Gestion de 100 jours : un comité « Benda Bika »

Vital Kamerhe n’était pas venu blaguer à l’ouverture de son procès. Même si les balbutiements de Jammal Samih cherchant ses mots de français ont fini par faire sourire le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi. Derrière, l’allié du président était venu chercher son salut. Il risque une peine allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement ferme, en plus d’une mort politique certaine. Alors, VK a fait passer le message. L’image, d’abord : il se laisse pousser une barbe, et est souvent en colère, après s’être assuré que le procès sera retransmis en direct à la télévision.

En prenant la parole, Vital Kamerhe est combatif. Il ne se laisse pas impressionner. Il le dit, au risque de prendre ses propres partisans à contre-pied. Que ce programme de 100 jours est l’œuvre du président Félix Tshisekedi. « Ce programme n’est pas le fruit de Monsieur Kamerhe. Ce programme est avant tout élaboré et il est approuvé par le Chef de l’État lui-même », renvoie-t-il, rejetant sa responsabilité.

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Vital Kamerhe prend également soin de préciser qu’il n’a pas géré ce programme seul : « Je ne dis pas que j’étais superviseur. Nous étions dans une équipe de supervision. [Nous étions] 9 au total. Mais, le document, il est là. Lisez-le. Il y avait Monsieur Vital Kamerhe, directeur de cabinet, et Monsieur Kolongele, Directeur de cabinet adjoint. Il y avait Monsieur Yav, Ministres des Finances. Il y avait le gouverneur de la Banque Centrale, il y avait le ministre du Budget de l’époque… En plus de ces 9 personnes, il y avait la coordination. Ce qui est étonnant ici », ajoute-t-il.

Il cite, également, en dehors de la cellule de supervision, une cellule de Coordination dirigée par Nicolas Kazadi, ambassadeur itinérant du Chef de l’État. Vital Kamerehe, comme ses partisans et proches qui promettaient d’ouvrir une boite de Pandore durant ce procès, exprime alors sa surprise que le directeur de cabinet du Chef de l’Etat soit le seul à être épinglé.

Un comité en tiraillements

Le comité de gestion de ce programme est à l’image du scandale. Un document signé par Vital Kamerhe lui-même, le 13 juin 2019, en révèle une partie. En effet, le directeur de cabinet du président Tshisekedi signe, dans ce document, une décision portant mise en place du Comité, établissant, notamment, sa composition. Sauf qu’au moment où le document est signé, le programme de 100 jours avait déjà été mis en place depuis plus de 109 jours. Par ailleurs, les membres de ce comité multisectoriel ne s’accordent pas. Outre les obédiences politiques, il y a également une farouche guerre sur les responsabilités et le bilan du programme.

Selon plusieurs sources à la présidence de la République, avant la signature de ce document, Vital Kamerhe a dirigé seul le programme, en associant quelques proches à lui. « Il suffit de regarder tous les documents qui ont été signés à l’époque. Tous les marchés ont été accordés avant la mise en place du Comité. Prétendre qu’il y a eu une supervision commune du programme, c’est mentir », affirme un conseiller du président Félix Tshisekedi qui a requis l’anonymat.

Ce que des proches de Vital Kamerhe démentent.« Le Comité a commencé à travailler avant la publication du document qui n’est qu’une formalisation. Les travaux du Comité ont commencé de la conception du programme à son lancement. À chaque étape, tous les acteurs étaient consultés et la décision finalement revenait au Chef de l’État », explique un membre du Comité, proche de Vital Kamerhe.

Une source indépendante estime même que le mal est ailleurs. « Vital Kamerhe est tout sauf bête. A l’ouverture de son procès, il l’a clairement fait savoir en citant les membres de ce comité. C’est un animal politique et il n’a pas l’habitude de citer les gens pour rien. A mon humble avis, il va y avoir un grand déballage durant ce procès », explique une source proche du président congolais. Le déballage a déjà commencé sur les réseaux sociaux, dès la fin de cette première journée du procès Kamerhe.

Le conseiller principal du Chef de l’État en matière des infrastructures, David Mukeba, donne, de son côté, une autre vision de la manière dont le directeur de cabinet, Vital Kamerhe, a géré le programme de 100 jours. « Le cabinet du Président de la République est bien organisé de par les textes qui le fondent, » a-t-il indiqué sur son compte Twitter.

Et, il ajoute que « les matières à traiter de la République sont répartis aux collèges qui sont dirigés par des Conseillers Principaux« . « Le directeur de cabinet aurait dû faire jouer chaque Conseiller Principal dans le dossier de 100 jours au regard des matières exploitées et serait à ce jour épargné, » poursuit-il

Il conclut qu' »au-delà de s’assurer que toute la procédure de l’acquisition d’un marché a été observée, un bon coordonnateur, un bon superviseur doit s’assurer avoir vu, de ses yeux, et échangé avec l’heureux élu car de ces échanges découlent aussi une appréciation de la personne« .

Vers une Boîte de Pandore judiciaire

Même son de cloche du côté de Nicolas Kazadi, responsable de la cellule de coordination de ce programme. Dans un communiqué publié samedi 15 février 2020, l’ambassadeur itinérant du président congolais a clamé son innocence en affirmant qu’il était sous l’autorité du directeur de cabinet du Chef de l’État.

S’agissant du programme dit de 100 jours, n’ayant pas été associé à sa conception, ce n’est qu’après son lancement que j’ai été chargé par monsieur le directeur de cabinet, d’assurer la coordination de son suivi au sein d’une commission ad-hoc “, avait-il écrit.

Nicolas Kazadi a affirmé qu’il n’est jamais entré en contact financier avec une quelconque entreprise chargée d’exécuter ce programme. “En ma qualité de coordonnateur, je n’ai, bien sûr, pas eu de contact financier quelconque, ni avec les entreprises privées ou publiques retenues pour les différents projets, ni avec les ministères des Finances ou du Budget. Cela ne relevait aucunement de mes prérogatives “, avait-il précisé.

Vidye Tshimanga, Conseiller du président Tshisekedi en matière de stratégie, va lui dans l’autre sens. Dans un tweet, il dénonce « la mise à mort » autour du procès de Vital Kamerhe, sans toutefois le nommer. « La mise à mort… ce spectacle jouissif pour voyeurs hypocrites. Pas de compassion, pas d’empathie, juste un désir pervers de voir et se satisfaire de la chute de l’autre. Désir de Justice…ou pulsion primaire primate ? Les cœurs sont noirs. Mais que Justice triomphe », dit-il, non sans risquer de se faire reprendre par les partisans du président Tshisekedi.

Du côté de la justice, les 11 avril dernier, outre Vital Kamerhe, aujourd’hui poursuivi, plusieurs membres de la cellule de Coordination ont été toujours interrogés au Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete. Il s’agit notamment de Nicolas Kazadi, qui avait déjà été interrogé le jour précédent ; mais également Marcellin Bilomba, Alex Kadima, et même Peter Kazadi.

Selon plusieurs informations, ils auraient été « confrontés » aux accusés du dossier 100 jours, dont Vital Kamerhe et tous ceux qui ont été emprisonnés ou relâchés, comme l’ex DG de la Rawbank Thierry Taeymans, le Directeur général de Safricas David Blattner, le DG de l’Office des routes Herman Mutima, etc.

Par ailleurs, aucun membre la cellule de supervision, outre Vital Kamerhe, n’a été inquiété par la justice congolaise. Il y a en outre, Désiré-Cashmir Kolongele, Guylain Nyemba, Gety Ntiaka Mpanu-Mpanu, Oliver Mondonge, l’ancien ministre des finances Henri Yav, le ministre Thomas Luhaka, le ministre Pierre Kangudia et le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Déogracias Mutombe.

Mais l’ouverture prochaine des débats autour du procès risque d’entrainer leurs comparutions. La population congolaise pourrait alors découvrir un comité « Benda Bika », largement divisé et en tiraillement, qui a dirigé l’un des plus grands fiascos institutionnels en RDC.

4 comments
  1. Bravo pour cet article bien présenté. C’est une preuve de plus que vous êtes parmi les meilleurs sites. Des têtes vont certainement tomber dans ce procès

  2. Concision. Pas de grandiloquence. Bref, lisibilité. Un site d’informations sérieux. Restez sans coloration politique.

  3. Analyse très biaisée pour soulager votre déception. Vous n’avez pas évoqué le reniement des co-accusés l’un envers l’autre!On attend que la boite à pandore soit ouverte. Votre camp choisi ne compte pas des gens qui peuvent ne serait-ce-que voir comment votre chef de bande se comportait en effaçant toute réalisation dans le cadre des travaux des 100 jours. Ça démontre que le Monsieur avait tout pris pour lui-même en complicité avec JAMAL qu’il nie ne pas le contraire. Souvenez-vous de ce que Olenga N’koy avait dit de votre protégé? La seule vérité qu’on peut reconnaître de Kamerhe, pour ne pas le citer, c’est lorsque il vous dit « Bonjour », ou pour mieux dire c’est lorsqu’il vous salue.

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