RDC: En route vers Makala

Le soleil se lève à Kinshasa la capitale. Une journée chargée s’annonce. Des colonnes de véhicules s’acharnent timidement de l’avenue de Libération, ex-24 Novembre. Elle coupe le célèbre Boulevard du 30 juin en perpendiculaire, au « Rond-point Mandela », un point qui n’existe plus. A la place, un saut-de-mouton somptueux prend forme. Sa construction est sur le point d’être achevée. L’un des rares dans la ville.  C’est l’objet de toutes les attentions dans la capitale congolaise.

Le vent souffle doucement. La chaleur monte. Il fait déjà 27°C.  Nous voilà à « Bandal », dans la direction opposée du centre-ville. Au Rond-Point Moulaert, un embouteillage inhabituel. « Ça va être compliqué aujourd’hui », lance un chauffeur, en pointant du regard un 4×4. Celui-ci tient un vacarme digne de supporters d’une équipe de football. En rouge et blanc ! Une équipe de soutien. Comme eux, nous mettons cap vers la prison centrale de Kinshasa, un endroit de convergence ce lundi 11 mai. Vital Kamerhe nous y attend. Le puissant directeur de cabinet de Félix Tshisekedi y est emprisonné depuis le 08 avril dernier. Et son procès, inédit dans le pays pour quelqu’un de son rang, va débuter aujourd’hui.

Le Centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa (CPRK) toise bien l’avenue de Libération à peine 1,8Km devant Moulaert, dans l’autre commune de Selembao. Elle a étrangement le nom de Makala, qu’il tire de ce quartier de la capitale congolaise où les habitants se débattent dans une pauvreté indicible, comme la plupart des Kinois. Une pauvreté noire comme la peau et le charbon de bois d’où le quartier tire son nom (« Makal », en lingala). Mais cette prison est surtout l’enfer suprême des condamnés de Kinshasa.  Là où croupissent les damnés de la RDC, petits ou grands criminels, auteurs de petits larcins jamais jugés ni inculpés mais oubliés là par le système, tout comme des prisonniers politiques, jadis victimes de l’arbitraire du régime de Joseph Kabila.

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Mais ce lundi est un autre jour. Un jour spécial. La prison commence sa journée aux allures d’une foire foraine et d’une forteresse. L’armée et la police sont déployées, armées jusqu’aux dents. A l’entrée, le long de route, une dizaine de véhicules sont déjà là. Tenez ! Le car de reportage de la RTNC, la télévision publique, vient d’arriver. On croirait un corbillard privilégié. Il se faufile parmi d’autres véhicules, et file à l’intérieur de l’enceinte, sous les regards curieux des visiteurs nombreux du jour. «  Eko Yinda lelo [ça va barder aujourd’hui] », lance un jeune-homme en passant.

« Kamerhe, rends nous notre argent »

« Ils ne veulent pas qu’on entre », se plaint un confère de la télévision Canal Futur, la chaîne privée de Vital Kamerhe, qui avait pourtant reçu l’autorisation de filmer le procès.  « Il n’y a aucun problème, ils doivent juste patienter le temps que la mise en place se termine », rétorque une capitaine des forces de l’ordre sur place. Ces dernières sont d’ailleurs en nombre. Déployées à l’entrée de la prison, en corridor. « Il faudra être prêt à faire face à toute éventualité », ajoute le capitaine de la police.

Un peu plus loin, des passants n’hésitent pas à s’arrêter. Et ils ont le verbe facile. « On veut voir comment Vital Kamerhe sera condamné. Qu’il nous rende notre argent. C’est un voleur », se passionne une dame que nous allons appeler Mamy ; rapidement contrée par un homme habillé d’un T-Shirt « VK on te soutient ». « C’est du n’importe quoi ! Il n’a pas volé quoique ce soit. Il est ici parce que Félix Tshisekedi a peur de lui. Il ne veut pas respecter les accords et veut emprisonner VK. Mais on ne va pas se laisser faire », harangue le jeune-homme.

La tension est palpable. Une dizaine des partisans de Vital Kamerhe sont déjà là, y compris une dizaine d’autres curieux. Nul ne sait vraiment comment s’organisent les choses ici. D’un moment à un autre, l’ambiance monte.  « Ça va bientôt commencer », lance un curieux.  Mais rien!

Aux côtés du libanais Jammal Samih et d’un fonctionnaire à la présidence, Vital Kamerhe est poursuivi plusieurs fois pour corruption et détournement de deniers publics dans le cadre du programme de 100 jour du président Félix Tshisekedi. Depuis son emprisonnement, « VK » clame son innocence. Tantôt qu’il a agi sous « l’impulsion » du Chef de l’Etat congolais, tantôt qu’il n’y a pas détournement.  Mais l’accusation est formelle. Il y a bel et bien détournement de plus de 49 millions de dollars.   L’audience préliminaire débute donc aujourd’hui. Mais sur place, rien de significatif n’attend les curieux. « C’est juste une journée procédurale. Un début formel du procès n’interviendra qu’après plusieurs sessions », explique cependant un avocat sur place habillé en toge. On ne sait pas qui défend-t-il. 

Il y a aussi des vendeurs. Sucrés, eaux et même des vêtements. « On ne sait jamais », ricane Bobo, un vendeur d’aphrodisiaques.  Avec le temps, la police élargit son dispostif avec l’arrivée des nouveaux éléments. L’attroupement est interdit. Mais le kinois est « légendairement » têtu.  La journée s’annonce donc longue à Makala.

2 comments
  1. La prison ne tire pas son nom du charbon de bois, makala en lingala. C’est simplement du au fait qu’à l’époque coloniale, la ville s’arrêtait à la Nouvelle Cité, Ngiri-Ngiri aujourd’hui. Dans lapartie de la ville où se trouve la prison, les populations avoisinantes y fabriquées du charbon de bois qu’elles vendaient au marché y’a Bayaka. C’était la forêt!!!

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