A Minembwe, la RDC danse sur un volcan

Sur les Hauts plateaux du Sud-Kivu, la commune rurale de Minembwe est au centre de toutes les préoccupations en République Démocratique du Congo. Il est à ce jour, l’un des points de tension les plus importants.

Depuis la prise de la commune par des groupes armés issus pour la plupart des patriotes Maï-Maï, la communauté Banyamulenge se dit menacée par des combattants, congolais comme étrangers. Dans une déclaration faite devant la presse le 19 octobre dernier, le député Moïse Nyarugabo issu de cette communauté, parle même des massacres systématiques ciblés qui s’apparentent presque selon lui à un génocide.

 » La communauté Banyamulenge annonce qu’elle ne prendra plus part à un dialogue tant que ces actes de génocide ne seront pas arrêtés et siège brisé« , a déclaré le député Moïse Nyarugabo, qui a lu la déclaration de sa communauté.

L’on parle déjà des centaines de personnes tuées depuis que ce phénomène a commencé en 2017, plus de 160 villages et centres incendiés et détruits complètement : habitation, écoles, eglises et centres de santé. « La razzia a déjà emporté plus de 35000 vaches de telle sorte qu’on ne sait plus compter étant donné que c’est chaque jour qu’ils attaques, tient, incendient, volent les têtes de bétail. Ce qui s’en suit, ce sont les enterrements et les deuils » précise la déclaration.

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La présence renforcée des troupes des FARDC et de la MONUSCO n’a pas résolue le problème du fait de sa complexité et de la multiplicité des acteurs en présence au point que l’on ne sait pas exactement qui se bat contre qui.

Quelles sont les forces en présence dans cet imbroglio ?

La situation des forces en présence à Minembwe est à l’image de l’Est de la RDC dont les frontières s’apparentent à une gruyère. Cette portion du territoire congolais qui a presque la même superficie et caractéristiques que le Rwanda voisin, abrite peut être la plus forte concentration des groupes armés dans le monde.

Il y a d’un côté, les Yakutumba et autres groupes maï-maï dont les Ebwela, Aichi, Mulumba et Bilozebishambuke. Tous ces groupes sont issus des communautés Bafuliro, Babemba et Banuyindi. Du côté Banyamulenge, l’on note la présence des milices d’autodéfense et les Gumino. Tous les deux camps sont appuyés par des forces et des milices étrangers essentiellement du Rwanda et de Burundi, parties intégrantes de ce conflit inter-communautaire du Sud-Kivu.

Les Maï-Maï Yakutumba et ses alliés sont en coalition avec des rebelles hostiles au régime de Bujumbura, les Forces nationales de libération du Burundi (FNL), la résistance pour un État de droit au Burundi (Red tabara) et la force Républicaines du Burundi ( Forebu ). C’est grâce à cet appui des forces étrangères qu’ils ont réussi à occuper les villages banyamulenge.

Les Gumino de leur côté sont appuyés par les Ex-miliciens issus du M23 et autre un groupe qui se revendique du général rwandais Kayumba Nyamwasa, dissident de Paul Kagame. Les habitants de Minembwe évoquent aussi la présence des FDLR , les rebelles hutus rwandais, mais il s’agirait plutôt d’un de leurs groupes dissidents, le CNRD, qui serait localisé à 45 km de Minembwe.

Le Rwanda et le Burundi en conflit ouvert, usent de leurs différents rebelles pour régler leur compte en soutenant telle ou telle communauté au regard des accointantes ethniques et des intérêts illicites.

Le conflit se délocalise à Kinshasa

À Kinshasa située plusieurs milliers de Kilomètres, la guerre s’est aussi invitée. Les différentes communautés s’affrontent dans les officines et autres au regard du poids politique des unes et des autres.

Si les Banyamulenge peuvent compter sur Azarias Ruberwa, le Ministre d’Etat en charge de la Décentralisation et le téméraire Moïse Nyarugabo, les autres peuvent compter sur Vital Kamerhe, Directeur de cabinet du Chef et d’autres personnalités issus de leurs.

Les représentants de la communauté banyamulenge ont annoncé qu’elle ne prendra pas part à un quelconque dialogue tant que les actes, qu’elle qualifie de « génocide » ne s’arrête. Du côté des représentants de la communauté babembe, ont exige purement et simplement la dissolution de la commune rurale de Minembwe, préalable, ont-ils dit, « à la fin de la guerre » sur les Hauts plateaux du Sud-Kivu.

Pour ces leaders d’une des communautés du Sud-Kivu dont les Maï Maï encerclent aujourd’hui Minembwe, les Banyamulenge sont d’immigration trop récente pour pouvoir revendiquer une commune. Ils pointent le fait que le RCD – rébellion soutenue par le Rwanda et dont la principale figure et actuel ministre de la Décentralisation, Azarias Ruberwa, est munyamulenge – avait déjà sous sa coupe voulu faire de Minembwe un territoire.

Interrogé par la RFI, le Directeur des douanes, Yoram Eciba est le président de la communauté babembe, estime que « Les motivations, les mobiles qui sous-tendent la création de la commune de Minembwe sont connues. Ça n’a pas commencé aujourd’hui. En 1999, quand ils avaient toute la force, quand ils avaient le pouvoir, ils avaient déjà créé un territoire là-bas contre la volonté des Babembe. Ce territoire a été supprimé, pourquoi ? Parce que ça ne va pas. Nous avons des Congolais en France. Il y en a qui ont acquis la nationalité, ils sont nombreux. Est-ce qu’ils ont jamais demandé une terre en France ? Non, ça n’existe pas. Et le jour où ils vont demander une terre en France, la France va les expulser. ».

Du berger à la bergère, les représentants de la communauté banyamulenge rétorquent que la création de la commune de Minembwe n’est qu’un prétexte. Selon eux, la création de cette commune a été décidée par un décret en 2013. Elle a été formellement installée juste avant les élections, comme des dizaines d’autres à la même époque.

L’ambiguïté de la situation actuelle

Aujourd’hui la situation devient de plus en plus ambiguë au point qu’un internationaliste l’a qualifié de « pataquès ». Chaque camp accuse l’autre d’être à la base de la situation actuelle Si depuis 2017 et jusqu’à ces derniers mois, les affrontements se limitaient aux groupes armés, les civils étaient plus rarement ciblés, aujourd’hui le conflit s’est étendu aux civils qui sont tués au regard de leurs appartenances communautaires et des habitants contraints de se déplacer et d’abandonner leurs foyers.

Enock Ruberangabo Sebineza, grande figure de la communauté banyamulenge cité par la RFI, estime que « ces Maï Maï, comme les rebelles burundais qui feraient partie de leurs assaillants, n’ont pas que le soutien des FARDC. » Et de poursuivre : « On nous punit parce qu’on a refusé de collaborer avec les Rwandais. La preuve est que, aujourd’hui justement, le Rwanda envoie les Red Tabara pour collaborer avec les Babembe, les Bafuliru, et non avec les Banyamulenge. Le cas des M23 par exemple. Nous, les Banyamulenge, on a fait une rupture totale avec le Rwanda. »

Un avis qui n’est pas partagé par la communauté babembe, représentée dans ces groupes maï maï. Ces derniers refutent tout lien avec les rebelles burundais et autres groupes étrangers. « Les groupes yakutumba et ebwela n’auraient fait que se défendre contre les agressions du groupe banyamulenge Gumino, » estime Yoram Eciba.

Pour lui, ce sont les Banyamulenge qui sont à l’origine de ce cycle de violences. « Ça fait des décennies que nous vivons avec les Tutsis dans notre territoire. Nous les avons accueillis, nous les avons encadrés comme il se doit. Comme étrangers. Ils ont pu acquérir la nationalité, on n’a pas fait de problème, » a-t-il soutenu.

L’opinion s’interroge si à Kinshasa, siège des institutions de la République, a-t-on vraiment cerné tous les aspects d’une question désormais aussi complexe que celle du Moyen-Orient, ou pense-t-on qu’elle ne se limitera qu’à ces guerres de basse intensité caractérisant, depuis un peu plus d’une décennie, l’Est congolais?
Après l’on dira en mode « Yanga nua »: «Nous ne savions pas!».

Thierry Mfundu

2 comments
  1. Les maïmaïs et… sont des autochtones de la région concernée. Ils n’ont aucune autre terre en dehors de leur sacré Congo et ce n’est pas le cas de BANYAMULENGE. La commune de MINEMBWE est un sujet rwandais de 1999 qui nous fait immortaliser les blessures causées par les rwandais sur notre propre sol.
    C’est ainsi nous conseillons à tout les nyamulenges d’appliquer le bon sens de la vie, ils peuvent être ou devenir des congolais mais ils ne méritent aucun millimètre de territoire congolais. C’est vrais qu’aujourd’hui nous sommes sous une forte occupation rwandaise en Rdcongo mais c’est juste pour un temps pas pour l’éternité. L’histoire est têtue !!! Malheureusement pour eux (nos voisins barbares) ils ne peuvent pas fuire ou se déplacer loin de la Rdcongo ou changer le continent plutôt ils sont condamnés d’être nos voisins. Nous soutenons et encourageons les maïmaïs de bien récupérer MINEMBWE du force diabolique

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