Mamba vs Kabund, les dessous d’une lutte explosive à l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo est piquée au vif ce matin du samedi 23 mai 2020. Tôt, le député Jean-Jacques Mamba, élu du Mouvement de Libération du Congo (MLC), n’avait encore enlever son pyjama qu’il est cueilli par des éléments de la police nationale. Il est aussitôt acheminé au cachot de la Cour de cassation en pleine centre-ville de Kinshasa confiné pour lutter contre la Covid-19. Un mandat d’amener, celui qui lui a été présenté, va faire surface sur internet. D’après ce document, le député du MLC est arrêté sous ordre du premier avocat Bernard Minga. « Jean Jacques Mamba poursuivi pour faux et usage de faux« , d’après une source judiciaire.

Une lutte téléguidée entre Mamba et Kabund

Stupeur sur les réseaux sociaux. D’autant plus que cette arrestation intervient dans un contexte tendu au sein du bureau de l’Assemblée nationale. Jean-Jacques Mamba est l’initiateur de la pétition signée contre le premier vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund, l’inoxydable leader de l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) du président Félix Tshisekedi au pouvoir.  Cependant, parmi les signatures de cette pétition, trois députés dénoncent n’avoir pas paraphé le document, contrairement à celui remis par le député du MLC au président de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, laquelle a officiellement notifié le président intérimaire de l’UDPS de la procédure qui a été enclenchée à son encontre.

Derrière cette pétition, c’est la déchéance de Jean-Marc Kabund qui est visée. Il faut dire que le président intérimaire de l’UDPS s’est fait quelques soucis avec le camp de l’ancien président Joseph Kabila, qui a la majorité absolue dans les deux chambres du Parlement. Un bon matin, au cœur d’une lutte autour de la prolongation de l’Etat d’urgence et de la tenue d’un congrès soutenu par le FCC et redouté par le camp du président Félix Tshisekedi, Jean-Marc Kabund a fait une sortie médiatique affirmant faussement que ce congrès allait coûter 7 millions de dollars à l’Etat. Dans la foulée, Jean-Jacques Mamba, pourtant député de l’opposition, étant issu du parti de Jean-Pierre Bemba, lance une initiative demandant des comptes à Kabund, jusqu’à réclamer aujourd’hui son départ du poste du premier vice-président de l’Assemblée nationale, obtenu grâce à l’accord de coalition entre le FCC et le CACH.

Publicité

Du point de Jean-Marc Kabund, la procédure de destitution soutenue à travers la pétition de Jean-Jacques Mamba est initiée par le camp de Joseph Kabila. Il faut dire que même Jean-Pierre Bemba, président du MLC, s’est désolidarisé de l’initiative de son député, étrangement soutenue par des cadres du FCC. Cependant, Mamba a réuni la majorité des signatures, transférant donc la pétition à Jeannine Mabunda, qui ne s’est pas fait prier pour rapidement programmer le traitement de l’affaire par l’Assemblée nationale.  Une épée de Damoclès est dès lors suspendue sur la tête de Kabund.

Kabund contre-attaque

De son côté, Kubund a activité les batteries pour s’éviter une déchéance. Depuis plusieurs jours, des cadres de l’UPDS ont haussé le ton contre cette procédure. On arrive alors étrangement à l’épisode où trois députés dénoncent n’avoir jamais signé cette pétition. Parmi les députés qui démentent leur signature à la pétition, il y a l’élu de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), parti de Vital Kamerhe, membre de la coalition du CACH avec le président Tshisekedi. Car entre-temps, si Vital Kamerhe est en prison, poursuivi notamment pour détournement, le président de l’UNC a appelé, dans une lettre, ses élus à soutenir Jean-Marc Kabund.

Du coup, Simon Mpiana Ntumba ne se rappelle plus avoir signé cette pétition. L’élu de l’UNC a déposé le lundi 19 mai une plainte au Parquet général près la Cour de cassation contre son collègue Jean-Jacques Mamba pour « faux et usage de faux ». Dans sa plainte, Mpiana Ntumba Simon accuse son collègue d’avoir inséré frauduleusement son nom et imité sa signature « en vue de prétendre que c’est nous, en violation même des dispositions de l’article 56 du Code de la famille qui consacrent l’immuabilité des éléments du nom« . De son côté, le national élu du MLC, Jean-Jacques Mamba, sollicite une confrontation avec son collègue devant le conseil des sages de la chambre basse du parlement.

Cependant, selon la loi congolaise, un député ne peut pas être arrêté ni poursuivi sans autorisation de l’Assemblée nationale. Ainsi, le bureau de la Chambre basse a mis en place une commission pour entendre le 4 députés concernés par cette affaire de fausses signatures. Néanmoins, le 22 mai à midi, dans un tweet, le député Mamba affirme que son collègue Mpiana aurait reconnu finalement avoir signé ce document. « Mon collègue a reconnu devant 6 témoins (tous députés) dont 1 de son propre parti UNC (…) avoir signé dans la salle de congrès. Donner gratuitement du travail au parquet n’est pas bon. La commission a acté la vérité et continue son travail pour les 2 autres cas« .

Une arrestation qui précipite le sort de Kabund

Pendant ce temps, le député Mpiana dément à nouveau cette version des faits du député Mamba. « je tiens à préciser que je n’ai jamais été entendu ni confronté dans une quelconque commission de l’Assemblée Nationale, et que cela n’est que le fruit de l’imaginaire du collègue en perdition et qui semble être poursuivi par l’esprit du Faux (molimo ya lokuta). Son agitation médiatique pour tenter d’expliquer son acte infractionnel est patent pour comprendre qu’il en est conscient. Conséquence à tirer de la sortie médiatique raté de mon collègue« , dit-il dans son communiqué. Le député Mpiana annonce une deuxième plainte contre le député Mamba pour « amputation dommageable. »

Étrangement, le soir du vendredi 22 mai, un mandat d’amener est émis à l’endroit du député Mamba, qui sera arrêté ce samedi (le lendemain) à son domicile. Par ailleurs, des sources judiciaires évoquent une « flagrance » pour expliquer l’arrestation du député congolais du MLC, sans passer par l’Assemblée nationale. Toutefois, dans le mandat d’amener, la justice évoque plutôt le fait que « l’inculpé est en défaut de satisfaire à un mandat de comparution » ou un risque de « fuite ».

A l’Assemblée nationale, la décision ne passe pas. Un membre du bureau joint par POLITICO.CD estime que cette arrestation risque de « précipiter les choses » vis-à-vis de Jean-Marc Kabund, qui est toujours visé par la pétition qui réclame sa déchéance. « Arrêter un élu comme ça, en pyjama, va beaucoup énerver les élus qui ne peuvent pas tolérer ce type d’abus de pouvoir. La pétition va être analysée vigoureusement et l’Assemblée nationale en tirera toutes les conséquences« , dit ce député membre du Bureau de la chambre basse du parlement congolais.

Les élus pourront se réunir dans la journée pour évaluer la situation. Une conférence de presse est convoquée dans les prochaines heures. Dans un tweet, l’Assemblée nationale dénonce l’arrestation et réclame la libération immédiate du député Mamba.

4 comments
  1. Immunités ne signifient pas impunités. En cas de flagrance, les immunités tombent. (Art 107 al. 2 de la Constitution). Le bureau peut en demander la libération (Art 104 al. 4).
    Il ne servira à rien à l’Assemblée Nationale de précipiter la décheance de Kabund parce qu’en que de vice de procédure, le Conseil d’Etat aura à annular cette décheance. Be careful

    1. Pourquoi c’est toujours les Mukeba, les Katende, kabongo et Lukusa qui cautionnent les betises du Regime des Tshilombo. Vraiment muluba jamais akoki kokoma president na Congo.

      1. Moluba asi akomi président. Donc perte de temps. Le débat est technique et non tribal. Katende a donné ses arguments. Donnez aussi les vôtres

  2. Vous avez vu où un Conseil d’État annuler un vote de l’assemblée nationale d’un pays? Arrêtez le fanatisme!!! Lorsqu’on se dérobe des formes pour l’arrestation d’un Général, pour l’arrestation d’un député national, ne vous étonnez pas que votre arrestation, vous simple citoyen, se fasse dans le plus grand mépris de toute règle, vous qui n’avez ni titre ni immunité!

    Loi organique du 15 octobre 2016
    Portant organisation, compétence et
    fonctionnement des juridictions de l’ordre
    administratif
    Art. 85
    1 La section du contentieux du Conseil d’État est le juge de toutes les
    affaires qui relèvent de la compétence contentieuse du Conseil d’État.
    2 Sans préjudice des autres compétences que lui reconnaît la Constitution
    ou la présente loi organique, la section du contentieux du Conseil d’État
    connaît, en premier et dernier ressort, des recours en annulation pour
    violation de la loi, de l’édit ou du règlement, formés contre les actes,
    règlements ou décisions des autorités administratives centrales ou contre
    ceux des organismes publics placés sous leur tutelle ainsi que ceux des
    organes nationaux des ordres professionnels.
    3 La violation de la loi, de l’édit, du règlement, de la coutume et des
    principes généraux de droit comprend notamment :
    1. l’incompétence ;
    2. l’excès de pouvoir ;
    3. la fausse application ou la fausse interprétation de la loi, de l’édit
    ou du règlement ;
    4. la non-conformité à la loi, à l’édit ou au règlement de l’acte, du
    règlement ou de la décision dont il a été fait application ;
    5. la violation des formes substantielles ou des formes prescrites à
    peine de nullité des actes ;
    6. la dénaturation des faits et des actes ;
    7. la négation de la foi due aux actes.
    3 La section contentieuse statue souverainement, en tenant compte des
    circonstances de fait et de droit sur les recours en suspension formés
    contre lesdits actes.

Comments are closed.

Recevez l'actualité directement dans votre email

En appuyant sur le bouton S'abonner, vous confirmez que vous avez lu et accepté notre Politique de confidentialité et notre Conditions d'utilisation
Publicité

En savoir plus sur Politico.cd

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading