John Ntumba, l’ombre de Kamerhe, dans le collimateur de la justice en RDC

Dans l’histoire des duos intimes à travers le monde, il y a Laurel et Hardy, Batman et Robin, Mario et Luigi, Cortex et Minus, Timon et Pumba … puis, en République démocratique du Congo, il y a Vital Kamerhe et John Ntumba. Le grand public n’aurait peut-être pas deviné les liens solides du couple. Mais c’est dans la sphère politique que tout se lie entre les deux hommes. Si Vital Kamerhe est à la tête de son Union pour la Nation Congolaise (UNC), il doit cependant souffrir d’une géopolitique trop excentrée à l’est du pays. Le parti a alors besoin des cadres qui ne soient pas tous Swahiliphones. Ça tombe bien.  Il y a John Ntumba Panumpakole, originaire de la région du Kasaï… la même qu’un certain Etienne Tshisekedi !

L’homme est né août 1968. Il termine ses humanités au Collège Saint Pie X, autrefois appelé Institut Ditungunuka, à Kananga, dans la province du Kasaï. A Kinshasa où finit par immigrer, il termine ses études à l’Université Protestante du Congo (UPC), munis de son diplôme en Administration en 1995. Mais Kananga natal lui fait des yeux doux. Il regagne la province où il est pris sous l’aile d’un certain gouverneur André-Claudel Lubaya en 2001. Sept ans durant, les destins de deux hommes se confondront, jusqu’à croiser celui de Vital Kamerhe au sein de l’Union pour la nation Congolaise (UNC). Mais la fidélité étant une notion étrangère en politique congolaise, John Ntumba finit par devenir plus Kamerhiste que Claudel Lubaya.

En route vers le pouvoir

Nous sommes en septembre 2016. A Kinshasa, Vita Kamerhe réussit à se mettre tout un pays à dos en acceptant d’aller dialoguer avec Joseph Kabila, que la majorité des opposants, regroupés au sein de la coalition du Rassemblement, accuse alors de vouloir se maintenir au pouvoir.  Dans ce choix opportuniste, Kamerhe perd ses meilleurs éléments. Jean-Baudoin Ewanga et Claudel Lubaya, respectivement Secrétaire général et son adjoint, quittent le mouvement. Sam Bokolombe les suivra. Ils reprochent au leader de l’UNC d’avoir trahi la nation. En novembre de la même année, Vital Kamerhe finit par se faire dribler par Joseph Kabila, qui ne le nomme pas Premier ministre comme il s’attendait.

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La crise. La galère s’installe à l’UNC. Pour resserrer les rangs, Kamerhe fait des nouvelles mises en place et comptent ses soldats. Ntumba a une promotion. Il est nommé Secrétaire Général Adjoint chargé de la Zone Centre : Kasaï, Kasaï-Central, Kasaï-Oriental, Lomami, Sankuru.  Poussé par cette « preuve de confiance », ils foncent sur les anciens UNC désormais vilipendés. Lubaya, Bokolombe ou Ewanga en prennent pour leur compte. La fougue lui vaut un rapprochement dans la ceinture de Kamerhe. D’autant plus que cet originaire de Kananga, député, est d’un atout majeur. « C’est un très bon économiste. Il a énormément aidé VK [Vital Kamerhe] dans le temps de galère », affirme un proche de la relation.

Arrive 2018. En Novembre, dans un accident de l’histoire digne du Congo, Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, qui s’affrontaient jadis, coalisent. Ils partent en campagne pour la Présidentielle. Lui, Ntumba, est parachuté Chef de campagne pour le candidat Tshisekedi dans la région du Kasaï. À son arrivée à Kananga, le jeudi 06 décembre 2018, John Ntumba Panu mpakole, alors candidat de de l’UNC aux numéros 186 à la députation provinciale et 159 à la nationale, sollicite le soutien de la population pour, dit-il, apporter le changement à tous les niveaux.

« Je veux que les routes soient réhabilitées, que l’école primaire soit gratuite, que les fonctionnaires soient payés régulièrement, que la sécurité soit rétablie, terminer avec les érosions et que bikulukulu bishile bipia bipia miaba ( que les anciens laissent la place aux nouveaux)»,  lance-t-il devant des foule. Sur place, en témoigneront plusieurs, John distribue des billets de 100 dollars. « Quand nous serons au pouvoir, il y aura plus que ça », promet-il ; enfin, à en croire des sources concordantes.

Le pouvoir et les scandales

Les élections arrivent. Tshisekedi triomphe aux côtés de Kamerhe. Les voilà à la présidence. John Ntumba a l’embarra de choix. Il est doublement élu à la députation provinciale et nationale. Il se voit offrir un poste de Conseiller au Collège économique du président Félix Tshisekedi. Il accepte le Palais de la nation, sans toutefois démissionner de l’Assemblée nationale. Un choix justifié par l’arrivée d’un certain Vital Kamerhe au poste de Directeur de cabinet du Président.

Le duo entame alors son aventure. Astérix aux côtés d’Obelix. Han Solo et Chewbacca. Le premier dossier est celui de « 15 millions », autour d’un comité de prix des produits pétroliers. John Ntumba est en fait un ancien du cabinet d’André-Philippe Futa au ministère de l’Economie. Entre 2002 et 2017, il a occupé le poste de conseiller dans les cabinets des ministères de l’Economie nationale, du Plan ainsi que du ministère d’Etat chargé du budget. Il maîtrise alors ce dossier juteux. Tenez, l’Etat affirme avoir payé 100 millions de dollars aux pétroliers qui ont alors maintenu leurs prix intacts à la pompe malgré une flambée.  Mais 15 millions manqueront à l’appel. Et seul Vital Kamerhe s’opposera aux enquêteurs de l’Inspection générale des Finances. La justice prendra l’histoire sans pourtant percer le mystère.

Mais la fin arrive toujours. Un bon matin, un Avocat général au Parquet de Kinshasa/Matete envoie une convocation à Vital Kamerhe. D’autres scandales ont éclaté. Le programme de 100 jours du président congolais tourne au fiasco. Des chantiers sont à l’arrêt et de l’argent manque à l’appel. Lui, John Ntumba, n’était autre que l’assistant de Directeur de cabinet du président, en plus du Coordonnateur du programme dans sa région du Kasaï.

Kamerhe, qui a dirigé le programme, finit à Makala ; soupçonné de détournement et de corruption.  Selon des informations de POLITICO. CD, l’accusation est certaine que Vital Kamerhe n’a jamais touché un dollar de ses propres mains. C’est alors que John Ntumba, devenu ministre de Formation professionnelle, entrerait en jeu. « Il est filmé dans les vidéos de la Rawank récupérant de l’argent à plusieurs repris », croit savoir une source judiciaire.

La chute

Convoqué à Matete, John Ntumba ne saurait être inquiété. Etant ministre. Mais Victor Mumba, le Procureur général près la Cour de cassation, ne laisse pas l’affaire. Dans une lettre adressée au Premier ministre Syvestre Ilunga, il fait savoir que le ministre John Tumba est soupçonné de détournement de deniers publics. 

« Conformément aux prescrits de l’article 81 alinéa 3 de la loi organique n°13/01 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de Cassation, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance, l’ouverture d’un dossier judiciaire sous RMP.V/0014/PGCCAS/BAK, à charge de Monsieur John Ntumba, Ministre national de la formation Professionnelle, pour détournement des derniers publics (article 145 du code pénal livre II)« , dit le procureur dans cette lettre parvenue à POLITICO.CD. « L’audition du précité ne débutera qu’après l’autorisation de l’instruction à donner par l’Assemblée nationale que j’ai saisi par le réquisitoire n°1786/RMP. V/0014/PGCCAS/BAK/2020 depuis le 28 avril 2020 », ajoute le procureur.

Du côté de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, la présidente, ne pourrait s’interposer autour d’une action judiciaire. Elle qui a longtemps, face à Tshisekedi, appuyé l’indépendance inter-institutionnelle. Cependant, si le ministre Ntumba pourrait être identifié comme confident de Vital Kamerhe, il n’est pas pourtant épinglé en cette seule qualité. Le ministre de la formation professionnelle est cité dans une autre affaire de détournement présumé de 32 millions de dollars, destinés aux travaux des 100 jours dans la province du Kasaï-Central.

L’accusation est publiquement portée par le gouverneur Martin Kabuya, deux jours avant l’arrestation de Vital Kamerhe.  « Au Kasaï-Central, le coordonnateur provincial du programme des 100 jours, c’est l’honorable Ntumba John. Alors, il ne faudrait pas qu’on nous voile la face. Il devra nous dire ce qu’il a fait du programme des 100 jours du chef de l’État au Kasaï-Central », a dit le gouverneur Martin Kabuya, qui dénonce un détournement de 32 millions Usd.

Rapidement, John Ntumba crié au complot. « Mes avocats sont là-dessus, je veux demander juste les éléments des preuves par rapport à ces accusations. Je ne me reproche de rien. Nous savons que tout ce qui a été prévu est fait sauf la route pour laquelle le gouverneur avait cherché les chinois », a-t-il réagi dans la presse, dénonçant une campagne de sape contre sa personne. « Il faut savoir ce qui a été prévu avant de dire n’importe quoi. Mes avocats vont faire leur travail et si la justice arrivait à conclure que rien n’est fait, je préfère qu’elle m’arrête et si c’est faux ce qui est dit, que j’obtienne réparation. »

Sur place à Kananga, les réalisations du programme de 100 jours se font pourtant rares. A l’opposée, John Ntumba serait, à en croire un élu de la région, devenu l’un des plus grands propriétaires immobiliers de la ville. « Il a acquis l’immense concession de Taba Congo. Il a également plusieurs chantiers dans la ville, qui ont décuplé d’une manière vertigineuse », dénonce ce député qui a requis l’anonymat. POLITICO.CD n’a pas qui confirmé ces allégations. Nos tentations pour contacter le ministre John Ntumbu sont restées vaines.  Sa situation pourrait être débattue à l’Assemblée nationale qui est en session. Un dossier à suivre.

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