Nangaa, l’apprenti magicien de Kinshasa

Dans un pays immense au cœur de l’Afrique, jamais un homme n’aura tenu le sort de tant d’êtres humains entre ses mains. Pourtant, Corneille Nangaa, l’apprenti magicien de Kinshasa, est peut-être arrivé au mur.

Les élections congolaises ne sont à comparer avec aucune autre dans le monde. Déjà que ce pays, coupé en 1815 par des monarques européens comme un gâteau d’anniversaire dédié à leur cousin Léopold II, n’est vraiment pas un exemple de normalité.  A Kinshasa, capitale mondiale de la rumba et de toutes les surprises, c’est un jeu politique entre apprentis magiciens et sorciers qui se joue, mettant pourtant en cause des millions de vies et l’avenir peut-être du monde entier : la moitié du cobalt mondial s’y trouve.

Voilà dix-sept-ans que le monarque Joseph Kabila règne comme jamais sur ses sujets congolais. Mais tout ayant une fin, il est bien poussé à passer le flambeau. La nouvelle génération, celle des « Androïd », n’a vraiment pas la même patience que celle qui a toléré son prédécesseur de maréchal Mobutu pendant trois décennies. Et lui Kabila, pour ne pas finir comme « l’Aigle de Kawele », a mis en musique un tour de magie exécuté par un apprenti, Corneille Nangaa.

Chaque tour de magie comporte trois parties, ou actes. Le premier s’appelle la promesse : le magicien vous présente quelque chose d’ordinaire. Le deuxième acte s’appelle le tour : le magicien utilise cette chose ordinaire pour lui faire accomplir quelque chose d’extraordinaire. Mais vous ne pouvez vous résoudre à applaudir, parce que faire disparaître quelque chose est insuffisant, encore vous faut-il le faire revenir. Alors vous cherchez le secret mais vous ne le trouvez pas parce que, bien entendu, vous ne regardez pas attentivement. Vous n’avez pas vraiment envie de savoir… Vous avez envie d’être dupé.

Publicité

Bloqué dans son labo

Economiste de formation, Kinshasa et ses rumeurs collent à Corneille Nangaa des talents en « chimie ». Ça tombe bien.  A 48 ans, notre magicien fait la promesse d’organiser des élections dans un Congo où le pouvoir de Kabila ne devrait pas les perdre. Emmanuel Ramazani Shadary étant certes l’un des hommes les plus impossibles à faire élire dans ce pays en colère, est donc « la Promesse ». En deuxième étape, le tour, la machine à voter : un outil capable de façonner certains résultats, leur donnant formes, en parfait tour de magie.

Les deux premières étapes ayant été menées avec succès, certes mitigés. Au moment d’entamer son Prestige, sa dernière partition, notre apprenti magicien Nangaa se retrouve néanmoins bloqué, pris dans un piège cornélien. Les résultats avalés par les machines doivent ressortir. Mais ici, dans ce grand Congo, dans cette salle remplie de monde et de lumières, les yeux sont grandement ouverts. Nul n’est prêt à admettre des résultats autres que ceux que les fameuses machines ont capté initialement. Le tour se retourne donc contre son initiateur. Comment annoncer « l’inannonçable » ? Comme faire réapparaître cet éléphant sans faire exploser la salle.

Le Raïs de Kinshasa, qui a toujours eu une longueur d’avance depuis longtemps sur ses adversaires, est aujourd’hui dos au mur avec son apprenti magicien. Il s’est fait piégé, obligé d’attendre la publication des résultats de Nangaa. Les nuits seront désormais longues et les expériences pleuvent dans le labo Corneille. La suite est attendue. Un pouvoir est en jeu.

Litsani Choukran,
Le Fondé.

Recevez l'actualité directement dans votre email

En appuyant sur le bouton S'abonner, vous confirmez que vous avez lu et accepté notre Politique de confidentialité et notre Conditions d'utilisation
Publicité

En savoir plus sur Politico.cd

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading