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Coronavirus en RDC : Des malades de luxe refusent de se faire soigner par les autorités

Lundi 30 mars 2020 à Kinshasa, le Conseiller du président Félix Tshisekedi en matière de Stratégie, Vidye Tshimanga, est furieux. Il laisse éclater sa colère sur les réseaux sociaux. Le très proche du président Félix Tshisekedi révèle que plusieurs hôpitaux de la capitale congolaise avaient refusé de l’accueillir pour des examens. Tshimanga a été diagnostiqué positif au Coronavirus depuis plusieurs jours. Il a annoncé publiquement l’information le week-end dernier. « L’hôpital CMK refuse de faire le scanner des poumons d’un malade au prétexte que celui-ci est corona-contagieux. Heureusement, l’hôpital HJ a finalement accepté de respecter son serment d’Hypocrate« , fait-il savoir dans un tweet.

Mais, ce que Vidye Tshimanga ne dit pas, c’est que même l’Hôpital privé HJ avait initialement refusé de lui faire ce scanne des poumons. « Il y a eu plusieurs interventions pour que la direction accepte finalement« , fait savoir un médecin de cet hôpital indien. Le conseiller du Président a dû également faire le tour des hôpitaux à Kinshasa, voyant à chaque fois les établissements lui fermer leurs portes.

Des malades qui se font soigner eux-mêmes

Mais, pourquoi les hôpitaux refusent-ils les cas de Coronavirus ? Sur les réseaux sociaux, les professionnels de santé sont fustigés et placés en holocauste. On y dénonce alors une violation des principes médicaux. Chacun y cite tous les articles de lois en la matière. Mais, dans ce pays où tout s’expose maintenant sur les réseaux à polémiques, la vérité est souvent beaucoup plus simple. POLITICO.CD a interrogé plusieurs hôpitaux à ce sujet. A l’Hôpital du Cinquantenaire, l’explication est un peu plus claire. « Nous ne pouvons pas admettre des cas de Coronavirus qui ne passent pas par la voie officielle, qui est celle de la Cellule de la Riposte dirigée par le Docteur Muyembe », explique un responsable.

En effet, bien que très critiquées, les autorités congolaises ont mis en place un protocole pour les personnes atteintes du Coronavirus. Il y a, d’abord, un service de suivi qui peut être joint par téléphone via le numéro « 101 », dans le cas où le patient est encore à son domicile. D’autres peuvent se rendre à leurs hôpitaux habituels dès l’apparition des symptômes. Et leurs établissements pourront joindre la Cellule de riposte, notamment pour faire des tests de diagnostic. Une fois qu’un patient est diagnostiqué positif, il est alors pris en charge par la Cellule qui décide de le placer dans un de ses centre situés dans des hôpitaux de la capitale.

Mais, Vidye Tshimanga, sans doute très stratège, n’est pas passé par ces étapes. Selon l’équipe de Riposte, le conseiller du Président n’a pas été officiellement admis en soins par l’Etat congolais. « Après le diagnostic positif, nous lui avons proposé d’être interné aux Cliniques Ngaliema, conformément au protocole mis en place avec tous les cas. Il y a aussi un pavillon à l’Hôpital du Cinquantenaire. Mais, il a refusé« , précise un responsable qui a requis l’anonymat.

POLITICO.CD n’a pas pu joindre M. Tshimanga pour obtenir sa réaction. Toujours est-il que plusieurs sources à la Présidence congolaise attestent cette version des faits. Selon un proche du président Tshisekedi, Vydie Tshimanga se ferait soigner par ses propres médecins à la maison. Joint au téléphone ce mardi 31 mars, le Coordonnateur du Secrétariat technique à la riposte contre le Coronavirus, le Dr Muyembe Tamfum, admet cette réalité et fait une révélation. Plusieurs « cas graves » du Coronavirus ont refusé d’être pris en charge par l’État. Ils se font soigner à domicile, se prennent eux-mêmes en charge.

« C’est vrai, il y a des personnes qui se font soigner à domicile. Nous ne pouvons pas non plus hospitaliser tout le monde. Même en France, on voit la gravité de la maladie. Les malades sont répartis en 3 cas : des cas graves, des cas modérés et des cas bénins. Les cas bénins peuvent rester à la maison s’il y a la discipline tout en prenant soin de ne pas contaminer les autres. Mais, il y a des cas graves qui refusent d’aller à l’hôpital. C’est ça le problème, » a-t-il déclaré.

À l’INRB, des sources renseignent que plusieurs « autorités » diagnostiquées positives au Coronavirus font partie de cette catégorie des malades qui se soignent eux-mêmes. Si Vidye Tshimanga est le plus connu, selon des informations de POLITICO.CD, le ministre congolais des Finances, José Sele Yalaghuli, a été testé positif au Coronavirus et se fait soigner, selon plusieurs sources, depuis une quarantaine dans son domicile.

« C’est également le cas d’au moins deux personnes travaillant pour le président Félix Tshisekedi. Des membres de son cabinet qui sont actuellement soignés chez eux à la maison, par des médecins qui ne font pas partie de la Riposte« , renseignent des sources concordantes.

D’autres cas sont également suivis à domicile, mais par des médecins de la cellule de la riposte.Il y a, en entres autres, la ministre de l’Économie, Accacia Bandubola, qui a quitté une quarantaine à l’Hôpital du Cinquantenaire pour continuer à suivre le traitement à son domicile.

Une prise en charge qui tue

La mauvaise qualité de la prise en charge officielle serait à la base de cette pratique. « Beaucoup évitent d’abord que leurs cas se sachent. Mais aussi, par crainte de ne pas être bien suivis, sachant qu’il y a eu des morts. Ils pensent ainsi qu’ils auront une meilleure qualité des soins depuis chez eux« , explique notre source à l’INRB. Ce que le Docteur Muyembe dénonce et appelle à être réaliste. « Ce n’est pas bien de, maintenant, commencer à crier. Il y en a même qui pensent qu’ils sont en France ou en Belgique pour avoir les mêmes standards des soins. Il faut être réaliste. C’est toute notre infrastructure qui pose problème. Ceci traduit l’état de nos hôpitaux qui étaient comme ça. On manque d’ambulances, on manque des médicaments, etc. Or, nous devons recréer cette atmosphère, cette confiance au fur et à mesure que nous avançons », dit-il. « De plus en plus, il y a même des particuliers qui commencent à contribuer. Et puis, nous allons améliorer les conditions de prise en charge, » promet-il.

Cette attitude des officiels, qui n’ont pas confiance en leur propre cellule de riposte, est également partagée du côté des patients lambda, causant des dégâts. Si la cellule de riposte est plusieurs fois accusée de mauvaise prise en charge et de négligence, alors qu’au moins huit (8) personnes sont mortes depuis le début de l’épidémie, rien n’est sûr qu’un traitement à domicile soit efficace.

Le cas le plus interpellant est celui de Mme Ngoya Katala. En effet, pour la petite histoire, la Congolaise qui vivait en Belgique a regagné Kinshasa samedi 21 mars. Trois jours plus tard, elle développe les symptômes et est acheminée à l’Hôpital du Cinquantenaire où elle succombe. Les résultats des examens certifient que la Congolaise de Belgique est morte du Coronavirus. Toutefois, il s’est avéré que celle-ci ne s’est pas, tout de suite, présentée aux équipes de la Riposte. Comme plusieurs dans les huit cas de décès, elle aurait d’abord tenté de se faire soigner par sa propre initiative. Ce qui est également le cas de Docteur Didie Bandubola, Directeur de cabinet adjoint et frère de la ministre de l’Economie, qui est le premier patient atteint du Coronavirus à mourir en RDC.

Cette attitude, que la quasi-totalité des huit décès de Coronavirus en RDC ont en commun, est également à la base de la contagion élevée à Kinshasa. Dans tous les cas, les malades ont côtoyé d’autres personnes durant leurs recherches de solution, au risque de les contaminer. Dans le cas de Mme Ngoya, par exemple, une peur sans précédent gagne la ville de Mbuji-Mayi où elle s’était rendue pour visiter des membres de famille. De toute vraisemblance, Mbuji-Mayi risque de devenir un autre épicentre du Covid-19. Ceux qui ont côtoyé la dame demeurent en contact permanent avec leurs amis, familles et connaissances, en tant que malades qui s’ignorent.

Il faut noter également que, malgré les critiques, l’équipe de riposte compte trois guérisons. Les plus connus sont Jean-Pierre Kambila, l’ancien directeur de cabinet adjoint de Joseph Kabila, et le premier cas de contamination au Covid-19 en RDC, Faustin Fikika. Les deux ont comme point commun de s’être présentés aux autorités rapidement, aussitôt qu’ils ont eu des symptômes.

Litsani Choukran.

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