Au Centre interdiocésain, le calvaire sans fin des journalistes

Quand la République mange ses propres enfants…

Ils sont au coeur du dispositif des travaux de l’arrangement particulier sous la médiation de la CENCO, pour la mise en place de l’accord signé le 31 décembre en République démocratique du Congo, entre le Pouvoir et l’Opposition. C’est grâce à eux que le pays tout entier suit à la lettre ces discussions dont l’aboutissement est très attendu. Et pourtant, les journalistes congolais y sont dans des conditions piteuses.

Être tenace, être curieux, être persévérant, ne surtout pas craindre les obstacles. Ces quelques enseignements reçus dans n’importe quelle école de journalisme n’auraient jamais autant été appliqué dans une seule situation. Nous sommes ici au Centre interdiocésain. Au coeur du Centre-ville de la capitale de la République démocratique du Congo. Ici, c’est le haut-lieu des négociations entre Pouvoir et Opposition. Depuis le 08 décembre 2016, c’est ici que l’avenir du pays se décide. Derrière ces murs catholiques, les hommes de Joseph Kabila, ceux d’Étienne Tshisekedi, les Vital Kamerhe, Eve Bazaïba… viennent monnayer leurs convictions pour sortir le pays de la crise institutionnelle dans laquelle il se trouve depuis la fin officielle du mandat du président Joseph Kabila, le 20 décembre dernier.

Pour autant, dans ces murs, campent une autre classe du génie congolais, les journalistes. Chevaliers de la plume, chasseurs d’images… ils sont tous entassés ici, dans la frénétique course à l’information dont eux seuls ont le secret: le seul but étant celui d’informer les populations. Malheureusement, une fois de plus, cette République allait mangé ses propres enfants. Depuis donc le début de ces travaux, il est en effet étrange de constater que ceux-là même qui constituent le seul lien entre les protagonistes et le peuple, ceux-là qui, au prix de sacrifices énormes, arrivent à donner échos aux stratagèmes tant catholiques que politiques, dans le seul but, du moins officiel, de faire avancer les choses, sont pratiquement délaissés.

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En effet, exemple pris au hasard,  les travaux commencent le plus souvent ici vers 10 ou 11 heures et se clôturent très tard dans la nuit. Les délégués sont dans des salles confortables, à l’air conditionné.  Ils tiennent à faire connaître leurs points de vue et leurs « exploits politiques », au nom de leur gloire parfois très personnelle.  Cependant, les journalistes, eux,  n’ont même pas droit d’occuper les chaises vides du Centre interdiocésain. Même les policiers sont priés de faire respecter cette loi papale. Et Dieu sait quand on demande à un policier congolais de faire respecter la loi, ce dont il est capable.  Une journaliste qui ose se mettre sur une chaise est immédiatement chassée de celle-ci par la Garde. Si elle résiste, la police est appelée au secours. En plein mois de la femme.

Pendant ce temps, ces confrères de Lucien Tshimpumpu, sont obligés de rester dans l’enceinte, dehors, à compter les étoiles; attendant que les héros ne sortent pour tendre leurs micros. Et lorsque ces travaux s’éternisent tard dans la nuit, ce qui est plus souvent le cas, ils dorment pèle mêle sur la pelouse. Les plus chanceux négocient des banquettes dans les véhicules des participants.

Si, par miracle, les délégués sortent pour une pause ou à la fin des discussions, ils ont pour la plupart un air suffisant, encadrés par des gardes corps qui souvent bousculent les journalistes. Bonjour le monde à l’envers. Le journaliste ne vaut-il si rien? Et dire qu’à l’issue des travaux, ceux-ci sont parfois confondus aux militants de parti. Des politiciens qui se permettent d’appeler, tonnant, pour faire corriger des propos publiés et qui, contrairement à la situation initiale, ne les servent plus.

Serge Maheshe, Patrick Kikuku, Didace Namujimbo, Bruno Koko Chirambiza, Patient Chebeya Montigomo, Kambale Musonia, Marcel Lubala… pour ne citer que ceux-là, sont morts en faisant ce noble métier. Comme le plus souvent dans l’histoire, il existe toujours des héros dans l’ombre. Ceux qui sacrifient leurs conforts pour porter la vérité, au service du peuple. Ceux-là, le plus souvent oubliés, mais sont certes payés, lorsque des nations entières se relèvent du chaos, lorsque des peuples sortent de la misères… ils sont ainsi sanctifiés, certes dans l’inconnue absolue.

Nous parlons ici de médias capables de toucher de manière combinée des dizaines de millions de congolais et le monde entier. Leurs apport dans la couverture de cet événement est plus qu’important. Loin de demander l’aumône, des chaises et un peu de respect suffiraient pourtant.

Aline Engbe et Litsani Choukran.

1 comments
  1. Ça fait mal en même temps ça fait pitié pour notre pays, c’ est comme si nous vivions sur une autre planplanète.

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