Dans les entrailles de négociation FCC-CACH: retour sur les vrais enjeux de ces négociations jusqu’au fameux accord du 29 juillet

Tout le monde sait qu’il y avait des négociations entre le FCC et le CACH pour la formation du Gouvernement mais les acteurs phares de ces négociations sont restés dans l’ombre ne laissant que quelques bribes aux journalistes même les plus chevronnés.

La population étant elle, restée dans le spectatif tels les fidèles catholiques lors de l’élection du pape par les cardinaux.

Ce flou communicationnel a persisté jusqu’à cette date fatidique du 26 juillet 2019 à l’aube de l’élection du bureau définitif du sénat.

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Un tweet de François Mwamba donne pour la première fois un visage officiel à ces négociations:

« CACH-FCC: Enfin la fumée blanche.
La structure, l’organisation en commissions, la répartition quantitative et qualitative sont bien là.
RDV lundi 29 juillet avec la presse juste avant que le PM Ilunga n’entre en dance ».

C’est par ce tweet que François Mwamba, l’un des négociateurs du CACH annonce l’atterrissage en douceur pour la formation du Gouvernement après le dernier round de négociation qui a eu lieu le vendredi 26 juillet 2019 à Kempisky fleuve Congo Hôtel dans la commune de la Gombe.

Bien que l’attente fut longue et laborieuse, les deux camps ont fini par aplanir leurs divergences.

C’est ce que confirmera quelques minutes Néhémie Mwilanya, coordonnateur du FCC dans un tweet:

« RDC: Formation du Gouvernement : Un accord vient d’être trouvé ce vendredi entre le FCC et le CACH.
Le FCC FCC rend un vibrant hommage à son Autorité morale, Joseph Kabila et à son partenaire, le Président Félix Tshisekedi pour leur impulsion positive et leur totale implication ».

Depuis le début de la soirée de ce lundi 29 juillet, tous les yeux sont rivés sur la RTNC et le fleuve Congo Hôtel pour l’annonce promue des négociateurs de la coalition du FCC-CACH.

La télévision publique annonce l’imminence d’un message urgent.

Il est déjà 23h00 passé, plusieurs personnes ont préféré rejoindre leurs lits au lieu de s’attarder sur le néon de leurs télévisions. Il faut dire que l’attente fut assez longue.

Les journalistes ont de leur côté attendu des heures et des heures dans les couloirs du Kempisky fleuve Congo Hôtel guettant la moindre fumée blanche.

Et c’est vers 23h45, presque minuit que les deux parties font leur entrée dans la salle de conférence de ce luxueux hôtel de Kinshasa.

Finalement le fameux deal entre le FCC et le CACH est dévoilé: le Gouvernement Ilunga Ilunkamba sera composé de 65 membres dont 48 ministres et 17 vices ministres.
Le FCC aura 42 postes et le CACH 23 postes. Fin du deal.

Comment en est on arrivé à cet accord?

Qui ont été les pères géniteurs?

Politico.cd revient sur les différentes étapes de cette longue négociation ayant abouti à la signature ce 29 juillet du fameux accord FCC-CACH.

De la genèse des négociations: Mbuela Lodge et les premiers accros

Du 6 au 7 avril dernier, les responsables du Front commun pour le Congo (FCC) et du Cap pour le changement (Cach) se sont discrètement retrouvés à Kisantu (Kongo central), à Mbuela Lodge, un complexe touristique appartenant à Antoine Ghonda, ex-ambassadeur itinérant de Joseph Kabila .

Pendant deux jours, les negociations entre les deux camps ont tourné court. Ils ont tenté, ensemble de réaliser un texte commun à présenter à Félix Tshisekedi et à Joseph Kabila.

Le FCC a claqué la porte afin de protester contre les propos de Tshisekedi , qui, depuis Washington, a déclaré vouloir « déboulonner le système dictatorial qui était en place ».

Parmi les participants à ce premier round, l’on note la présence de Jean Baudouin Mayo Mambeke, secrétaire général de l’UNC de Vital Kamerhe, directeur de cabinet de Félix Thisekedi; de Jean Marc Kabund, président intérimaire de l’UDPS ; de Néhémie Mwilanya, coordonnateur du FCC ), ou encore Azarias Ruberwa, ancien vice-président sans oublier Antoine Ghonda.

Un nouveau contexte qui donne des ailes

Le contexte politique a changé en RDC entre-temps.
Félix Tshisekedi contraints par ses partenaires americains, nargue le FCC en refusant de nommer Albert Yuma pourtant le chouchou de Joseph Kabila au poste du Premier Ministre. Il choisit dans la fameuse liste de trois noms proposés Sylvestre Ilunga Ilunkamba, un personnage peu connu et qui ne figure pas parmi les caciques du clan Kabila au grand dam du FCC et de son autorité morale.

Il est nommé le 20 mai premier ministre du premier gouvernement de l’alternance démocratique.

Un autre fait et non le moindre est la nomination des mandataires au sein de la Gécamines et de la SNCC le 29 mai 2019.

Le président de la République nomme Kyungu Wa Kumuanza et Fabien Mutomb à la SNCC et Sama Lukonde à la Gécamines reléguant Albert Yuma au poste du PCA. Ce qui a pour effet la levée des boucliers des membres du FCC dont certains s’attaquèrent directement au chef de l’Etat en qualifiant ces ordonnances d’irrégulières.

Une motion incidentielle à l’Assemblée nationale et les propos qualifiés d’outrageants du député national Nawez vis à vis du Chef de l’État, mirent en branle la machine de négociation.
Cette fois ci, c’est le CACH qui quitte la table de négociation.

Faure Gnassingbé tente une médiation

23 députés et 2 sénateurs tous membres de la coalition Lamuka sont invalidés par la cour constitutionnelle.

Ulcéré face à cette situation, Félix Tshisekedi convoque le 17 juin le président de la cour constitutionnelle Benoît Lwamba et lui demande des explications.

Face au climat délétère entre le deux camps et la tension perceptible entre le président Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, le président togolais Faure Gnassingbé, en visite à Kinshasa début juillet, en profite pour jouer le conciliateur entre les deux hommes.

Sa médiation paie puisque le député en question fut des excuses publiques et les négociations peuvent enfin continuer.

Le 4 juillet suivant, 19 des 23 députés invalidés été rétablis dans leurs mandats.

Les fameux trois noms

Cette fois ci, les négociations avancèrent à une vitesse de croisière. Il y a eu des changements en vue du côté CACH puisque c’est François Mwamba qui désormais mène les négociations à la place de JM Kabund jugé peu diplomate et élu entre-temps 1er vice président de l’assemblée nationale.

Après la mise en commun des programmes politiques, la taille du Gouvernement et le nombre des ministères furent l’objet d’âpres négociations.

Finalement, un compromis fut trouvé pour un gouvernement éléphantesque composé de 65 membres dont 48 ministres et 17 vices ministres.

Quant aux personnalités qui doivent composer ce Gouvernement, le Président de la République pose son veto et exige 3 noms par poste.

Les ministères régaliens, autre paire de manche

La taille du Gouvernement trouvé, il reste maintenant la répartition des ministères. Le FCC veut obtenir la part du lion étant donné qu’il a plus des députés nationaux et provinciaux ainsi que des sénateurs.

Le plus grand problème reste le contrôle des fameux ministères régaliens dont les finances, la défense, l’intérieur, la justice et les affaires étrangères.
Ici, chaque camp y va de son bon vouloir.

Mais un compromis est vite trouvé: les ministères de la Justice , Défense , des Finances et du portefeuille reviendront au FCC tandis que l’Intérieur , les Affaires Étrangères , le Budget et l’Economie seront pour CACH.

Du poste pour poste et individu sur individu

Le mois de juillet a vu les négociations progressaient énormément. Les délégués du FCC ont échangé avec le président de la République, Félix Tshisekedi, et ceux de CACH avec l’ex-chef de l’État, Joseph Kabila.

Les pourparlers ont tourné sur la répartition des portefeuilles et de leurs animateurs.

« Ces discussions, c’est vraiment poste pour poste, individu sur individu… » avait indiqué le chef de l’Etat lors de son interview à RFI et France 24 le 29 juin dernier.

Ça faisait déjà presque trois mois que le pays a un Premier ministre mais sans une équipe gouvernementale. Quelques militants de l’UDPS et du PPRD marqués par la lenteur et la longueur des négociations ont failli en venir aux mains jusqu’à ce que le lundi 20 juillet, Félix Tshisekedi et Joseph lèvent un toast pour annoncer la fin des divergences et l’atterrissage en douceur.

Un message relayé par la coordination du FCC va même jusqu’à demander aux regroupements politiques membres de sa méga plateforme de proposer les critères de désignation des futurs membres du Gouvernement. Ils avaient jusqu’au 22 juillet pour le faire.

L’élection au sénat le samedi 27 juillet dernier a aussi confirmé que les relations sont au beau fixe entre les deux parties: Alexis Tambwe Mwamba du FCC obtient la présidence du sénat et Samy Badibanga réputé proche de Félix Tshisekedi est élu 1er vice président.

Et même si c’est lundi 29 juillet aucune date ni aucune répartition des ministères n’ont été annoncé, il apparait clairement que la signature de l’accord entre le FCC et le CACH est l’aboutissement d’un long cheminement politique. Chaque camp a fait d’énormes compromis pour aboutir à un accord.

Et finalement les visages des négociateurs tapis dans l’ombre sont apparus en public.

Pour le Front Commun pour le Congo (FCC):

  1. Néhémie Mwilanya, coordonnateur du FCC et chef de délégation
     
  2. Raymond Tshibanda, ex ministre des affaires étrangères 
  3. Général Etumba, ex chef d’état-major général 
  4. Emmanuel Ramazani, secrétaire permanent du PPRD ;
  5. Aubin Minaku, ex président de l’assemblée nationale ;
  6. Azarias Ruberwa, ministre d’Etat chargé de la décentralisation. 

Pour le Cap pour le changement du Congo (CACH):

  1. Jean Marc Kabund, 1er vice-président de l’assemblée nationale et président a.i de l’UDPS, chef de la délégation ;
  2. Augustin Kabuya,  secrétaire général de l’UDPS ; 
  3. Me Mayo Mambeke, secrétaire général de l’UNC ;
  4. François Muamba, ex ministre du budget ;
  5. Dr Eteni Longondo,  secretaire général adjoint de l’UDPS ;
  6. Rubens Mikindo, secrétaire adjoint de l’UDPS.

Notons que dans une négociation, à la différence de ce qui régit les forces du marché, le résultat doit pouvoir satisfaire les valeurs et les intérêts de chaque partie, en fonction d’un jeu de critères que chaque partie va essayer d’infléchir dans le processus de négociation.
En cas d’échec, les parties se retireront simplement de l’accord.

Thierry Mfundu

1 comments
  1. Mr Thierry, vous êtes un excellent journaliste. J’ai lu ce texte avec beaucoup de satisfaction.
    Bon succès dans ta carrière.

    De Valentin MUTOO
    Québec-City, Canada

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