Kabila et ses proches seraient les principaux bénéficiaires du projet de port de Banana

Depuis plusieurs années, la République démocratique du Congo prévoit de construire un port en eau profonde à Banana, la seule partie du territoire congolais ayant un accès direct à l’océan Atlantique.  En 2015, le gouvernement de la RDC a commencé à chercher un opérateur pour un projet de construction d’un quai flottant dans la ville côtière de Banana. Plusieurs entreprises ont été approchées, dont la société française NECOTRANS.

En 2015, le gouvernement de la RDC se met donc à chercher un opérateur pour un projet de construction d’un quai flottant au niveau de la ville côtière de Banana. Plusieurs sociétés auraient alors été approchées, dont l’entreprise française NECOTRANS.

Le 23 mars 2016, Jean-Phillipe Gouyet, directeur général de NECOTRANS, et Suhail Al Banna, directeur général de DPW pour l’Afrique et le Moyen-Orient, adressent ainsi une lettre à l’Organisation pour l’Equipment de Banana Kinshasa (« OEBK »), une autorité publique congolaise chargée du développement du corridor Banana-Kinshasa. La lettre manifeste l’intérêt du consortium DP World / NECOTRANS pour le projet de concession d’un quai flottant à Banana. (Annexe 1 lettre du 23.03.16 envoyée par DPW NECOTRANS à lOEBK)

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A la suite de cette lettre, le gouvernement de la RDC est entré directement en négociation avec DPW, sans NECOTRANS, pour le projet de construction du quai flottant. Etant donné qu’aucun appel d’offres n’a été publié, comme cela est pourtant requis par la loi congolaise, le service chargé du contrôle des marchés publics de la RDC aurait émis une permission spéciale pour que l’OEBK puisse négocier avec DPW sans appel d’offres.

Rapidement après le début des négociations, les parties se sont mises d’accord sur un projet plus important : la construction d’un véritable port en eau profonde. Une nouvelle autorisation pour passer outre l’appel d’offres n’aurait cette fois pas été émise pour le projet de port en eau profonde.

Moïse Ekanga, secrétaire exécutif du Bureau de Suivi du Programme Sino-Congolais, un proche du Président Kabila, aurait été impliqué dans les négociations dès le début. Ekanga aurait exigé de discuter directement avec le Sultan Ahmed Bin Sulayem, PDG de DPW, pour assurer les intérêts personnels du Président Kabila. Ekanga se serait rendu à Dubaï à cette fin.

L’homme d’affaires congolais Claude Makoso se serait également rendu à Dubaï le 27 mars 2016 pour rencontrer le PDG de DPW.

En été 2016, des représentants de DPW se rendent à deux reprises en RDC pour négocier le contrat entre les parties. Les délégations de DPW comptaient notamment Jamal Majid Bin Thaniah, vice-président de DPW et directeur général de Dubai World, la holding qui détient notamment DPW, et Tarik El Farouki, directeur du développement Afrique de DPW.

Suite aux premières négociations, le Président Kabila aurait déclaré à Ekanga vouloir une preuve garantissant qu’il tirerait un profit personnel de la construction et l’exploitation du port.

Le 4 octobre 2016, dans ce contexte, le Sultan Ahmed Bin Sulayem adresse une lettre au Président Kabila. Cette lettre aurait été envoyée à Ekanga qui l’aurait transmise au président directement. Cette lettre assure l’intention d’accorder un pourcentage du capital de la compagnie qui construira le port à une nouvelle compagnie étatique congolaise : ( Annexe 2 lettre du 04.10.16 envoyée par le Sultan au Président Kabila):

« We are willing to offer a minority equity stake in the port operating company to the Government of the Democratic Republic of Congo with the management of the port being undertaken by a subsidiary owned by DP World. »

Cette lettre était accompagnée d’une annexe qui présente les différentes hypothèses permettant d’impliquer une compagnie privée dans l’affaire, présumément au choix du Président Kabila : (Annexe 3 comparaison hypothèses A & B structure dentreprise)

L’hypothèse A proposerait donc d’impliquer des actionnaires privés dans la compagnie concessionnaire, qui serait defacto une compagnie détenue par l’entourage de Kabila. D’après les lanceurs d’alerte, cette option n’était pas la préférence de DPW car elle aurait pu créer des soupçons de corruption.

L’hypothèse B proposerait de donner 40% de la compagnie gestionnaire à cette compagnie privée. Le « Privé RDC » pouvant être une société appartenant in fine au président Kabila.

D’après les sources de PPLAAF, l’hypothèse B de placer une compagnie privée à hauteur de 40 % dans la compagnie gestionnaire aurait été retenue.

Un premier protocole a été signé le 3 janvier 2017 par José Makila, vice-Premier ministre et ministre des Transports, sur les bases présentées ci-dessus (Annexe 4 : protocole du 03.01.17). Puis, le 9 février 2017, le protocole est signé officiellement par José Makila et Suhail Al Banna.Annexe 4 protocole du 03.01.17). Puis, le 9 février 2017, le protocole est signé officiellement par José Makila et Suhail Al Banna. ( Annexe 5 protocole du 09.02.17)

Suite à cette signature, DPW ouvre une filiale en RDC, dirigée par Claude Makoso. Makoso serait pressenti pour être le futur directeur de la société chargée de la construction du port.

Claude Makoso s’était déjà illustré dans des négociations en vue de construire, gérer et exploiter le port privé fluvial de Matadi. Il aurait participé à la constitution, avec la société philippine International Container Terminal Services, le président Kabila et la Société de gestion immobilière Lengo (SIMOBILE), du patron congolais Jean Lengo dia Ndinga, de la joint-venture ICTSI DR Congo SA.

Pour que la joint-venture ait la licence d’exploitation du port, les Philippins et Jean Lengo dia Ndinga auraient permis à Kabila d’y entrer. Ce serait Jaynet Kabila, la sœur du président, qui aurait arrangé ce montage. Kabila serait donc aujourd’hui présent dans ce consortium via la Société d’investissement et des placements (SIP). Cette société est représentée au conseil d’administration de la joint-venture par Jean Lengo dia Ndinga.

Le 15 février 2017, Al Banna envoie une lettre à Makila pour le remercier et lui faire parvenir un plan de travail détaillé pour une période de six mois. ( Annexe 6 lettre du 15.02.17 envoyée par Al Banna à MakilaAnnexe 7 plan de travail)

Le cabinet d’avocats parisien Carbonnier Lamaze Rasle & Associés aurait été impliqué par DPW dans la rédaction du contrat de concession.

Pendant le mois de juin, les parties se retrouvent en RDC pour finaliser le contrat. Le dernier round de négociations se tient en toute probabilité entre le 31 juin et 4 juillet 2017. La délégation DPW aurait été composée du chef du département juridique de DPW, Olivier Schwartz, et El Farouki. La délégation aurait principalement négocié avec Ekanga.

Al Banna envoie une autre lettre à Makila le 17 juillet 2017 pour faire part de l’avancement des négociations et des études de faisabilité ainsi que pour demander la prolongation de la période d’exclusivité de deux mois, et donc de retarder la signature du contrat, prévue le 9 août. ( Annexe 8 lettre du 17.07.17 envoyée par Al Banna à Makila)

Le 5 octobre 2017, Makila se rend à Dubaï pour visiter les locaux de DPW en vue de la signature imminente. ( Annexe 9 « Renforcement de coopération entre la RDC et les Emirats arabes Unis », Agence de Presse Congolaise, 05.10.2017)

Comme décrit dans la lettre d’Al Banna, les parties ont retardé la date de signature de quelques mois. La nouvelle date prévue aurait été le 28 octobre 2017. Cette date a également été retardée car la ministre du Portefeuille congolaise, Wivine Mumba Matipa, aurait refusé d’apporter son contreseing.

La délégation de DPW arrivée en octobre comptait entre autres Anil Wats, chef des opérations de DPW, et El Farouki. Le Président Kabila les aurait reçus le 28 octobre à 10 heures pour leur annoncer le retard de la signature, et leur aurait donné l’assurance que le contrat allait être signé ultérieurement. Cette décision de repousser la signature a été prise à la dernière minute alors que des invitations avaient déjà été envoyées aux officiels pour assister à la cérémonie de signature ( Annexe 10 programme de la cérémonie de signature)

Avec PPLAAF

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