pas démenti, le Chef de l’Etat a préféré quitter la conférence vidéo, déplorant qu’il y a manque de sincérité. Il a également demandé à ce que cet incident soit noté dans le compte rendu», explique un ministre qui a requis l’anonymat.

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L’Assemblée nationale avait saisi le gouvernement pour que ce dernier donne son avis au sujet de ces trois propositions de lois largement contestées tant par l’opposition que le parti présidentiel, l’UDPS. Cependant, dans une lettre datée du 18 juin 20, le ministre de la justice a rendu les avis à l’Assemblée nationale « au nom du gouvernement ». Dans sa lettre, où il met le Premier ministre Sylvestre Ilunkamba en copie, il affirme donner « l’avis » du gouvernement, alors que le même sujet devrait être discuté au Conseil du gouvernement ce vendredi 26 juin.

Prenant la parole après le départ du Chef de l’Etat, le Premier ministre Sylvestre Ilunkamba a rapidement clôturé les débats en queue de poisson. Nul doute que le chapitre va se poursuivre aux prochaines heures.

Dans la soirée, la fameuse lettre et les proposition du ministre de la Justice ont fait surface sur les réseaux sociaux. Des opposants, qui fustigent la loi Minaku-Sakata, ont dénoncé le fait le ministre Célestin Tunda outre passe le Conseil des ministres pour donner ses avis au nom du gouvernement. « En transmettant en catimini au Parlement des avis non validés par le Gouvernement sur les propositions de loi controversées, le Ministre de la justice a commis une faute grave aux devoirs de sa fonction. La confiance étant rompue, il devra soit démissionner soit être révoqué », a fait savoir le député Claudel Lubaya sur Twitter.

De son côté, l’Association congolaise de défense des droits de l’homme appelle à des poursuites contre le ministre Célestin Tunda. « L’ACAJ appelle le Procureur Général près la Cour de Cassation à ouvrir une enquête pénale urgente sur les circonstances troubles dans lesquelles le VPM TUNDA a envoyé à l’Assemblée les avis, au nom du Gouvernement, sur les 3 textes MINAKU, alors que ce dernier n’y avait jamais statué », dit son président Gorge Kapiamba.

Au Cabinet du ministre Tunda, on dément que le ministre ait tenté de faire quoi que ce soit à l’insu du gouvernement. « Il était nullement question de faire cette action à l’Insu du gouvernement par ce que le premier  ministre, chef  du gouvernement,  était en copie et le vice-ministre de la justice ( membre de ludps) … donc cette transmission s’est faite en toute transparence », explique un membre du cabinet de ce ministre issu de la coalition de Joseph Kabila.

Dans ces trois proposition de lois, les députés Garry Sakata et Aubin Minaku proposent, notamment, l’institution d’une conférence des procureurs comme cadre de concertation et d’échange. Elle sera, selon la proposition, présidée par le ministre de la Justice. L’un des textes évoque les modalités d’injonction du ministre de la Justice à l’endroit des magistrats du parquet. C’est l’une des propositions qui énerve l’opposition. Les deux élus proposent que le garde des Sceaux, qui n’est autre que le ministre Célestin Tunda,  ait la possibilité de signaler une faute commise par un magistrat. Révoquer, suspendre ou adresser un blâme à ce dernier resteraient cependant de la compétence du Conseil supérieur de la magistrature.

En protestation, des militants de l’UDPS, le parti de Félix Tshisekedi, ont manifesté aux abords du Palais du peuple, le siège du parlement congolais, le lundi et le mardi. Certains véhicules, dont ceux d’un député, ont été caillassés. La police a dû intervenir à coup de gaz lacrymogène pour rétablir l’ordre.

5 comments
  1. Voila où le pays va. VK, Pierre angulaire malheureusement rejettée par les batisseurs ; la maison ne doit que s’ecrouler. En sa liberté, tout ceci ne devrait jamais se produire.

    1. Polico cd je sens une tendance louche sur votre plume,… »que le ministre de la justice signalerais une reproche sur les magistrat pour que….? Est ce tout? Ou bien vous ne dites tout?!

  2. Il y a eu un ouvrage intitulé  » Ces malades qui nous gouvernent », aux éditions Nouveaux Horizons. Nous devrions penser désormais « Aux voleurs qui nous ont gouvernés »

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