Chère Monusco, il est temps de partir !

L’idée n’était pas damnable. Entre le Rwanda et l’Ouganda qui ne juraient que par le morcellement d’un pays grand comme une grande partie de l’Europe, dans le but de s’accaparer de ses terres riches en ressources minérales, le monde ne pouvait rester indolent. Du moins publiquement. Il fallait donc, pour cuber cette crise, faire comme en 1960, du temps de la genèse même de cette société des nations aux ambitions démesurées : envoyer une force armée pour s’interposer entre les belligérants  et imposer ainsi la paix au grand Congo.

Le 30 novembre 1999, au plus fort moment de la guerre du Congo, l’ONU crée la résolution 1279 via son Conseil de sécurité.  Près de 20 ans après, la MONUC, devenue MONUSCO, a fait son chemin. Le Congo n’est plus divisé en plusieurs parties sous-états. Plus de guerre d’agression, plus de rebellions systématique.  La dernière révolte date de 2012, où, là encore, les forces onusiennes, regroupées dans la fameuse Brigade d’intervention rapide, ont réussi à disperser le Mouvement du mars (M23), dernière création rwandaise, dans l’éternelle guerre des minerais.

La situation a évolué

Cependant, avec près de 1,4 milliards de dollars américains par an, 60 Etats contributeurs, 19 461 soldats, 1 090 policiers, 2 725 civils locaux, 937 civils internationaux, 472 volontaires et plus de 93 morts, la MONUSCO se fait séculaire.  La mission, dont le mandat est renouvelé à compte-goutte chaque année — adapté, rafistolé et réadapté —  n’arrive plus à faire face aux enjeux actuels.

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Sur le terrain, les milices ont pris la place des armées étrangères qui opéraient jadis au Congo. La guerre n’est plus entre des fronts. Elle est partout. A Beni, c’est un ennemi invisible qui apparaît et disparaît sous la barbe des forces onusiennes à peine capables de gesticuler. A côté, l’éternelle défaillance et absence de l’Etat congolais; qu’il faudra ajouter aux problèmes socio-économiques, transforment diamétralement les enjeux.  Venue au Congo pour « y faire la paix », l’ONU se retrouve embourbée. Ses forces et son personnel se retrouvent dans des scandales de violation flagrante des droits de l’homme : plusieurs sont accusés de viol, alors que d’autres sont impliqués dans la contrebande des richesses.

Paul Kagame, l’ancien envahisseur qui endosse le costume de faiseur de paix, monte lui aussi au créneau pour dénoncer la même mission qu’il combattait jadis. Du haut de son nouveau fauteuil du président de l’Union Africaine, le président rwandais appelle désormais à une remise en cause. « Les Nations unies qui sont déjà présentes [doivent] nous dire ce qu’elles font déjà et ce qu’elles font depuis tant d’années. Cela n’a pas donné de bons résultats », exige-t-il. Bien avant lui, les Etats-Unis ont été les premiers à hausser le ton. Donald Trump, qui n’en peut plus de payer des factures pour une mission que tous jugent défaillante, avait exigé une restructuration.

Sur le plan politique, c’est une mission onusienne qui assiste impuissamment au glissement de Joseph Kabila et au démembrement d’une opposition qui ne sait plus à quel saint se vouer. L’accord du 31 décembre, pourtant soutenu par une résolution de l’ONU, reste une terne locution qui ne vaut plus en réalité. La MONUSCO a failli à sa mission d’obtenir la première alternance démocratique tant en 2016, que, conformément à cet accord, en décembre 2017. Le poids politique de l’ONU sur la crise avoisine celui des plumes que laissent les défenseurs des droits de l’homme victimes d’une répression sans nom à travers le pays.

Une mission défaillante et inadaptée

A travers le monde, de Kinshasa à Addis-Abeba, en passant par Paris et Londres, la Monusco met tout le monde d’accord. La mission ne peut plus continuer ainsi. Dans les rues de Goma, Beni ou même dans la capitale congolaise, la MONUSCO est ciblée. Les Congolais n’en veulent plus. Du côté du gouvernement, on est un peu plus clair : le départ doit intervenir en 2020. Une position qui correspond, rarement, aux aspirations populaires.

Il est clair qu’un départ laissera un vide sécuritaire et stratégique énorme dans ce pays où l’Etat reste aussi fragile qu’imprévisible. Cependant, l’aide internationale pour la RDC est appelée à revoir sa stratégie. Les milliards investis chaque année rien que dans le maintien de cette mission équivaut aujourd’hui à plus de 20 % du budget annuel du pays. Ses résultats parlent d’eux-mêmes : pour ne citer que le Président américain Donald Trump, c’est une mission bureaucrate qui prouve mainte fois qu’elle n’est pas à la hauteur de sa tâche en RDC.

Son départ est une nécessite. D’autant plus que Joseph Kabila qui le réclame bec et ongle, doit à présent s’assumer et répondre aux exigences constitutionnelles qui veulent que l’Etat soit le premier garant de la sécuriser des Congolais. Au risque de réveiller les démons des guerres et rebelles à travers le pays, l’ONU doit placer Kinshasa devant ses propres responsabilités, tout en organisant pour le mieux ses interventions en RDC.

LITSANI CHOUKRAN,
Le Fondé.

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